Journal d’une génération

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Journal d’une génération

Le 4 Mar 2016
Nicolas Luçon, "Bleu Bleu", écrit et mis en scène par Stéphane Arcas. Photo © Michael Boermans.
Nicolas Luçon, "Bleu Bleu", écrit et mis en scène par Stéphane Arcas. Photo © Michael Boermans.
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Grosso modo : à Toulouse en 1992 trois artistes déci­dent de ven­dre de la drogue pour financer leur pro­duc­tion artis­tique et de faire de ce com­merce de stupé­fi­ants une œuvre en soi.

Bleu Bleu est une his­toire de généra­tions.

Mais pas d’une généra­tion. C’est pas si sim­ple.

C’est, d’une part, une his­toire de la Généra­tion X, la généra­tion sac­ri­fiée, la généra­tion per­due… oui.

Mais aus­si, plus spé­ci­fique­ment, c’est une mise en abyme, un bras­sage de généra­tions dans le sens pro­pre au monde de l’édition, en art, en imprimerie, en vidéo ou en infor­ma­tique où une Généra­tion est une étape de la repro­duc­tion d’une œuvre.

Dès lors, chaque étape pose le prob­lème de la déf­i­ni­tion. On le voit claire­ment avec la vidéo et les pho­to­copies où l’abus de la copie de la copie de la copie… finit par altér­er la qual­ité, la fidél­ité à l’original.

Un texte man­u­scrit édité en librairie, puis en livre de poche, puis passé à la pho­to­copieuse, re-pho­to­copié, ensuite passé dans un logi­ciel O.C.R (opti­cal char­ac­ter recog­ni­tion), remis en page puis téléchargé et envoyé par mail… cha­cune de ces étapes-là est, ou peut être, con­sid­érée comme une généra­tion.

Cha­cune à son niveau offre une lec­ture dif­férente du même texte ini­tial.

Cha­cune offre sa déf­i­ni­tion.

Bref… cette métaphore repro­graphique con­tient les deux aspects du tra­vail de Bleu Bleu.

Le pre­mier, c’est que cette généra­tion per­due arrivée aux années nonante se trou­ve con­fron­tée à la fin de l’ère tech­nologique dite analogique. Qu’elle entre dans le numérique. Va donc lui suc­céder une généra­tion pour qui ces prob­lèmes de déf­i­ni­tion et de perte de qual­ité ne seront pas impor­tants et où une copie paraî­tra sim­ple et iden­tique. Une autre vision des choses, un autre brouil­lage du réel. L’uniformisation devient fon­da­trice, son idée de mise : le numérique. En un tour de passe-passe, les valeurs ne sont plus l’international et la per­son­ne mais la mon­di­al­i­sa­tion et l’individu. Les années nonante c’est ça en gros : l’instant où cette manœu­vre s’est opérée.

Le deux­ième point est que le change­ment de con­texte que pro­curent ces change­ments à répéti­tion de généra­tion d’un même texte, per­met une lec­ture sous plusieurs angles, une mise à l’épreuve et offre donc une vari­a­tion de points de vue qui per­met de cern­er le pro­pos d’une manière moins sim­pliste. On obtient des cadrages qui peu­vent révéler ce qui se joue dans le hors-champ et le non-dit.

Emma Gilles-Rousseau dans "Bleu Bleu", écriture et mise en scène Stéphane Arcas, exercice pédagogique, Cours Florent (Bruxelles). Photo © Stéphane Arcas.
Emma Gilles-Rousseau dans “Bleu Bleu”, écri­t­ure et mise en scène Stéphane Arcas, exer­ci­ce péd­a­gogique, Cours Flo­rent (Brux­elles). Pho­to © Stéphane Arcas.

Donc pour par­ler de Bleu Bleu dans un jour­nal, com­mençons par re-situer le texte ini­tial… Par fouiller dans l’historique du logi­ciel.

Le car­net : Bleu Bleu est à l’o­rig­ine une nou­velle que j’avais écrite pour tuer le temps à Mar­seille lors d’un séjour pro­longé à l’hôpi­tal. C’é­tait en 1996 et je l’avais rédigée sur un car­net et finie sur des feuilles libres. Après un acci­dent qui avait fail­li me coûter la vie, je prof­i­tai donc de ce temps de pause pour faire le point et j’écrivais cette nou­velle qui racon­tait de manière à la fois très crue mais aus­si très romancée ma vie quelques années plus tôt, en 1992, quand j’é­tais étu­di­ant aux Beaux-Arts de Toulouse.

La farde : en 99, je retombe sur le car­net et je décide de faire un film de cette nou­velle. J’écris le scé­nario et me rends à Toulouse pour tourn­er le film avec les moyens du bord. Mais une expo en Pologne et Litu­anie m’est pro­posée de façon inopinée, donc je laisse le pro­jet en plan. Le scé­nario avait était rédigé sur un mac SE et imprimé (dont un exem­plaire rangé dans une farde au cas où), puis aus­si stocké sur une dis­quette type Flopy.

Le fichi­er numérique : En 2007, de pas­sage à Mar­seille je récupère des affaires dans mon ancien ate­lier dont ce scé­nario rangé dans la farde (au cas où). Mais pas de flopy et, surtout, pas le car­net orig­i­nal (qui lui, par con­tre, n’avait rien de prévu au cas où…). Je cherche à m’ex­pli­quer ce qui avait bien pu se pass­er mais en vain et je com­mence à accepter l’idée de l’avoir per­du. Quelque mois plus tard on me pro­pose de par­ticiper au par­cours d’artiste de Saint-Gilles. Je me dis  alors « Tu as per­du le car­net mais tu as le scé­nario, donc peut-être que tu peux réécrire une autre ver­sion, une nou­velle généra­tion du pro­jet. » Je fais donc une ver­sion de Bleu Bleu pour une lec­ture avec six comé­di­ens qui est présen­tée dans un stu­dio en sous-sol de la chaussée de Water­loo. En 2008, une autre ver­sion de cette lec­ture est présen­tée à la Bel­lone pen­dant une soirée com­posée. Cette ver­sion existe donc sous forme de doc­u­ment Word, elle est sur plusieurs dis­ques durs, boîtes mails et en plusieurs exem­plaires papi­er au cas où.

Après, il y a eu la créa­tion au Théâtre Océan Nord ; là, j’ai des exem­plaires du texte à foi­son, des traces numériques partout, et même une cap­ta­tion vidéo.

Ensuite, on l’a rejoué au Théâtre du Rond-Point dans le cadre du Fes­ti­val Impa­tience.

Puis… là, main­tenant, tout de suite, très bien­tôt, pour le spec­ta­cle il s’agit d’une reprise. Ou plutôt d’une série de repris­es, sous forme de spec­ta­cle, ate­liers avec des étu­di­ants et aus­si d’expositions.

Donc de nou­velles généra­tions.

To be con­tin­ued…

Bleu Bleu, de Stéphane Arcas
à voir du 17 au 25 mars au Théâtre Varia (Bruxelles)
Avec Renaud Cagna, Cécile Chèvre, Ugo Dehaes, Chloé De Grom, Julien Jaillot, Nicolas Luçon, Guylène Olivares, Philippe Sangdor, Candy Saulnier, Claude Schmitz, Arnaud Timmermans 
Musique live Michel Cloup 
Scénographie Marie Szersnovicz 
Lumières Margareta Andersen 
Création sonore Aymeric De Tapol
Chargé de production Arnaud Timmermans
Un spectacle de Ad Hominem/Black Flag, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service du Théâtre et de Wallonie-Bruxelles Théâtre / Danse.

Bleu Bleu a été créé le 14 janvier 2014 au Théâtre Océan Nord à Bruxelles. Il a été sélectionné dans l’édition 2015 du Festival Impatience à Paris, un festival programmé en commun par Télérama et le Théâtre du Rond-Point, le Théâtre National de la Colline et le 104.
www.stephanearcas.com
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Stephane Arcas
ARTISTE PROTÉIFORME,  TOULOUSAIN ET BRUXELLOIS, STÉPHANE ARCAS SE REVENDIQUE COMME "ICONOCLASTE MULTIMÉDIA". PLASTICIEN, VIDÉASTE, SCÉNOGRAPHE,...Plus d'info
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