Le train fantôme des désirs

Entretien
Théâtre

Le train fantôme des désirs

Entretien avec Fabrice Melquiot

Le 21 Avr 2010
Guillaume Ravoire, Elsa Rozenknop, Daniel San Pedro et le musicien Paul-Marie Barbier en répétition de TARZAN BOY, texte et mise en scène Fabrice Melquiot, CDDB - Théâtre de Lorient, mars 2010. Photo Jeanne Roualet.
Guillaume Ravoire, Elsa Rozenknop, Daniel San Pedro et le musicien Paul-Marie Barbier en répétition de TARZAN BOY, texte et mise en scène Fabrice Melquiot, CDDB - Théâtre de Lorient, mars 2010. Photo Jeanne Roualet.

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Guillaume Ravoire, Elsa Rozenknop, Daniel San Pedro et le musicien Paul-Marie Barbier en répétition de TARZAN BOY, texte et mise en scène Fabrice Melquiot, CDDB - Théâtre de Lorient, mars 2010. Photo Jeanne Roualet.
Guillaume Ravoire, Elsa Rozenknop, Daniel San Pedro et le musicien Paul-Marie Barbier en répétition de TARZAN BOY, texte et mise en scène Fabrice Melquiot, CDDB - Théâtre de Lorient, mars 2010. Photo Jeanne Roualet.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 104 - Désir de théâtre. Désir au théâtre
104

CHANTAL HURAULT : Dans WANTED PETULA, et dans l’ensemble du cycle de BOULI MIRO, vous abor­dez les grandes ques­tions exis­ten­tielles en lais­sant la fable gliss­er de la réal­ité vers l’irrationnel, à tra­vers des jeux de langue, des mots d’esprit ou des sit­u­a­tions fan­tas­tiques. De quelle façon l’écriture par­le-t-elle aux fan­tasmes, aux désirs et aux frayeurs des enfants ? 

Fab­rice Melquiot : C’est comme embar­quer à bord d’un train fan­tôme. Dans ses souter­rains, on aurait dis­posé mon­stres et vam­pires, pour le plaisir des peurs, et puis les grandes ques­tions, qui sont d’autres mon­stres, au fond, des vam­pires, à leur façon. Le désir, la peur, les fan­tasmes, tout peut être là. Ce sont des « créa­tures » comme les autres. On peut crain­dre un mot, une ques­tion, comme on craint les dents du vam­pire ou les grandes mains du mon­stre. Et puis dans ce train fan­tôme, il y a une galerie des glaces, la pièce prin­ci­pale ; une enfilade de miroirs défor­mants. On s’y recon­naît, pour­tant on s’y décou­vre. On ne s’y recon­naît pas, mais le reflet ne nous est pas étranger pour autant. J’espère pour les enfants qui vien­nent s’asseoir dans l’obscurité du théâtre autant d’excitation, d’étonnement, que les pas­sagers du train fan­tôme. Avec un petit quelque chose en plus qui n’appartient qu’aux mots, à la sim­plic­ité des mots, à ces pro­fondeurs de soi où seuls les mots peu­vent nous emmen­er.

C. H.: Quel lien entretenez-vous avec les con­tes de fées dans votre écri­t­ure ? 

F. M.: J’emprunte, je détourne, je recy­cle. C’est d’abord une mémoire ; la mémoire est le fonde­ment de l’imagination et cette ren­con­tre la con­di­tion même de l’invention. Alors je fais comme chez moi. Les con­tes de fées méri­tent bien qu’on les pille ; ils nous hantent assez comme ça. J’ai l’impression que c’est en leur jouant de vilains tours que je respecte le mieux cette mémoire-là.

C. H.: Vous dites ne pas écrire « pour l’enfance » mais « depuis l’enfance ». Dans le con­texte d’un spec­ta­cle ouvert à un pub­lic jeune, la ques­tion du désir et de la sex­u­al­ité pour­rait appa­raître déli­cate. Avez-vous été ten­té de l’éluder ? 

F. M.: La ques­tion de la sex­u­al­ité n’est pas un inter­dit. Le désir, l’intimité des corps, le secret de la cham­bre des par­ents, le mys­tère de la con­cep­tion, tout cela fait par­tie des grandes curiosités enfan­tines. La fameuse petite graine. Cha­cun, pour en par­ler, cherche des images, des mots sus­cep­ti­bles de fab­ri­quer des images qui tien­nent lieu d’explication. Vive les métaphores jar­dinières. Dans WANTED PETULA, la sex­u­al­ité est plutôt présen­tée comme une sorte de quête, un voy­age, avec ses pas­sages secrets. Je crois, j’espère que la ques­tion est abor­dée avec la dis­tance humoris­tique qui per­met de rire des choses les plus graves, des « sujets » les plus brûlants.

C. H.: La nour­ri­t­ure est très présente, de l’excédent de poids de Boulià l’anorexie de Petu­laClark. De quelle façon appréhen­dez-vous le rap­port que ces deux enfants ont avec la nour­ri­t­ure ? 

F. M.: L’anorexie comme la boulim­ie ont à voir avec la dis­pari­tion, bien sûr. Dans les deux cas, je crois qu’il y a efface­ment. Mais l’histoire de Bouli et Petu­la est une his­toire d’obstination amoureuse. Ils s’entêtent à s’aimer. Pas­sion­né­ment. De toute la pas­sion que la naïveté rend pos­si­ble. En con­fi­ance, en sincérité. Il y a comme dans tout amour de l’appétit, du désir de dévo­ra­tion, des fringales, des péri­odes de dis­ette et d’opulence. Leurs corps com­mu­niquent, comme on le dit des vas­es. L’un se vide, en rem­plis­sant l’autre. Au fond, leur rap­port à la nour­ri­t­ure est davan­tage dic­té par la rela­tion qu’ils entre­ti­en­nent l’un à l’autre qu’à leurs indi­vid­u­al­ités. On ne peut pas s’obstiner à aimer, sans en pay­er un cer­tain prix. Il s’agit bien sûr de corps métaphoriques, de corps amoureux pas­sant de grandes san­tés à de grands maux. Comme toute le monde. Avec les excès grotesques qu’ils méri­tent l’un et l’autre.

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Théâtre
Fabrice Melquiot
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Chantal Hurault
Docteure en études théâtrales, Chantal Hurault a publié un livre d’entretiens avec Dominique Bruguière, Penser...Plus d'info
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