« La ville est le corrélat de la route. Elle n’existe qu’en fonction d’une circulation, et de circuits ; elle est un point remarquable sur des circuits qui la crée ou qu’elle crée. Elle se définit par des entrées et des sorties, il faut que quelque chose y entre et en sorte. Elle impose une fréquence ».
Gilles Deleuze, Félix Guatarri, CAPITALISME ET SCHIZOPHRÉNIE, Mille plateaux
À PARIS lorsque l’on s’arrête à la station Chatelet et que l’on prend le long tapis roulant qui mène à la sortie place du Chatelet, la première impression est résolument celle de la mixité. Mixité qui rend compte aussi bien des générations, des origines, des pratiques, des habitudes, des identités les plus diverses.
On ne peut non plus ignorer le nombre croissant de personnes visiblement sans abris qui investissent le métro en en faisant le lieu de toutes les confluences. La crise sociale aussi nous place au carrefour des conditions les plus diverses.
À la sortie du métro, nous sommes supposés être au centre de Paris. Un centre qui est avant tout celui de rendez-vous pratique, centre devenu relatif et atomisé par l’extension même des villes et les représentations plus ou moins homogènes que l’on s’en fait. Il ne s’oppose plus forcément à la périphérie et les cultures constellaires qui sillonnent la capitale ne cessent de réinventer d’autres carrefours possibles de rencontre et des raisons nouvelles de se réunir. Elles enrichissent ainsi le mot culture définissant des centres d’intérêt aux frontières moins cernables, représentations multiples, renouvelables, différenciées, qui relativisent la structuration même de la ville et des lieux qui lui sont dédiés.
Place du châtelet, c’est devant la fontaine que se retrouve une population tout aussi diverse, c’est au café le Sarah Bernard, le Zimmer ou le Mistral que se donnent rendez-vous ceux qui ont décidé d’aller au théâtre mais aussi ceux qui d’une façon ou d’une autre travaillent dans le domaine culturel. Sans réunir forcément des catégories homogènes, en fonction des heures de programmation, ces cafés sont comme l’anti-chambre du Théâtre de la Ville, lieux où les gens se retrouvent et se reconnaissent. Ailleurs dans la ville plus d’un café s’intitulent Bar du théâtre, Café de la comédie, Rendez-vous des artistes, assumant ainsi leur proximité avec le lieu comme une identité partagée, une extension des modes de reconnaissance.