Opéra, amour muet, fascination du cinéma et obsession de l’image ou Opéra mon amour, fascination du cinéma et obsession de l’image

Entretien
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Opéra, amour muet, fascination du cinéma et obsession de l’image ou Opéra mon amour, fascination du cinéma et obsession de l’image

Entretien avec Denis Guéguin

Le 22 Juil 2012

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Couverture numéro 113_113 - Le théâtre à l’opéra, la voix au théâtre
113 – 114

LEYLI DARYOUSH : Com­ment col­la­bores-tu avec Krzysztof War­likows­ki ?

Denis Guéguin : Ma col­lab­o­ra­tion avec Krzysztof est basée sur l’amour du ciné­ma et l’obsession de l’image. Le tra­vail vidéo est la part incon­sciente et muette de l’opéra. Il com­mence dès le début du pro­jet, la vidéo par­tic­i­pant à l’élaboration de la dra­maturgie. Au même titre que la scéno­gra­phie, elle fait par­tie du pro­jet orig­inel. Sachant que la ques­tion de base est le « com­ment racon­ter », elle devient un mode de nar­ra­tion incon­tourn­able. Bien que le tra­vail de la vidéo se décline dif­férem­ment dans les onze opéras sur lesquels nous avons tra­vail­lé, on en revient tou­jours à cette pre­mière ques­tion. Dans l’AFFAIRE MAKROPOULOS de Janácek, le per­son­nage d’Emilia Mar­ty nous est apparu comme une actrice de ciné­ma mais ce « com­ment racon­ter » va plus loin que l’intrigue pour touch­er au mythe de la star et à celui, fon­da­teur du ciné­ma, de la cav­erne pla­toni­ci­enne et
du monde comme pro­jec­tion.

L. D. : Est-ce que c’est toi qui pro­pos­es des films pour chaque pro­duc­tion ? Quel sens don­ner à cette influ­ence du ciné­ma ?

D. G. : La com­mande une fois accep­tée, on écoute l’opéra pen­dant des heures. Et pour ma part, je pro­pose des films qui vont apporter de l’eau au moulin, des œuvres qui vont créer une con­stel­la­tion de références, qui par­fois parais­sent un peu gauch­es, par­fois provo­quent un déclic. L’univers du ciné­ma trou­ve une réso­nance pro­fonde à l’opéra dont cer­taines œuvres ont un dou­ble filmique. Le dou­ble du ROI ROGER de Szy­manows­ki par exem­ple, c’est EYES WIDE SHUT de Kubrick. L’histoire du roi Roger et de sa femme, c’est le cou­ple Kid­man-Cruise. La prob­lé­ma­tique du cou­ple qui explose d’un point de vue très con­tem­po­rain s’impose comme une évi­dence : ce cou­ple « par­fait », leur beauté, leur amour, leur con­flit, lui qui va devenir fou de jalousie. Il ne s’agit pas de repro­duire le film, mais d’actualiser l’opéra, le dou­ble est un fan­tôme qui hante l’imaginaire de l’œuvre.
Pour moi, l’idée du dou­ble est une clé pour notre tra­vail, elle ouvre des pos­si­bles au pub­lic, elle crée des labyrinthes dans lesquels le spec­ta­teur se perd, bal­lot­té entre l’extase et la pen­sée cri­tique.

L. D. : À par­tir de ce tra­vail sur le ciné­ma et ses références, com­ment en arrivez-vous à l’usage de la vidéo live ?

D. G. : La ques­tion du « com­ment racon­ter » un opéra con­siste à trou­ver un point de vue, à se met­tre dans la tête d’un per­son­nage ; le live est une vision sub­jec­tive du présent, un présent qui n’est pas for­cé­ment objec­tif, parce que le live n’est pas une pure cap­ta­tion en temps réel. On essaie de sophis­ti­quer le tra­vail du « point de vue ». L’image live dev­enue sub­jec­tive est ralen­tie, décalée pour, juste­ment, brouiller les repères et tru­quer la réal­ité scénique. Dans LE ROI ROGER, le live pro­jette la vision hal­lu­ci­na­toire qu’a le roi de sa cour. Comme un enfant apeuré, il souf­fre d’un délire de per­sé­cu­tion. Dans THE RAKE’S PROGRESS, la réflex­ion est cen­trée sur ce qu’est l’image. Le per­son­nage de Tom Rakewell filme les autres et se filme lui-même. Mal­gré lui, il s’auto-crée un per­son­nage à la fois ambitieux et vul­nérable. Comme à la Fac­to­ry d’Andy Warhol, les chanteurs devi­en­nent des per­formeurs et la caméra est l’instrument de fab­ri­ca­tion du per­son­nage.
Il y a aus­si une focal­i­sa­tion sur le gros plan dans la vidéo live. Le gros plan apporte une vision ciné­matographique de détails cor­porels, du vis­age, des mains, des pieds… Brisant le qua­trième mur, il expose l’intime des corps et crée une présence des chanteurs acteurs très con­tem­po­raine.
Il y a donc une dou­ble approche de l’image, à la fois plus humaine et iconique.
Régulière­ment, je pro­pose que cer­taines scènes de vidéo live soient enreg­istrées pour faciliter la tech­nique. Mais Krzysztof impose le live pour créer de la vie sur le plateau, pour que chaque représen­ta­tion soit vivante et que les inci­dents soient sub­limés.

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Leyli Daryoush
Leyli Daryoush
Leyli Daryoush est musicologue de formation et docteure en études théâtrales. Dramaturge, chercheuse, spécialiste de l’opéra,...Plus d'info
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