Ce qui est fait induit ce qu’il y a à faire…

Théâtre
Parole d’artiste

Ce qui est fait induit ce qu’il y a à faire…

Le 12 Nov 2012

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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 115 - Martine Wijckaert - La Balse
115

NATURELLEMENT, faire « chanter une caserne comme un théâtre » n’a pas été dénué d’excitation, encore moins d’authentique ému­la­tion artis­tique. Et puis, tout cela fut pas­sion­nant et for­ma­teur. Et totale­ment rigo­lo… Il n’en demeure pas moins que je dois à ces années « sauvages » mon indé­fectible con­stance et ma foi en un chemin artis­tique sans con­ces­sion. Dur­er ain­si néces­site bien sûr une dose cer­taine d’abnégation ; c’est un peu comme « entr­er en reli­gion », soit chem­iner sur de l’intuitif pur en per­me­t­tant au temps d’accomplir son tra­vail ana­ly­tique. Cette matéri­al­i­sa­tion active du temps m’a con­féré l’inépuisable ressource de la recherche et la ver­tu de la can­deur, si bien que ce qu’il est con­venu d’appeler l’âge et l’expérience con­siste pour moi en la révéla­tion de plus en plus claire de l’histoire que je tente de racon­ter depuis bien­tôt quar­ante ans. Unique obses­sion qui est allée en se ram­i­fi­ant pour ensuite se con­cen­tr­er sur le creuse­ment d’un canal bien spé­ci­fique m’ayant per­mis d’établir une véri­ta­ble table des matières de mon tra­vail en cours dans la per­spec­tive de mon tra­vail à venir qui, inlass­able­ment, revient sur le « dernier lieu » et la « dernière trace » afin de pour­suiv­re ce qui est devenu une enquête méta­physi­co-dra­ma­tique. C’est cette même enquête qui m’a tenue tant en haleine qu’en alerte, à l’instar d’un petit ani­mal sylvestre et fouineur ; cette ani­mal­ité me « con­serve » car, loin de m’éroder, elle me pré­cip­ite chaque jour dans un désir et une curiosité sans cesse renou­velés et où l’indéniable expéri­ence acquise ne sert qu’à en appréci­er l’éphémère déhis­cence qui sera offerte en partage.

Mais voici à présent que s’ouvre le troisième et peu banal chapitre du grand livre de la Bal­sa.

Si l’on se sou­vient, il y eut un pre­mier chapitre à ce livre, celui que j’intitulerais « la bal­sa sauvage » : ère d’utopie et de créa­tions de tous bor­ds et de tous poils prof­i­tant de l’intégralité de la friche de la caserne avec la spé­ci­ficité de son archi­tec­ture sans cesse revis­itée. Ensuite, à la faveur des travaux de réno­va­tion et d’implantation cette fois offi­cielle, le sec­ond chapitre, dit de « l’institutionnalisation », coïn­cide avec la pas­sa­tion de la direc­tion artis­tique à Chris­t­ian Machiels qui affirmera au cours de dix-sept années la voca­tion du lieu pour l’aide à la jeune créa­tion et pour la pro­mo­tion de la danse. En par­al­lèle, mon tra­vail artis­tique se pour­suit au sein de la mai­son. Mon­i­ca Gomes et Fabi­en Dehas­sel­er, en leur qual­ité de nou­veaux directeurs artis­tiques, inau­gurent le troisième chapitre que je désign­erais comme « la nou­velle utopie ». Leur tra­vail va s’orienter vers un choix plus « par­ti­san » d’artistes en « habi­ta­tion », avec et pour lesquels ils dévelop­per­ont un réseau bâti sur le principe de respon­s­abil­ité. Dans cette galax­ie nou­velle, la suite de mon tra­vail acquiert une place intrin­sèque au sys­tème. En effet, je pense que mon des­tin artis­tique – voire exis­ten­tiel tout court – est intime­ment lié à la bal­sa : mai­son autant qu’outil, ce lieu a bâti ma théâ­tral­ité au même titre que cette théâ­tral­ité en a irrigué tous les recoins.

Les travaux à venir (TRILOGIE DE L’ENFER, LONELY VILLAGE, SEPT MAISONS, LES FORTUNES DE LA VIANDE) s’identifient cha­cun à la lisière de la matière théâ­trale et de la matière plas­tique et révè­lent dans leur ensem­ble l’inflexion de ma démarche vers une recherche d’approfondissement des aspects pure­ment plas­tiques et des aspects pure­ment textuels et ce, en les dis­so­ciant momen­tané­ment l’un de l’autre.

S’il est vrai que l’écriture et la fac­ture de TRILOGIE DE L’ENFER engrangent et poussent plus en avant encore le com­post de la trans­mis­sion et de la place dans l’univers tel qu’initié dans la pre­mière trilo­gie dite TABLE DES MATIÈRES, il n’en demeure pas moins que cette logique de rebondisse­ment créatif sur base de la dernière trace et du dernier lieu se véri­fiera même­ment dans un ouvrage au demeu­rant (mais d’apparence…) stricte­ment plas­tique comme SEPT MAISONS qui, au fil de la vis­ite de sept archi­tec­tures élevées sur qua­tre champs dis­tincts, inter­roge inlass­able­ment un dis­posi­tif tant cos­mique qu’organique au sein duquel la réitéra­tion de la dis­pari­tion pré­sup­pose une ten­ta­tion vers l’improbable éter­nité. Mais il s’agit aus­si de recom­pos­er avec le silence et l’absence, comme cela se con­firmera égale­ment avec l’installation inti­t­ulée LONELY VILLAGE pro­posant une gigan­tesque fresque lumineuse élaborée à par­tir de pho­togra­phies glanées au cours d’une errance soli­taire dans un petit vil­lage français. Enfin, la volon­té de faire du texte en pré­pa­ra­tion de LES FORTUNES DE LA VIANDE un ora­to­rio pour qua­tre indi­vidus (deux hommes et deux femmes) plan­tés dans le vide d’un espace absol­u­ment nu procède de la ten­ta­tion (là aus­si…) de faire du texte pur l’espace équiv­oque parce que pub­lic d’une con­fi­dence adressée au parte­naire selon un mécan­isme de cas­cade mise en abîme.

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