Unmétaphore heureuse
L’avènement de la scène à l’italienne c’est celui de l’homme de théâtre en tant que conscience face au monde. 11n’y est plus immergé. Mais, sa capacité de proposer une image totalisante du monde vient aussi de son statut d’artiste contemporain de la montée d’une classe dont le pouvoir est de nature centralisatrice. L’artiste, lui, enracine dans l’imaginaire collectif une nouvelle image du monde dont la concrétisation parfaite est la scène à l’italienne, métaphore géniale du rapport de l’homme au monde.
Dans l’univers de la Renaissance qui devient humain et cesse d’être divin, la conscience de l’artiste, en l’occurence de l’homme de théâtre, et celle du monde empruntent un même trajet car l’image du monde d’un groupe s’impose sans déchirement à·l’ensemble de la société. L’économique, les concepts, l’imaginaire, s’organisent à partir d’une image focalisée du réel tout comme la scèr_ie à l’italienne. Ils se forgent simultanément.
Proposer une vision totalisante du monde, comme le tait la perspective italienne, risque d’ouvrir la porte à une rationalisation dévoratrice qui réduit l’imaginaire à un accessoire, alors qu’on espérait qu’il tusse le fondateur du nouvel ordre humain.
La rationalisation-division
La renaissance transforme en objet l’univers, dont le seul sujet devient l’homme réduit à unepensée rationalisante. Elle porteengerme le capitalisme, qui se tonde à partir du processus le plus rudimentaire de rationalisation : la division, division entre pouvoir et production, entre pensée et action, entre art et société, entre imaginaire et réalité sociale. On pourrait allonger la liste sur des milliers de pages mais, le résultat pour l’artiste, c’est que sa fonction est désamorcée du pouvoir et désamorcée de la réalité sociale. Plus question de forger un univers commun. Tous les éléments de ce système se développent dans leur propre sphère.
La logique du processus de division
La tragédie moderne peut se pressentir comme le tait que la conscience qu’un individu a de lui-même est la conscience de sa séparation d’avec les autres. On existe par opposition aux autres et si par hasard on accepte l’univers de l’autre on se dissout en tant que conscience propre. On ne peut être soi qu’en détruisant l’autre en soi. La dialectique profonde du monde moderne est là.
L’artiste mû par la conscience de sa séparation d’avec les autres, s’interroge sur l’efficacité de sa production. Comment retrouver une collectivité humaine sans s’anéantir soi-même ? Plus le processus du capitalisme va se clarifier, plus l’analyse que les hommes vont en faire va se purifier de ses parasites humanitaristes.
Face à un capitalisme de plus en plus cohérent, naît une analyse du monde qui se présente comme de plus en plus rigoureuse : l’analyse marxiste. A la rationalisation de l’univers correspond la rationalisation de la lutte. Face à une idéologie de la division va se constituer une idéologie de lutte basée , elle aussi, sur la division : la lutte de classes. Le marxisme naît du capitalisme, il a le même schéma structurel. Il pare au plus pressé : la survie physique des individus. Mais il renforce l’idéologie de la division et de la rupture. Il ne change donc pas la problématique fondamentale du monde moderne : secouper d’une partiedu monde, rompre pour survivre. L’idéologie de la division l’oblige à assimiler capitalisme et pouvoir, capitalisme et bourgeoisie.
Or le pouvoir est un des rouages du système capitaliste dont la force vicieuse réside justement dans le tait qu’il implique le pouvoir autant que le non-pouvoir dans son fonctionnement. Les multinationales sont prisonnières de la logique du système autant que le balayeur noir du métro de Paris.
La nécessité de retrouver une unité quelque part apparaît comme de plus en plus urgente. C’est à partir de l’idéologie de la lutte de classes, qui implique le processus de division-rupture, que doit se comprendre l’histoire moderne de la scène à l’italienne et donc le pourquoi du retour du théâtre à la scène à l’italienne.
Au moment même où l’instrument-scène à l’italienne arrive à la perfection, il est vidé de sa nécessité existentielle. Il continue d’être la métaphore des rapports de l’homme au monde, des rapports des hommes entre eux, mais contraireme’nt à la Renaissance, il apparaît maintenant comme métaphore de la division.