Fédération Wallonie-Bruxelles 2018 – 2022 : quel nouveau paysage pour les arts de la scène ?

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Fédération Wallonie-Bruxelles 2018 – 2022 : quel nouveau paysage pour les arts de la scène ?

Le 30 Mar 2018

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Couverture deu numéro 134 - Institutions / insurrections
134

Le 23 novem­bre dernier, la min­istre de la Cul­ture de la Fédéra­tion Wal­lonie Brux­elles Alda Gre­oli rendait ses déci­sions rel­a­tives au sub­ven­tion­nement des opéra­teurs recon­nus dans le domaine des Arts de la Scène pour la péri­ode 2018 – 2022. Le 13 décem­bre, à l’initiative con­jointe d’Alternatives théâ­trales et de la fil­ière « Arts du spec­ta­cle » de l’Université libre de Brux­elles, se tenait, dans les locaux de l’ULB, une table ronde rassem­blant plusieurs représen­tants du secteur et les étu­di­ants en mas­ter Arts du Spec­ta­cle Vivant à l’ULB.

Françoise Bloch direc­trice artis­tique de la com­pag­nie Zoo Théâtre, met­teuse en scène.

Michael Delaunoy directeur du Rideau de Brux­elles, prési­dent de la CONPEAS (Con­cer­ta­tion per­ma­nente des employeurs des arts de la scène) et met­teur en scène.

Rachel Gold­en­berg admin­is­tra­trice de la com­pag­nie Dame de Pic, mem­bre de la RAC, Rassem­ble­ment des Acteurs du secteur Choré­graphique.

Isabelle Jans coor­di­na­trice d’Aires Libres, con­cer­ta­tion des Arts de la rue, des Arts du cirque et des Arts forains.

Dominique Roodthooft direc­trice artis­tique de la com­pag­nie Le Cor­ri­dor, met­teuse en scène.

Julien Sigard coor­di­na­teur de Habe­mus Papam, struc­ture de développe­ment, pro­duc­tion et dif­fu­sion de pro­jets artis­tiques.

Philippe Sireuil directeur du Théâtre Les Mar­tyrs, met­teur en scène.

J.-Philippe Van Ael­brouck directeur général du ser­vice général de la créa­tion artis­tique, Min­istère de la Cul­ture de la FWB.

J.-Michel Van den Eey­den directeur du théâtre de l’Ancre de Charleroi, met­teur en scène.

Karel Van­hae­se­brouck pro­fesseur en his­toire et esthé­tique du spec­ta­cle vivant à l’ULB, où il dirige le Mas­ter en Arts du Spec­ta­cle vivant. Il enseigne égale­ment au RITCS et à l’ESACT.

Mod­éra­tion Lau­rence Van Goethem.

I. VAN GOETHEM Mer­ci à toutes et tous pour votre présence. Notre pre­mière ques­tion sera la suiv­ante : quels sont selon vous les critères qui ont été décisifs dans les récentes déci­sions
min­istérielles en Fédéra­tion Wal­lonie-Brux­elles ? Com­ment com­pren­dre la logique sous-jacente de la min­istre de la Cul­ture ?

M. DELAUNOY La ques­tion que tu pos­es mon­tre que les choses ont été en quelque sorte faites à l’envers. On a don­né les mon­tants des sub­ven­tions dans la presse (avant même que les opéra­teurs ne les reçoivent) sans dis­cours intro­duisant ces déci­sions. Or, l’idée de l’alignement (met­tre presque 300 opéra­teurs sur la ligne de départ en même temps), c’était de dire « on veut insuf­fler une poli­tique sur une cer­taine durée » (avant ce n’était pas le cas puisqu’on négo­ci­ait tous séparé­ment à des moments dif­férents). Si toutes les déci­sions budgé­taires sont pris­es en même temps, un dis­cours devrait expliciter et met­tre en per­spec­tive ces déci­sions : « voilà la poli­tique que je veux insuf­fler et c’est pourquoi mes déci­sions vont dans tel ou tel sens ». L’autre ques­tion absente est celle des mis­sions. Nous avons reçu un mon­tant et nous allons négoci­er ensuite, et avec l’administration, le cahi­er des charges. C’est sur­prenant, car le cahi­er des charges est l’élément clef d’un con­trat-pro­gramme, ce qui lui donne sens. Il doit donc être dis­cuté avec le poli­tique (à l’administration d’appliquer ensuite ce qui a été décidé). Ici aus­si, les choses sem­blent se faire à l’envers. Il en résulte pour cha­cun une dif­fi­culté à appréhen­der la poli­tique qui sous-tend les déci­sions annon­cées.

I. JANS Dans le secteur du cirque, des arts forains et des arts de la rue, nous n’avons pas encore reçu, à l’heure actuelle, le mon­tant des aides pluri­an­nuelles, or il s’agit d’un secteur très petit dont la plu­part des opéra­teurs béné­fi­ci­aient de petites con­ven­tions. On sup­pose donc qu’il y aura des aides pluri­an­nuelles qui vont tomber.

Dans notre secteur, nous n’avons pas reçu les argu­ments des instances d’avis jus­ti­fi­ant les déci­sions pris­es. Ce secteur, qui était extrême­ment sous-financé, reçoit glob­ale­ment une aug­men­ta­tion des sub­ven­tions. Pour le moment je con­state une aug­men­ta­tion mais cela reste très peu en chiffres. C’est un secteur où le cen­tre scénique prin­ci­pal est sub­ven­tion­né à 300 000 €.

J‑PH. VAN AELBROUCK Je remar­que avec vous que le tim­ing est très mau­vais. Ceux qui me con­nais­sent savent que je ne pra­tique pas la langue de bois, ain­si je peux en même temps défendre ma min­istre et dire qu’un cer­tain nom­bre de choses ne vont pas. Voici la manière dont nous avons tra­vail­lé, jusqu’à l’épuisement : le 17 jan­vi­er 2017, nous avons com­mencé à dépouiller les 415 dossiers qui ont été déposés (je rap­pelle qu’il n’y a pas que le théâtre dans le décret des Arts de la Scène).
Nous avons mis au point une méthodolo­gie tout à fait trans­ver­sale qui a per­mis que l’analyse des dossiers par l’administration soit la même dans tous les secteurs. Nous avons égale­ment mis au point une méthodolo­gie trans­ver­sale pour les instances d’avis : une grille d’analyse qui com­porte plusieurs critères. Nous avons aus­si rap­pelé que nous étions dans une phase d’estimation d’un pro­jet d’avenir, car je sais que dans beau­coup de dossiers sont apparus des on-dit, des rumeurs sur le passé d’un opéra­teur etc. Autant que pos­si­ble, nous y avons coupé court. L’ensemble des critères prévus par le décret ont été exam­inés et argu­men­tés un à un, afin de déter­min­er si l’opérateur y répondait ou non. Pour l’avenir, la posi­tion de l’administration est d’affirmer le dossier déposé comme out­il de référence. La négo­ci­a­tion vien­dra après. Nous allons faire des « copiés-col­lés » dans les cas­es prévues du cahi­er de charges. Ensuite vous net­toierez, vous argu­menterez en dis­ant « À tel prix on ne peut pas faire ça », « Nous n’avons pas la capac­ité de faire plus » et, enfin, la Min­istre tranchera.

F.BLOCH Ce que M. Van Ael­brouck vient de dire pose prob­lème : que vont pou­voir faire des opéra­teurs dont le pro­jet a été jugé posi­tif et qui ne reçoivent que 30 % ou 50 % du mon­tant accroché à ce pro­jet ? Dans le monde de l’entreprise, on con­sid­ère que jusqu’à un cer­tain pour­cent­age du mon­tant néces­saire (env­i­ron 80 %) il est pos­si­ble pour une PME de revoir son pro­jet à la baisse ; en deçà de ce pour­cent­age, elle doit chang­er de pro­jet ! Parce que soutenir un pro­jet, c’est soutenir un mon­tant. Ici c’est exacte­ment l’inverse. Sur des pro­jets jugés posi­tifs les com­pag­nies reçoivent selon les cas entre 90 % et 25 % du mon­tant demandé et recom­mandé par l’instance d’avis. Je ne vois pas com­ment un cahi­er des charges peut se con­cevoir dans le cadre de tels écarts. D’autant qu’aucune jus­ti­fi­ca­tion ne les accom­pa­gne… Il y a un vrai prob­lème de lis­i­bil­ité qui hand­i­cape le tra­vail à venir. La seule chose claire est qu’il y a une chute au niveau du théâtre adulte, qui est le secteur qui n’a pas été priv­ilégié par Madame la Min­istre, et qu’au sein de ce secteur, il y a une chute des com­pag­nies portées par les artistes, qui est le mode de fonc­tion­nement qui n’a pas été priv­ilégié par Madame la Min­istre (aug­men­ta­tion des com­pag­nies de 0,5 % pour une aug­men­ta­tion glob­ale du secteur de 10 %).

PH. SIREUIL Je voudrais faire un brin d’histoire. Autour de cette table, je suis le seul à avoir par­ticipé à un débat inti­t­ulé « Le Théâtre et l’État ou le cul entre deux chais­es », organ­isé par Alter­na­tives théâ­trales en décem­bre 1982 et qui relatait déjà dix ans d’errance3. On ne peut com­pren­dre l’attitude des déci­sions min­istérielles qui vien­nent d’être énon­cées et leurs con­séquences si l’on ne s’en réfère pas à ce que la Bel­gique fran­coph­o­ne con­naît depuis la fin de la Sec­onde Guerre mon­di­ale. Cette évi­dence plaît rarement : en Bel­gique il n’y avait pas de plan pour les théâtres avant que l’occupant ne s’en occupât. La fon­da­tion du Théâtre Nation­al de Bel­gique s’inspire de cet acci­dent de l’histoire, mais il fau­dra atten­dre l’arrêté roy­al de 1957 pour que l’État décide d’interférer en insti­tu­ant un cer­tain nom­bre de théâtres à par­tir des entre­pris­es nées du privé. Con­traire­ment à la créa­tion des maisons de la cul­ture et des cen­tres cul­turels, et à l’exception notoire du Théâtre Nation­al, le rôle de l’État vis-à-vis des théâtres a tou­jours été celui d’accompagner et non de faire naître.

le rôle de l’État 
vis-à-vis des théâtres
a toujours été celui d’accompagner
et non de faire naître.

La dif­férence explique pour une part ce à quoi nous sommes con­fron­tés aujourd’hui. Jusqu’à récem­ment, l’organisation poli­tique de la ges­tion des Arts de la Scène con­sis­tait en ce qu’Henri Ingberg4 appelait « la tranche milanaise » : aug­menter pro­gres­sive­ment sans remet­tre en cause ce qui existe. Ces quinze dernières années, il y a eu une infla­tion de 17 %. La moyenne générale de l’augmentation des théâtres obtenue en 2018 se chiffre aux alen­tours de 9,5 %. Je par­le ici des théâtres avec un bâti­ment. L’enveloppe de départ est donc absol­u­ment insuff­isante.

R. GOLDENBERG Je rejoins ce que dis­ent Philippe Sireuil et Michael Delaunoy : les déci­sions ont été pris­es sans une volon­té poli­tique d’insuffler une direc­tion. Pour le secteur de la danse, c’est un réel prob­lème : nous n’avons pas un réseau de dif­fu­sion très impor­tant en Fédéra­tion Wal­lonie-Brux­elles. Pour mémoire, le secteur représente 6 % du bud­get des Arts de la Scène, il y a un seul cen­tre choré­graphique (Charleroi danse – qui con­cen­tre 50 % du bud­get danse), et une salle dédiée aux arts choré­graphiques (Les Brigit­tines). Depuis des années, nous deman­dons une impul­sion poli­tique pour soutenir le développe­ment de ce réseau, qui passerait par une inscrip­tion de la pro­gram­ma­tion et co-pro­duc­tion des arts choré­graphiques dans les mis­sions des théâtres et des cen­tres cul­turels. C’est ce qui a été fait en Flan­dres, où la créa­tion d’un réseau de dif­fu­sion en danse per­met au secteur de se dévelop­per sur le ter­ri­toire nation­al avant de se déploy­er au-delà des fron­tières belges.

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Antoine Laubin
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