Du zentaï au théâtre déshumanisé : refus de l’identification dans le théâtre contemporain

Danse
Critique

Du zentaï au théâtre déshumanisé : refus de l’identification dans le théâtre contemporain

Le 19 Oct 2019
La Plaza de El Conde de Torrefiel, 2018. Photo Bruno Simão.
La Plaza de El Conde de Torrefiel, 2018. Photo Bruno Simão.
La Plaza de El Conde de Torrefiel, 2018. Photo Bruno Simão.
La Plaza de El Conde de Torrefiel, 2018. Photo Bruno Simão.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 138 - Arts de la scène et arts plastique
138

En déshu­man­isant leurs plateaux, cer­tains artistes de la scène con­tem­po­raine con­vo­quent chez leurs spec­ta­teurs un type de regard plus proche de l’oeuvre exposée que de l’art vivant. Loin du nar­ratif ou d’un par­ti pris explicite­ment poli­tique, le tableau mis en oeu­vre sur scène inter­roge néan­moins le monde con­tem­po­rain. Ini­tiale­ment issu d’une sub­cul­ture fétichiste japon­aise, le zen­taï com­mence depuis quelques années à peu­pler les plateaux de théâtre. Cette com­bi­nai­son inté­grale recou­vrant l’ensemble du corps efface les traits per­son­nels des acteurs au prof­it d’une sil­hou­ette aus­si indis­tincte qu’anonyme. Dans notre « société faciale1 » qui, par le traite­ment médi­a­tique démul­ti­plie les vis­ages et les réduits en marchan­dis­es, cette absence de vis­age inter­pelle. Elle inter­pelle d’autant plus lorsqu’elle sur­git au théâtre. En effet, à l’encontre de la télévi­sion et du ciné­ma qui don­nent à voir des vis­ages comme « autant de sur­faces dés­in­car­nées2 », la sin­gu­lar­ité du théâtre repose sur la co-présence des acteurs et des spec­ta­teurs et, par­tant, sur l’expérience du face-à-face qu’elle rend pos­si­ble. Dès lors que, comme l’écrit Belt­ing, le face-à-face « désigne un con­tact immé­di­at, ou plutôt un inévitable échange de regards quand sonne l’heure de la vérité entre deux per­son­nes3 » et que « l’histoire du vis­age a tou­jours été celle de l’image de l’homme4 », quel rap­port à l’humanité et au théâtre est-il mis en jeu lorsque le zen­taï en vient à rem­plac­er l’acteur et le per­son­nage.

Dans un con­texte où la vidéo et le recours aux gros plans au théâtre « change[nt] involon­taire­ment le vis­age en masque5 » et, ce faisant, font par­ticiper ce dernier à la « société faciale », des met­teurs en scène et choré­graphes choi­sis­sent donc de sous­traire le corps et les traits de leurs acteurs/danseurs aux spec­ta­teurs, au béné­fice de la seule sil­hou­ette anonymisée. Par­mi ceux-ci, Mette Ing­vart­sen (dans la pre­mière par­tie de to come (extend­ed), 2017), El Conde de Tor­refiel (La Plaza, 2018) et Kris Ver­don­ck (Some­thing (out of noth­ing), 2019). Tous trois met­tent en scène la fig­ure du zen­taï pour représen­ter une human­ité en prise avec les con­séquences des voies emprun­tées par nos sociétés occi­den­tales, que ce soit par rap­port au sexe (Ing­vart­sen), à la cul­ture (El Conde de Tor­refiel) ou à l’écologie (Ver­don­ck).

To come (extend­ed) : le sexe de l’inorganique

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Mette Ingvartsen
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Karolina Svobodova
Karolina Svobodova est chercheuse postdoctorale à l’Université libre de Bruxelles. Après avoir réalisé une thèse...Plus d'info
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