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Entretien avec Loïc Touzé

Le 3 Nov 2023
Helena de Laurens dans Cabaret Brouillon, création de Loïc Touzé à Chorège cdcn Falaise Normandie, 2023. Photo Alice Gautier.
Helena de Laurens dans Cabaret Brouillon, création de Loïc Touzé à Chorège cdcn Falaise Normandie, 2023. Photo Alice Gautier.
Helena de Laurens dans Cabaret Brouillon, création de Loïc Touzé à Chorège cdcn Falaise Normandie, 2023. Photo Alice Gautier.
Helena de Laurens dans Cabaret Brouillon, création de Loïc Touzé à Chorège cdcn Falaise Normandie, 2023. Photo Alice Gautier.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 143 Cabaret - Althernatives Théâtrales
150 – 151

Rien que le titre, déli­cieuse­ment apéri­tif, des­sine les con­tours d’un pro­jet qui s’invente de coup de cray­on en coup de cray­on. Un brin foutraque, tou­jours en cours, gen­ti­ment bazar, bref, un cabaret digne de ce nom qui sec­oue les codes et les attentes pour mieux se sur­pren­dre et le pub­lic avec. Car, qui se risque à utilis­er le terme « cabaret » le fait à ses risques et périls.

C’est pen­dant les dif­férents con­fine­ments que Loïc Touzé a eu envie d’imaginer un cabaret. Directeur de Hon­olu­lu, à Nantes, un lieu de pra­tique et de rési­dence qui ressem­ble à un gre­nier où seule­ment dix-neuf per­son­nes peu­vent assis­ter à une per­for­mance, il a l’idée de cette forme apparem­ment légère à fab­ri­quer locale­ment. « Devenir quelque temps séden­taire, tra­vailler avec les artistes qui sont là, proches, ouvrir le lieu à des petits groupes et jouer beau­coup, résume-t-il. Le brouil­lon s’est alors imposé, le brouil­lon comme ten­ta­tive, essai, reprise, ratage pos­si­ble, comme ter­rain d’expérimentation d’une forme artis­tique pour laque­lle nous n’étions a pri­ori pas com­pé­tents. »

Celui qui a « besoin de s’engager sur des ter­rains qu’il ne maîtrise pas » depuis sa démis­sion de l’Opéra de Paris, en 1985, à l’âge de 21 ans, sur­prend avec ce choix esthé­tique apparem­ment aux antipodes de sa ligne de danse. À la tête de sa com­pag­nie créée au milieu des années 1990, Loïc Touzé fait pal­piter une veine choré­graphique aven­tureuse et expéri­men­tale. « Mais si je regarde un peu plus atten­tive­ment les pro­jets que j’ai réal­isés ces vingt dernières années comme Love, en 2003, La Chance, en 2008 ou encore Je suis lent, sept ans plus tard, je vois bien que le motif du cabaret hante mes pièces depuis longtemps, souligne-t-il. Cela a com­mencé en 2001 avec Morceau où, pour ouvrir des nou­veaux principes de com­po­si­tion et cra­quer un cos­tume trop étroit de choré­graphe con­tem­po­rain, j’ai pro­posé à Yves- Noël Gen­od, Lat­i­fa Laâbis­si et Jen­nifer Lacey de m’accompagner dans un proces­sus exploratoire où les notions de valid­ité et d’invalidité des formes per­for­ma­tives exposées deve­naient cen­trales. »

Autant dire que la ques­tion du frag­ment et du numéro est cen­trale chez Loïc Touzé ain­si que le besoin de bous­culer ses habi­tudes pour se ris­quer ailleurs. Dans ce con­texte, le choix du cabaret s’explique « parce qu’il est un état d’esprit aven­tureux, rugueux, sen­suel et que c’est une manière de sor­tir de nos car­cans, de nos goûts, de nous purg­er en quelque sorte, en cher­chant de nou­veaux rap­ports avec le pub­lic ». S’il recon­naît avec fran­chise qu’il n’est pas cabaret­tiste et ne vient pas de cette cul­ture, cela ne l’empêche pas d’aller de l’avant. « Je dois inven­ter un réc­it, aller chercher des fig­ures stim­u­lantes, jouer à me faire croire que j’ai tou­jours été un meneur de revue », glisse-t-il. Par­al­lèle­ment à Vales­ka Gert, les frères Jacques, Isidore Isou et la poésie let­triste, mais encore le cri­tique d’art Jean-Yves Jouan­nais et son tra­vail sur l’idiotie, le ciné­ma est l’une de ses sources d’inspiration avec des œuvres comme Meurtre d’un book­mak­er chi­nois, réal­isé en 1976 par John Cas­savetes, Sweet Char­i­ty, mis en scène par Bob Fos­se, en 1969, ou encore Céline et Julie vont en bateau, filmé en 1974 par Jacques Riv­ette. « D’autres fig­ures encore sont apparues ou plutôt sont remon­tées à la sur­face comme Vir­ginia O’Brien dans le film Les Marx au grand mag­a­sin, mais aus­si celles de Roger Pry­or Dodge et Mura Dehn, deux danseur·euses américain·es d’avant la Sec­onde Guerre. »

Pour cette créa­tion toute spé­ciale, Loïc Touzé s’est entouré d’une équipe com­posée de Lau­rent Cebe, Maëlle Gozlan, Hele­na de Lau­rens, David Mar­ques, Johann Nöh­les et Lina Schlageter, tous tra­vail­lant dans le champ de la danse ou du théâtre. « Chaque numéro a été l’occasion d’une recherche col­lab­o­ra­tive, où les ques­tions de com­po­si­tions, de choix, de thèmes, de sujets, de goût, de rythme, de forme, de nature d’investissement, de durée, de puis­sance et d’affaiblissement ont été inter­rogées col­lec­tive­ment. » Et qui dit mieux pour faire advenir ce cabaret « qui est avant tout un lieu et pas seule­ment un lieu physique, mais un état d’esprit ».

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Rosita Boisseau
Rosita Boisseau est une journaliste et critique française spécialiste de la danse, et auteure d'expositions,...Plus d'info
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