Let’s make an opera ! Visages et usages de l’opéra participatif pour jeune public
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Let’s make an opera ! Visages et usages de l’opéra participatif pour jeune public

Le 7 Mai 2025
Un piano dans la montagne/Carmen, d'après Bizet, Compagnie Sandrine Anglade, Théâtre Jacques Carat, Cachan. Elèves de CM2 de l'école La Plaine à Cachan. Crédits photo : Nasser Berzane et Henri Perrot
Un piano dans la montagne/Carmen, d'après Bizet, Compagnie Sandrine Anglade, Théâtre Jacques Carat, Cachan. Elèves de CM2 de l'école La Plaine à Cachan. Crédits photo : Nasser Berzane et Henri Perrot

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Un piano dans la montagne/Carmen, d'après Bizet, Compagnie Sandrine Anglade, Théâtre Jacques Carat, Cachan. Elèves de CM2 de l'école La Plaine à Cachan. Crédits photo : Nasser Berzane et Henri Perrot
Un piano dans la montagne/Carmen, d'après Bizet, Compagnie Sandrine Anglade, Théâtre Jacques Carat, Cachan. Elèves de CM2 de l'école La Plaine à Cachan. Crédits photo : Nasser Berzane et Henri Perrot
Article publié pour le numéro

Les opéras pour jeune pub­lic sont désor­mais nom­breux, à la fois dans le réper­toire et dans les créa­tions1. Mais, au sein de ce genre à part entière, les opéras par­tic­i­pat­ifs sont plus rares et inven­tent à chaque fois leurs modal­ités d’implication du jeune pub­lic. On appelle ici « par­tic­i­patif » un opéra qui amé­nage dans sa com­po­si­tion, son livret et sa mise en scène des inter­ven­tions du pub­lic, faisant de celui-ci un véri­ta­ble élé­ment musi­cal et dra­ma­tique.

Il ne suf­fit donc pas qu’un chœur d’enfants y con­tribue, même s’il existe bien des inter­mé­di­aires pos­si­bles entre la par­tic­i­pa­tion spon­tanée du pub­lic et la patiente pré­pa­ra­tion d’une maîtrise d’enfants. Par exem­ple, Le Petit Ramoneur/The Lit­tle Sweep (Let’s Make an Opera !), com­posé par Ben­jamin Brit­ten en 1949, pro­pose un livret de « chants pour le pub­lic », mais les rôles pour voix d’enfants de huit à quinze ans sup­posent une longue pré­pa­ra­tion. Depuis ce précé­dent, dif­férentes formes d’opéra par­tic­i­patif pour jeune pub­lic se sont dévelop­pées. Dans cette logique, le réper­toire est revis­ité, car il faut sou­vent adapter et traduire le livret, abréger la par­ti­tion, sélec­tion­ner des chants d’intervention, c’est-à-dire éla­bor­er une nou­velle ver­sion des œuvres. Pour la créa­tion de nou­velles œuvres, la com­po­si­tion et la mise en scène peu­vent inté­gr­er d’emblée la par­tic­i­pa­tion du jeune pub­lic. Mais tout l’enjeu est peut-être que ces œuvres n’occupent pas seule­ment un seg­ment « jeunesse » de la créa­tion musi­cale, mais intro­duisent à une cul­ture de l’écoute diver­si­fiée, où le futur pub­lic des créa­tions d’opéra est en jeu. 

Une Petite Flûte, d’après Mozart, mise en scène Julie Depardieu, orchestre des Siècles dirigé par Joël Soichez, crédit photo : Vincent Pontet
Une Petite Flûte, d’après Mozart, mise en scène Julie Depar­dieu, orchestre des Siè­cles dirigé par Joël Soichez, crédit pho­to : Vin­cent Pon­tet

Nous exam­inerons donc trois exem­ples, comme autant de répons­es à ces ques­tions : com­ment la par­tic­i­pa­tion du jeune pub­lic con­tribue-t-elle à sa décou­verte de l’opéra ? Que sig­ni­fie-t-elle pour les adultes et pour les enfants ? Et que veut-on met­tre en avant dans la par­tic­i­pa­tion ? Associ­er le pub­lic à la fab­rique des opéras ? Ou bien con­stituer un pub­lic des­tiné à dur­er ? Nos trois exem­ples s’adressent à une tranche d’âge de six à qua­torze ans, et bien sûr aux adultes. Il s’agit d’Une petite flûte, adap­tée de La Flûte enchan­tée de Mozart, mise en scène par Julie Depar­dieu et créée au Théâtre des Champs-Élysées (TCE) en 2024 ; Un piano dans la mon­tagne – un corps à soi, d’après Car­men de Bizet, créé par la com­pag­nie San­drine Anglade en 2023, et Patiente, mon cœur, une com­mande de l’Opéra roy­al de Wal­lonie, com­posé par Lionel Polis sur un livret d’André Bor­bé, et créé à Liège en 2024.

Une Petite Flûte, d’après Mozart, mise en scène Julie Depardieu, orchestre des Siècles dirigé par Joël Soichez, crédit photo : Vincent Pontet
Une Petite Flûte, d’après Mozart, mise en scène Julie Depar­dieu, orchestre des Siè­cles dirigé par Joël Soichez, crédit pho­to : Vin­cent Pon­tet

Une petite flûte est emblé­ma­tique de l’engagement du TCE à créer chaque année une adap­ta­tion d’opéra pour jeune pub­lic, avec un fort sou­tien du mécé­nat. Ces opéras inclu­ent un dou­blage en langue des signes française et sont accom­pa­g­nés de nom­breux doc­u­ments pré­para­toires en ligne. En plus des sur­titres habituels, cer­tains airs sont per­for­més par le chef et les artistes en « chan­signe », et d’autres sont accom­pa­g­nés de per­cus­sions cor­porelles, afin d’associer l’ensemble du pub­lic, y com­pris des adultes et enfants muets ou malen­ten­dants. Les ressources numériques visent à accom­pa­g­n­er les proches ou les enseignants dans la pré­pa­ra­tion du spec­ta­cle. Un livret d’apprentissage et des vidéos en ligne per­me­t­tent d’apprendre les airs, les signes, et les choré­gra­phies et per­cus­sions qui leur cor­re­spon­dent. Cette pré­pa­ra­tion en amont est aus­si pos­si­ble a pos­te­ri­ori, grâce à la dif­fu­sion inté­grale en ligne de plusieurs de ces opéras dou­blés en langue des signes. On tire alors par­ti d’un avan­tage de l’opéra : mul­ti­di­men­sion­nel par essence, il offre un riche spec­ta­cle visuel et gestuel, même pour un pub­lic empêché du point de vue vocal et/ou audi­tif. Inverse­ment, la gestuelle du chan­signe ou les per­cus­sions offrent aux jeunes spec­ta­teurs des repères ryth­miques et visuels qui aident à mémoris­er les mélodies et sou­ti­en­nent le chant par­tic­i­patif. L’anticipation du chant crée une exci­ta­tion et une écoute par­ti­c­ulières, puisqu’il faut saisir l’entrée indiquée par le chef pour chanter avec le pub­lic. On se famil­iarise alors avec le rôle-clé du chef d’orchestre, qui se retourne pour diriger le pub­lic. Si cette pré­pa­ra­tion peut sem­bler exigeante, car les con­traintes sont nom­breuses, elle attire l’attention sur une vaste palette d’instruments tech­niques et cor­porels (voix, gestes, mim­iques) à par­tir de laque­lle dif­férents modes de par­tic­i­pa­tion sont pos­si­bles. 

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Écrit par Jean Tain
Jean Tain est agrégé et doc­teur en philoso­phie de l’É­cole Nor­male Supérieure (Paris), ATER à l’U­ni­ver­sité de Lor­raine (Nan­cy)...Plus d'info
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