RAMÓN OLLER, chorégraphe catalan, se présente à la troisième édition de la Biennale de Charleroi avec l’une de ses dernières créations, DUÉRMETE YA (Dors maintenant), qui a été créée sur la scène du Mercat de les Flors de Barcelone en novembre 1995. La prédilection du chorégraphe pour LA BELLE AU BOIS DORMANT de Tchaïkovski et l’univers qui entoure le danseur de ballet classique ont été la source d’inspiration de ce nouveau spectacle qui recrée l’univers des songes et dans lequel palpite dès le début un profond sentiment de solitude.
« Avec cette création, je me libère de la ligne suivie dans des œuvres antérieures. La nostalgie, le boléro et la théâtralisation, supports de mes précédents spectacles sont sur une voie de garage et je préfère miser sur un travail plus physique, qui est en même temps un travail de recherche. Le processus de la création a duré un an », explique Ramón Oller.
« Pour DUÉRMETE YA, continue t‑il, la partition de Tchaïkovski est la première chose qui m’est venue à l’esprit. C’est une musique qui m’a toujours fasciné. Ensuite, au cours d’un voyage à Cuba où j’ai eu la chance de voir danser Alicia Alonso, j’ai pensé créer un ballet qui serait un hommage au danseur de ballet classique. Une nuit où je ne pouvais pas dormir, je me suis mis à réfléchir sur l’univers de ce type de danseurs. Je me suis demandé quels devaient être leurs rêves alors qu’ils étaient condamnés à toujours interpréter les mêmes rôles. Je me suis interrogé sur la grande différence qui les sépare, dans cette perspective, du danseur contemporain qui est toujours en contact avec la création. De tout cela a surgi DUÉRMETE YA. »
Dans ce spectacle, comme dans toutes ses œuvres, les duos ont une grande force. Il est fascinant de voir comment les danseurs se jettent vertigineusement l’un contre l’autre, dans un intense dialogue de corps à corps. « Ce dialogue rapide est comme la danse, un saut dans le vide. Quand tu commences à créer un mouvement, tu ne sais pas où tu vas aboutir. C’est la même chose que dans les relations humaines, ce sont des sauts dans le vide. »
« La rapidité marque ma vie et ma gestuelle. Le déclencheur est l’angoisse qui me pousse à créer et à vivre à un rythme accéléré, dans une tentative pour atteindre l’inaccessible. Ce qui me plaît, c’est que les images que je crée produisent un impact sur le spectateur et que parfois il se sente incapable de digérer tant de vitesse. Evidemment, dans ma chorégraphie, je fais alterner le mouvement rapide et le geste lent, selon ce que je veux exprimer, mais la passion est toujours rapide et c’est elle qui m’inspire, elle est mon moteur. » Ses souvenirs d’enfance ont marqué les œuvres de Ramón Oller dès le début. Dans sa dernière création, les allusions à ces années ne pouvaient manquer. « Les danseurs, protagonistes de l’histoire, se comportent comme les poussins de la ferme de ma mère. C’était inévitable : pendant plusieurs années, mes créations ont tourné autour de mes expériences d’enfant à la campagne, mais je me suis aussi laissé subjuguer par le monde urbain, comme on peut le constater dans LA PARADA (L’arrêt, 1985) et DE METROS Y METROS (De mètres et de mètres, 1986).»

Ramón Oller est un grand connaisseur de l’univers des émotions féminines. Ses années d’enfance, qu’il a vécues entouré de femmes, occupent une place privilégiée dans ses souvenirs, tout comme les étés passés dans le village de sa mère en Andalousie. « J’ai toujours vécu entouré de femmes. Ma mère avait seize sœurs. Ses expériences et ses sentiments m’ont inspiré la création de SOLA A SOLES (Seule dans la solitude), en 1988. Par ailleurs, les gens de la campagne, les chansons et la vie quotidienne du village de ma mère ont été la source d’inspiration de ; QUÉ PASÓ CON LAS MAGDALENAS ? (Qu’est-il arrivé avec les Madeleines ?)» Ces souvenirs ont marqué une étape esthétique, entre le moderne et le folklore, de son parcours professionnel. En 1994, MENTIDES DE DEBÓ, en collaboration avec la chanteuse Marina Rosell et le musicien Maurici Villavecchia clôt un cycle complet dans la vie de Ramón Oller. DUÉRMETE YA est le commencement d’une nouvelle étape.
Traduit de l’espagnol par Nadine Bucio.


