Henry Bauchau, Ariane Mnouchkine : le dialogue fertile de l’amitié

Henry Bauchau, Ariane Mnouchkine : le dialogue fertile de l’amitié

Le 30 Jan 1997
L'AVENTURE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK d'Hélène Cixous au Théâtre du Soleil. Mise en scène d'Ariane Mnouchkine. Photo Martine Franck, Magnum.
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L'AVENTURE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK d'Hélène Cixous au Théâtre du Soleil. Mise en scène d'Ariane Mnouchkine. Photo Martine Franck, Magnum.
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Henry Bauchau-Couverture du Numéro 56 d'Alternatives ThéâtralesHenry Bauchau-Couverture du Numéro 56 d'Alternatives Théâtrales
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EN 1961, pour sa pre­mière mise en scène, Ari­ane Mnouchkine choisit de mon­ter GENGIS KHAN, la pre­mière pièce d’Hen­ry Bauchau. L’événe­ment aurait pu ne con­stituer qu’un sim­ple épisode de l’histoire du théâtre en France — les deux artistes ayant pour­suivi cha­cun leur pro­pre car­rière, avec les bon­heurs que l’on con­naît — si dès l’origine de cette créa­tion com­mune n’avaient existé déjà des rela­tions de con­fi­ance et d’ami­tié qui se sont affer­mies au fil du temps à tra­vers des con­tacts réguliers. Comme elle s’en explique en effet dans un entre­tien qu’elle nous a accordé1, Mnouchkine a fait la con­nais­sance de Bauchau et de sa femme Lau­re à l’époque où celui-ci dirigeait un col­lège inter­na­tion­al pour jeunes filles à Gstaad (Suisse) : pour elle, une ren­con­tre déci­sive. Mais chez lui aus­si, assuré­ment, la ren­con­tre a lais­sé des traces.

Dans JOUR APRÈS JOUR2, le jour­nal où l’écrivain a con­signé les événe­ments qui ont accom­pa­g­né la ges­ta­tion de son roman (EDIPE SUR LA ROUTE, le nom d’Ar­i­ane Mnouchkine revient une dizaine de fois, seul ou asso­cié à celui d’Hélène Cixous. Nous avons col­la­tion­né ci-dessous les pas­sages qui nous ont sem­blé les plus sig­ni­fi­cat­ifs sur le plan théâ­tral, lais­sant de côté les allu­sions davan­tage liées à la vie privée. Car il arrive même à Bauchau de rêver de son amie : « Dans un lieu indis­tinct. Je vois se diriger vers nous Ari­ane, souri­ante. Je suis frap­pé par ses cheveux très blancs, son air ten­dre et lumineux. +.Elle ressem­ble un peu à une appari­tion » (2 avril 1986).

Entre 1984 et 1987, l’auteur évoque la créa­tion de trois spec­ta­cles mis en scène par Mnouchkine (HENRY IV, de Shake­speare, L’AVENTURE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK et L’INDIADE). À plusieurs repris­es, les réflex­ions qu’il développe sem­blent devoir s’ap­pli­quer à lui-même. En par­ti­c­uli­er, dans ce qu’il dit du renon­ce­ment, à pro­pos du per­son­nage de Gand­hi et du tra­vail d’Hélène Cixous, ne peut-on pas lire un com­men­taire de sa pro­pre démarche, qui s’ap­plique aus­si bien à sa vision d’Antigone ? La jeune femme, qui a accep­té de mourir dans la grotte où on l’a enfer­mée, pour­rait en effet repren­dre à son compte cette phrase du jour­nal : « S’effacer pour laiss­er place à une autre présence, ici celle du théâtre, est très dur, pour­tant, c’est la voie. »

Sans doute est-ce un des priv­ilèges de l’ami­tié que d’en­gager ain­si, comme à l’in­su de ses pro­tag­o­nistes, de tels dia­logues fer­tiles.

Bauchau vu par Mnouchkine

ARIANE MNOUCHKINE : Quand j’ai ren­con­tré Hen­ry, j’é­tais ado­les­cente. La ren­con­tre a été déter­mi­nante. Si je ne l’avais pas con­nu, aurais-je même fait du théâtre ? On pour­rait presque dire qu’il m’a sauvée. Pas par la psy­ch­analyse, il n’é­tait pas psy­ch­an­a­lyste à l’époque, mais par son regard, par la con­fi­ance, par l’in­térêt qu’il m’a témoigné, par les ren­con­tres qu’il m’a amenée à faire. Hen­ry est quelqu’un qui a « sauvé » beau­coup de gens, de jeunes surtout, par l’in­térêt qu’il leur a porté.

Carme­lo Virone : Vous l’avez con­nu à son école de Gstaad ?

A. M.: Ma sœur était dans son école. C’est ain­si que j ai con­nu Hen­ry et Lau­re, sa femme. Mes par­ents et eux sont devenus très amis et Hen­ry s’est occupé de moi. C’est un homme qui est bon et qui boni­fie les gens à qui il dit : « Vous êtes intéres­sant, vous êtes capa­ble. » Quand on est ado­les­cent, c’est décisif. Il est une des quelques per­son­nes qui m’a mise au monde.

C. V.: À lire les pages de son Jour­nal où il par­le de vous, on sent qu’il éprou­ve pour vous une grande ami­tié, ain­si qu’un intérêt con­stant pour votre tra­vail.

A. M.: L’ami­tié est venue de la rela­tion que nous avions. Bien sûr, je suis heureuse et fière qu’il appré­cie aus­si mon tra­vail. Mais c’est la con­tin­u­a­tion du regard fer­tile qu’il a sur les gens.

C. V.: Out­re l’ami­tié, vous avez eu aus­si des rela­tions de tra­vail avec lui. Vous avez été la pre­mière à mon­ter GENGIS KHAN.

A. M.: En revenant d’Ox­ford, j’avais créé l’as­so­ci­a­tion théâ­trale des étu­di­ants de Paris. Il exis­tait peu de choses en France dans le domaine du théâtre uni­ver­si­taire, alors qu’en Angleterre, j’en avais con­nu beau­coup. J’ai demandé à Hen­ry si je pou­vais mon­ter GENGIS KHAN. C’é­tait ma pre­mière mise en scène : il aurait pu me refuser sa pièce, la réserv­er à un théâtre pro­fes­sion­nel plutôt qu’aux ama­teurs que nous étions. Mais il a accep­té, il nous a fait con­fi­ance.

L'AVENTURE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK d'Hélène Cixous au Théâtre du Soleil. Mise en scène d'Ariane Mnouchkine. Photo Martine Franck, Magnum.
L’AVENTURE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK d’Hélène Cixous au Théâtre du Soleil. Mise en scène d’Ar­i­ane Mnouchkine. Pho­to Mar­tine Franck, Mag­num.

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31 Jan 1997 — JE VOUDRAIS d’abord préciser que ce livre n’est pas une suite d'ŒDIPE SUR LA ROUTE. Sur Antigone, telle que je…

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