Naître au théâtre
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Naître au théâtre

Le 30 Oct 1998

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Débuter-Couverture du Numéro 62 d'Alternatives ThéâtralesDébuter-Couverture du Numéro 62 d'Alternatives Théâtrales
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TOUT DÉBUT prend le sens d’une irrup­tion dans le monde. Il tient de la néces­sité indi­vidu­elle d’ac­cès à l’ex­pres­sion, mais au théâtre elle s’ac­com­pa­gne d’un dia­logue avec le con­texte d’une époque et la con­stel­la­tion des mul­ti­ples déter­min­ismes qui entra­vent ou favorisent cet acte de nais­sance tou­jours partagé. Dans notre assertion«Débuter aujourd’hui »,deux ter­mes se relayent puisqu’il s’agit de com­mence­ment, mais rat­taché à l’ac­tu­al­ité et à son paysage agité. Com­ment advenir au théâtre, non pas en général mais main­tenant, aujourd’hui, ici même ? Com­ment déjouer les obsta­cles et trou­ver des appuis, com­ment se livr­er sans se trahir, com­ment naître dans le présent sans com­pro­met­tre l’avenir ? Les ques­tions sont légion.

Et nous allons essay­er de les soulever, con­va­in­cus que nous sommes que la vérité du début ne peut sur­girque de l’ex­péri­ence d’un débat à plusieurs. Afin que cha­cun par­le de ce ter­ri­toire de l’in­quié­tude, au nom de son pro­pre désir de cer­ti­tude. Débuter, c’est la ques­tion !

Le début est un avène­ment au monde, du théâtre en l’oc­cur­rence, et aus­si une rédemp­tion du même monde. Le début con­cerne aus­si bien l’artiste et sa com­pag­nie que la réal­ité du paysage qu’ils mod­i­fient par­leur arrivée. Le début mérite d’être pen­sé dans cette dou­ble per­spec­tive.

Il y a le « début-événe­ment »,il y a le « début-proces­sus ». Manières dis­tinctes de s’imposer, mais aus­si d’évoluer. Modes per­son­nal­isés pour affirmer une iden­tité et assur­er une con­ti­nu­ité. Le « début-événe­ment » a à voir avec une appari­tion, le « début-proces­sus » avec une évo­lu­tion. Pareil con­traste reste seule­ment men­tal, car rares sont les exem­ples purs, et le plus sou­vent ces extrêmes se métis­sent… Cela ne nous empêchera pas de dis­tinguer entre la ful­gu­rance et la per­sis­tance. Entre le choc du REGARD DU SOURD, début mythique de Wil­son, et la con­sti­tu­tion pro­gres­sive d’une per­son­nal­ité jusqu’au moment où elle parvient à con­clure ce qui a été testé, amor­cé, éprou­vé à tra­vers plusieurs essais. « C’est en marchant que la voie se trace », dit un proverbe chi­nois que cer­tains artistes font leur. Le « début-événe­ment » pro­duit une défla­gra­tion, mais en même temps il scelle une iden­tité qui, le plus sou­vent, finit par se repli­er sur cette décou­verte ini­tiale. À juste titre, dès lors que l’artiste a touché d’emblée sa vérité, comme un inouï tireur à l’arc ! « Si on pou­vait vrai­ment avoir fait un début, ce serait inutile d’aller plus loin, parce que la fin est déjà con­tenue implicite­ment dans la réal­i­sa­tion du com­mence­ment »,dis­ait Gia­comet­ti. L’autre manière d’advenir implique le tâton­nement et la mat­u­ra­tion. Si le « début-événe­ment » court le risque de l’emprisonnement, le « début- proces­sus » en encourt un autre, celui de l’effritement, s’il ne parvient pas à la cristalli­sa­tion indis­pens­able à toute pas­sion, amoureuse ou théâ­trale. Elle seule atteste l’accomplissement du début-processus…comme 1789 pour Mnouchkine, TRAVAIL À DOMICILE pour Las­salle ou encoreLA CLASSE MORTE pour Kan­tor, artiste qui entrait dans l’automne de sa vie. Le début mar­que alors l’ac­ces­sion à une iden­tité enfin trou­vée ou recon­nue.

Par­ler du début implique une inter­ro­ga­tion sur soi-même autant que sur le monde d’accueil. Celui du théâtre en par­ti­c­uli­er, car il n’y à jamais ici de début entière­ment soli­taire. L’acte fon­da­teur s’y trou­ve tou­jours au croise­ment du per­son­nel et du col­lec­tif, du privé et du pub­lic. C’est pourquoi le début sup­pose aus­si une réflex­ion sur la capac­ité de con­stituer une équipe, d’animer un réseau, de s’enraciner dans un ter­ri­toire. Le début au théâtre reste indis­so­cia­ble de ces paramètres dont la maîtrise con­firme l’ex­is­tence d’une per­son­nal­ité aus­si bien que d’une com­mu­nauté étroite­ment asso­ciées. Par­ler de leur alliance est impératif.

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