« Oublier les grands événements… parler de l’individu »
Entretien

« Oublier les grands événements… parler de l’individu »

Grzegorz Jarzyna (Pologne)

Le 24 Juin 2000
Article publié pour le numéro
L'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives ThéâtralesL'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives Théâtrales
64
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ALTERNATIVES THÉÂTRALES : Le théâtre a‑t-il subi une trans­for­ma­tion aus­si pro­fonde que la société polon­aise après la lev­ée du rideau de fer ? 

Grze­gorz Jarzy­na : Il y a encore quelques années, les spec­ta­cles étaient des spec­ta­cles engagés qui abor­daient des thèmes poli­tiques. Ils s’inscrivaient dans la tra­di­tion roman­tique comme ceux de Waj­da ou de Jaroc­ki. Ils par­laient des grands événe­ments de la vie de la nation, des mythes nationaux. Ils se référaient à l’É­cole russe.
Après 1989, la société s’est indi­vid­u­al­isée et les besoins ont changé. Les spec­ta­teurs ont rejeté cette thé­ma­tique nationale. Ils désir­aient des spec­ta­cles qui par­lent de l’in­di­vidu et de sa sit­u­a­tion dans la nou­velle société. Ces trois dernières années, Le jeune pub­lic est retourné au théâtre, il attend qu’on lui mon­tre des pièces qui par­lent de son quo­ti­di­en et du monde qui l’en­toure.
Je voudrais pou­voir répon­dre à ses attentes. Pour y arriv­er, il faut trou­ver un nou­veau lan­gage théâ­tral et scénique, un nou­v­el out­il. Le théâtre polon­ais repo­sait sur les mots, des mots lourds et impor­tants et ces mots ce sont dépré­ciés. Aujourd’hui, il nous faut un lan­gage réal­iste, car nous avons affaire à une crise du mot. Le pub­lic veut qu’on lui mon­tre des sit­u­a­tions qui sont celles que vivent les hommes et non suiv­re le drame du mot avec ses mono­logues longs et pathé­tiques. C’est pourquoi, il faut tra­vailler aujourd’hui avec le mou­ve­ment scénique, la musique, la lumière, explor­er tous ces nou­veaux lan­gages et ouvrir une nou­velle voie à l’ex­pres­sion théâ­trale. 

A. T.: Quel a été votre par­cours per­son­nel ?

G. J.: Après avoir étudié la philoso­phie, j’ai entamé des études de mise en scène. Ce qui a été pour moi un pro­longe­ment naturel de la recherche sur l’homme que j’ai effec­tuée en philoso­phie. Avant, j’avais eu l’idée de devenir écrivain-voyageur, pour cela j’ai voy­agé, j’ai suivi les traces de Mali­nows­ki en Aus­tralie et de Gro­tows­ki en Inde. J’ai cher­ché, mais à un moment je me suis ren­du compte que tout ce que j’avais à dire avait déjà été écrit et bien mieux que je ne l’au­rais fait moi-même. C’est pour cela que j’ai décidé de m’ex­primer par le théâtre.
Si j’ai subi une influ­ence, c’est celle de Krys­t­ian Lupa. C’est lui qui m’a mon­tré l’ate­lier théâ­tral, c’est lui qui m’a appris à me cen­tr­er sur les acteurs. À penser la mise en scène à par­tir de leurs émo­tions, de leurs mono­logues intérieurs. À con­stru­ire le spec­ta­cle en écoutant la musique qui se joue en eux, et à par­tir d’elle, inven­ter la musique, la lumière, le mou­ve­ment du spec­ta­cle. Encore aujourd’hui, Lupa reste un maître. C’est d’ailleurs le rôle qu’il tient dans le monde théâ­tral polon­ais. 

A. T.: Fait-on du théâtre dif­férem­ment à l’Est qu’à l’Ouest ? 

G. J.: Je n’ai jamais vrai­ment tra­vail­lé avec des gens de théâtre de l’Ouest, mais je crois qu’à l’Est, les rap­ports sont plus intimes et plus humains. Que le tra­vail se cen­tre davan­tage sur l’homme. 

A. T.: Quels sont vos prochains objec­tifs artis­tiques pour vous et le Théâtre Roz­maitosci que vous dirigez ? 

G. J.: Le Théâtre Roz­maitosci a la capac­ité de con­stituer l’a­vant-garde du jeune théâtre en Pologne. Je voudrais rassem­bler autour de ce théâtre de jeunes met­teurs en scène, de jeunes comé­di­ens, de jeunes musi­ciens et de jeunes plas­ti­ciens pour créer la base d’un nou­veau théâtre polon­ais. Je ne veux pas cimenter le vieux, mais chercher le nou­veau. 

Pro­pos recueil­lis et traduits par Karoli­na Ochab.

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#64
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L’Est désorienté

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