« Se reconcentrer sur la langue »
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« Se reconcentrer sur la langue »

Nele Hertling

Le 1 Juin 2000
Article publié pour le numéro
L'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives ThéâtralesL'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives Théâtrales
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ANNE LONGUET MARX : Une men­ace pèse actuelle­ment sur Berlin et sa vie cul­turelle. Le maire par­le de fer­mer trois théâtres. Vous êtes dans une posi­tion très sin­gulière par rap­port aux autres, par votre ouver­ture aux pro­duc­tions inter­na­tionales. Com­ment voyez-vous la sit­u­a­tion ? 

N. H.: Tout d’abord, on ne sait pas assez com­ment fonc­tionne le théâtre dans son ensem­ble. Les théâtres ont une struc­ture de réper­toire : il y a une mai­son, un bud­get (Ville, Région ou État) et avec cela, on pré­pare un pro­gramme avec des con­trats pris longtemps à l’avance, par­fois des années. Les artistes sont donc engagés pen­dant plusieurs années, ce qui entraîne peu de pos­si­bil­ités de coopéra­tion ; 90 % du bud­get ser­vant au finance­ment fixe, il y a peu de place pour le reste. Cela a réduit l’ou­ver­ture vers l’extérieur. L’Alle­magne aurait donc tout ce qu’il lui faut. Il y a longtemps eu peu de fes­ti­vals inter­na­tionaux, ce qui a placé l’Alle­magne à part. Il existe aus­si des « freie Szenen » (scènes indépen­dantes) qui n’ont pas de maisons, pas de bud­get, et qui sont qual­i­ta­tive­ment moins intéres­santes. Quand un artiste appa­raît, il est très vite repris par les théâtres offi­ciels. C’est une pre­mière remar­que impor­tante. 

A. L. M.: Quels change­ments à présent ? 

N. H.: Les théâtres étab­lis sont dans une sit­u­a­tion finan­cière et artis­tique très dif­fi­cile. Il y a une véri­ta­ble crise de la cul­ture et une remise en ques­tion du finance­ment. On se demande si on a besoin de tous ces théâtres. La con­séquence pos­i­tive est que la scène inter­na­tionale devient attrac­tive. Par exem­ple, Thomas Lang­hoff a ouvert son théâtre à une jeune troupe (la Baracke avec ses semaines anglais­es, français­es, russ­es etc.) et il a mon­tré qu’on pou­vait s’ou­vrir à des expéri­ences sans aban­don­ner les struc­tures. Mais en Alle­magne, les pres­sions struc­turelles sont très fortes ;l’ap­pareil est beau­coup plus lourd (pour cinq artistes, il y a vingt-cinq per­son­nes), la pro­gram­ma­tion plus rigide, les tournées plus dif­f­ciles. 

A. L. M.: Le Hebbel-The­ater fonc­tionne de manière très dif­férente : ouver­ture à l’é­tranger, copro­duc­tions, tournées. Etes-vous une île dans cet ensem­ble ? 

N. H.: Nous sommes mal­heureuse­ment devenus une île, une île très sin­gulière, très recon­nue hors d’Alle­magne. Nous n’avons pas d’ensem­ble, mais nous fonc­tion­nons en copro­duc­tion avec des pos­si­bil­ités de pro­jets expéri­men­taux. En 1988, à l’occasion de Berlin cap­i­tale de l’Europe, nous avons été chargés de la pro­gram­ma­tion artis­tique, de présen­ter l’art européen dans toutes ses formes. Tous les pays étaient invités, de l’Est et de l’Ouest. On s’est ren­du compte que le sys­tème de fonc­tion­nement alle­mand n’é­tait pas unique, que d’autres sys­tèmes moins assurés fonc­tion­naient aus­si et que notre chance était de sor­tir de ces struc­tures. 

Nous avons donc repris cette mai­son avec un bud­get annuel et des pro­grammes invités. Notre répu­ta­tion a vite gran­di hors de Berlin. Ici, nous étions con­sid­érés comme un luxe intel­lectuel. Cela a entraîné de vives dis­cus­sions poli­tiques. Le The­ater am Turm à Franc­fort exis­tait déjà ; nous avons pris con­tact avec Brux­elles, Ams­ter­dam et d’autres parte­naires en Europe pour des copro­duc­tions : une grande sou­p­lesse pour un petit bud­get. Nous avons six ou sept parte­naires, y com­pris à l’Est. Nous avons égale­ment pub­lié treize numéros d’une revue en qua­tre langues faite d’en­tre­tiens avec des artistes. Mais tout cela a pris fin ; le The­ater am Turm a fer­mé, les parte­naires ont changé. Nous nous retrou­vons dans un isole­ment cer­tain : la dernière mai­son en Alle­magne qui n’a pas peur des langues étrangères et qui tient aus­si à un véri­ta­ble tra­vail de tra­duc­tions des textes avec les met­teurs en scène. L’Alle­magne est à présent plus ouverte et on se con­cen­tre sur la langue. Il faut à tout prix main­tenir les textes dans leurs langues.

A. L. M.: Peut-on par­ler d’une ligne du Hebbel-The­ater ? 

N. H.: L’art visuel et le tra­vail du corps ont eu une grande impor­tance (Bob Wil­son et la danse). Mais nous voulons repren­dre le texte sans oubli­er le corps, le visuel. Il y a une nou­velle généra­tion d’artistes après Le chaos de ces dix dernières années ; beau­coup de choses sont à trou­ver. En ce moment, on peut dis­tinguer deux rap­ports à la langue très dif­férents : pour Oster­meier, c’est un moyen comme un autre, pour Beil c’est une forme d’art. Je pense que les jeunes sont moins à la recherche d’une nou­velle forme que d’un nou­veau réal­isme. La décou­verte du corps a boulever­sé le paysage, mais si on veut trans­met­tre un con­tenu, il faut le texte. 

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