Voyage et tradition familiale

Voyage et tradition familiale

Entretien avec Dario Fo

Le 3 Nov 2000
Dario Fo dans L’HISTOIRE D’UN SOLDAT, mise en scène Dario Fo, 1994. Photo Sylvia Lellis Masotti.
Dario Fo dans L’HISTOIRE D’UN SOLDAT, mise en scène Dario Fo, 1994. Photo Sylvia Lellis Masotti.

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Dario Fo dans L’HISTOIRE D’UN SOLDAT, mise en scène Dario Fo, 1994. Photo Sylvia Lellis Masotti.
Dario Fo dans L’HISTOIRE D’UN SOLDAT, mise en scène Dario Fo, 1994. Photo Sylvia Lellis Masotti.
Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66
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Les mar­i­on­nettes anci­ennes de l’exposition1 vien­nent de la col­lec­tion de la famille de Fran­ca Rame. Elles mon­trent le style ital­ien qui vient de loin, et c’est cela que j’aime : cette sen­sa­tion que les per­son­nages ont vécu il y a longtemps et que les mar­i­on­nettes qui les évo­quent en sont con­tem­po­raines. Il s’agit des per­son­nages impor­tants, per­son­nages de pou­voir, un duc, un cheva­lier, de même que des per­son­nages âgés. Les mar­i­on­nettes ne sont jamais aus­si fortes que lorsqu’elles doivent définir des iden­tités ou des fonc­tions fortes. La mar­i­on­nette aime le trait gros. Mais, out­re le vis­age, le cos­tume est égale­ment impor­tant et il faut le regarder avec atten­tion parce qu’il four­nit beau­coup de détails sur l’identité sociale et psy­chique des per­son­nages.

Il y a aus­si des masques dans l’exposition, cer­tains sont anciens, des masques de la tra­di­tion napoli­taine. Pour leur redé­cou­verte, la famille Sar­tori a fait un tra­vail extra­or­di­naire. Et aujourd’hui nous savons que l’arrivée en France des comiques ital­iens a changé la forme des masques, et ceci à cause de la ren­con­tre avec la tra­di­tion pop­u­laire française. La dif­férence entre les anciens masques et les masques plus récents vient de là, du voy­age des Ital­iens à Paris. Suite à cette ren­con­tre, les masques et, je pense, les mar­i­on­nettes aus­si sont devenus plus grotesques. Il faut tenir compte de la dias­po­ra des acteurs de la com­me­dia dell’arte et inté­gr­er ses effets. Par ailleurs, nous ne devons pas oubli­er que pro­gres­sive­ment une per­sé­cu­tion à leur égard va être mise en place et que, peut-être, cette ten­dance vers le grotesque que l’on observe n’est que leur réponse cri­tique, leur défense.

Esquisse préparatoire de Dario Fo du faux bélier, pour LE MÉDECIN VOLANT de Molière, 1990.
Esquisse pré­para­toire de Dario Fo du faux béli­er, pour LE MÉDECIN VOLANT de Molière, 1990.

Moi-même, j’ai employé les mar­i­on­nettes dans mes spec­ta­cles, mar­i­on­nettes fab­riquées par des mem­bres de la famille Rame : tous ces arts forains seront à jamais des arts de famille. Mais, comme dans le tra­vail que j’ai fait avec Fran­co Alber­tazzi, j’ai préféré mélanger les masques et les mar­i­on­nettes. J’aime ce mélange des expres­sions du génie pop­u­laire réu­nies dans un même lieu, dans un même geste théâ­tral.

Si j’ai une préférence pour les mar­i­on­nettes ital­i­ennes, je dois dire que le Guig­nol me cap­tive aus­si, que les mar­i­on­nettes chi­nois­es, je les aime de même. Il y a chaque fois une dif­férence, quelque chose qui les dis­tingue les unes des autres : cela exige de la part du comé­di­en un tra­vail dif­férent, il doit pren­dre en compte les dimen­sions, la sculp­ture et les tis­sus qui ne sont jamais pareils. Par ailleurs les mar­i­on­nettes peu­vent dévelop­per une cer­taine dimen­sion fan­tas­tique sur le plateau et aident à pro­duire une provo­ca­tion plus grande. Ce sont de bons out­ils pour le comé­di­en. Je les aime aus­si parce qu’elles vous poussent à réduire votre geste et, d’une cer­taine manière, à recon­stru­ire un corps apte à dia­loguer avec elles. La var­iété, la dimen­sion des mar­i­on­nettes est un autre élé­ment décisif qui les dis­tingue et que vous devez pren­dre en compte lorsque vous tra­vaillez avec elles. Il n’y a pas de taille unique. De prêt-à-porter. Le théâtre cesse d’apparaître comme un lieu du naturel, il est un lieu de fab­ri­ca­tion afin que des masques, des mar­i­on­nettes et des gens puis­sent dia­loguer autant que tra­vailler ensem­ble.

Pro­pos recueil­lis par Georges Banu.

  1. Expo­si­tion « Pupazzi con rab­bia e sen­ti­men­to » présen­tée à l’Institut Inter­na­tion­al de la Mar­i­on­nette au Fes­ti­val de Charleville-Méz­ières 2000. ↩︎

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Écrivain, essayiste et universitaire, Georges Banu a publié de nombreux ouvrages sur le théâtre, dont...Plus d'info
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