Une vigilance calme

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Une vigilance calme

Le 30 Avr 2001
Jeannette, 17 ans, Rwanda, Nyamata, août 1999. Photo Raymond Depardon, Agence Magnum.
Jeannette, 17 ans, Rwanda, Nyamata, août 1999. Photo Raymond Depardon, Agence Magnum.
Jeannette, 17 ans, Rwanda, Nyamata, août 1999. Photo Raymond Depardon, Agence Magnum.
Jeannette, 17 ans, Rwanda, Nyamata, août 1999. Photo Raymond Depardon, Agence Magnum.
Article publié pour le numéro
Rwanda 94-Couverture du Numéro 67-68 d'Alternatives Théâtrales
67 – 68
Rwanda 94-Couverture du Numéro 67-68 d'Alternatives ThéâtralesRwanda 94-Couverture du Numéro 67-68 d'Alternatives Théâtrales
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LE GROUPOV a, depuis les années 80, fait l’objet d’une atten­tion con­stante d’Alternatives théâ­trales à tra­vers ses spec­ta­cles comme à tra­vers ses écrits théoriques.
Mais si, à quelques rares excep­tions près, notre revue n’a jamais con­sacré un numéro entier à un spec­ta­cle par­ti­c­uli­er en vingt années d’existence, ici, le pro­jet
de RWANDA 94 s’est imposé de lui-même.
Suiv­re les pra­tiques théâ­trales con­tem­po­raines dans le dernier quart du vingtième siè­cle, en ren­dre compte, expli­quer, cri­ti­quer, défendre, nous avons ten­té de le faire, guidés par la rigueur d’un regard et dans un esprit d’ouverture.
En présen­tant le tra­vail de longue patience que fut la créa­tion de RWANDA 94, nous prenons posi­tion : pour un théâtre poli­tique, pour sa respon­s­abil­ité his­torique, pour la con­fronta­tion des formes anci­ennes avec les formes nou­velles.
La ques­tion de savoir si nous épousons ou non la total­ité des propo­si­tions for­mulées dans la démarche esthé­tique et poli­tique du Groupov me sem­ble acces­soire.
L’important est d’être de son côté. Celui qui assigne à l’artiste un chemin d’exigence.

La durée

Il est apparu très tôt aux ini­ti­a­teurs du pro­jet que la forme néces­saire à sa réal­i­sa­tion serait ample dans sa dimen­sion spec­tac­u­laire comme dans son déroule­ment tem­porel. La grav­ité du sujet, le géno­cide, son hor­ri­ble récur­rence dans l’histoire du vingtième siè­cle, la volon­té d’expliquer sous toutes ses facettes le fait sin­guli­er rwandais artic­ulé à son his­toire colo­niale, la méth­ode adop­tée par le Groupov de con­juguer études, lec­tures, témoignages, voy­ages, expéri­men­ta­tions a con­duit à une entre­prise de longue haleine qui a pro­duit une doc­u­men­ta­tion con­sid­érable.
Nous ten­tons ici de relater ce chem­ine­ment de qua­tre années de tra­vail en don­nant la parole à quelques-uns des prin­ci­paux parte­naires de ce pro­jet hors norme.

Une responsabilité démocratique

« Aucun géno­cide du XXe siè­cle n’a été per­pétré dans un pays où rég­nait la démoc­ra­tie. Celle-ci appa­raît, jusqu’à présent, comme l’unique bar­rière effi­cace con­tre les ten­ta­tions géno­cidaires »1.
Suiv­ant l’injonction proclamée dans le mono­logue d’ouverture du spec­ta­cle par Yolande Muk­a­gasana, il était de notre devoir de relay­er, à notre mod­este place de revue de théâtre, l’entreprise du Groupov aux pris­es avec les infor­ma­tions insouten­ables sur le crime et ses respon­s­abil­ités mais aus­si avec les actes de résis­tance ; au courage et à l’héroïsme des com­bat­tants de la colline de Bis­esero plongés dans la tragédie rwandaise a répon­du cette ten­ta­tive de « répa­ra­tion sym­bol­ique envers les morts à l’usage des vivants ».
Comme tou­jours, le rôle du théâtre peut appa­raître comme dérisoire face à la fureur du monde. En déci­dant de s’y affron­ter avec les armes qui sont les siennes,
il atteste pour­tant de sa dig­nité.

Critique et émotion

Le numéro s’ouvre sur un cahi­er cri­tique.
Deux fig­ures tutélaires de l’analyse théâ­trale y ont apporté leur con­cours. Philippe Iver­nel a choisi de se tenir au plus près du déroule­ment du spec­ta­cle, met­tant à jour une « esthé­tique de la résis­tance » qui prend appui sur la struc­tura­tion « entre les deux pôles de ce qui fait théâtre et de ce qui défait le théâtre, autrement dit entre la fic­tion plus ou moins trans­par­ente et le réel qui déchire cette fic­tion ».
Pour Georges Banu, RWANDA 94 restitue au spec­ta­teur une part de con­fi­ance dans le théâtre.
Tragédie et moder­nité y ont par­tie liée, en une expres­sion accom­plie de théâtre citoyen même si l’on « n’entretient pas l’espoir depuis longtemps révolu de tout pou­voir expli­quer. Un secret demeure : Moïra, Moïra. Com­ment être en paix ? »

Encore et toujours, inventer et apprendre

L’ambition de Jacques Del­cu­vel­lerie et de son équipe était de faire de RWANDA 94 un « diver­tisse­ment de l’ère sci­en­tifique ». Plus par­ti­c­ulière­ment depuis
le trip­tyque « Vérité » – L’ANNONCE FAITE À MARIE, TRASH (A LONELY PRAYER), LA MÈRE – le Groupov n’a cessé de se con­fron­ter au devoir qu’il veut assign­er au théâtre. Pouss­er le plus loin pos­si­ble l’exigence de la con­nais­sance (de soi, du monde, des idéolo­gies, des enjeux his­toriques et poli­tiques) et en même temps chercher des formes nou­velles adap­tées à la spé­ci­ficité de chaque pro­jet.
La matu­rité de l’expérience n’a heureuse­ment pas fait dis­paraître l’ambition utopique des débuts :
« Je veux ser­rer dans mes bras la beauté qui n’a pas encore paru au monde » ( Joyce).
L’entreprise démesurée qu’a été la réal­i­sa­tion de RWANDA 94 est sans con­teste une étape déci­sive dans le par­cours rad­i­cal du Groupov.
Il pro­cure à celui qui l’observe un sen­ti­ment à la fois étrange et ras­sur­ant : celui de par­ticiper à une veil­lée d’arme d’où émane un sen­ti­ment de vig­i­lance calme.

Jeannette, 17 ans, Rwanda, Nyamata, août 1999. 
Photo Raymond
Depardon, Agence Magnum.

Le Rwan­da

Situé au cœur de l’Afrique dans la région des Grands Lacs, le Rwan­da s’étend sur une super­fi­cie de 26 338 kilo­mètres car­rés. Il est lim­ité à l’est par la Tan­zanie, au nord par l’Ouganda, à l’ouest par le Con­go et au sud par le Burun­di.
Le pays est com­posé de sites d’une grande beauté comme le lac Kivu, la forêt de Nyung­we, les monts de la Lune et les sources du Nil.
Le géno­cide qui s’est déroulé entre avril et juil­let 1994 a sérieuse­ment affec­té la struc­ture démo­graphique du pays.
Fin novem­bre 1994, la pop­u­la­tion rwandaise était estimée à 5 600 000 habi­tants alors qu’elle s’élevait à 7 800 000 habi­tants au début de l’année.
Avec le retour des mil­liers de réfugiés, elle est aujourd’hui ( 2000) estimée à 8 mil­lions d’habitants. La den­sité de la pop­u­la­tion oscille entre 322 et 988 habi­tants au kilo­mètre car­ré en fonc­tion des ter­res hab­it­a­bles. C’était une pop­u­la­tion jeune com­posée de 51 % de femmes et de 49 % d’hommes avant la guerre et de 70 % et 30 % après la guerre et le géno­cide. Les enfants de moins de quinze ans représen­tent la moitié de cette pop­u­la- tion dont 5 % est urbaine et 95 % rurale.
L’espérance de vie à la nais­sance est aujourd’hui ( 2000 ) de 40,5 ans.
Avant la tragédie de 1994, plus de 80 % des Rwandais sub­sis­taient essen­tielle­ment grâce à l’agriculture. Celle-ci four­nit à l’État rwandais l’essentiel de ses recettes à l’exportation. Le café et le thé con­stituent les prin­ci­pales cul­tures indus­trielles du pays. Sur le plan admin­is­tratif, le Rwan­da com­prend 12 pré­fec­tures. Celles-ci sont sub­di­visées en com­munes qui sont au nom­bre de 145.

  1. De la nature des géno­cides, Ryszard Kapus­cin­s­ki, Le Monde diplo­ma­tique, mars 2001. ↩︎
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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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