La pédagogie de l’art du chant. Maria Callas et Élisabeth Schwartzkopf.

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La pédagogie de l’art du chant. Maria Callas et Élisabeth Schwartzkopf.

Le 12 Déc 2001
Article publié pour le numéro
Les penseurs de l'enseignement- Couverture du Numéro 70-71 d'Alternatives ThéâtralesLes penseurs de l'enseignement- Couverture du Numéro 70-71 d'Alternatives Théâtrales
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« JE VEUX que vous vous rap­peliez si pos­si­ble tout ce que j’ai pu vous dire. Je ne sais pas si je serai là l’an­née prochaine — nous n’avons rien envis­agé encore — mais s’il vous plaît je veux que vous essayiez et rete­niez. S’il vous plaît, entraînez-vous et faîtes que tout cet effort ne soit pas vain, faîtes en sorte de met­tre à prof­it pour d’autres par­ti­tions ce que je vous ai don­né, aus­si peu que cela soit, et de le met­tre à prof­it dans le courage, le phrasé, la dic­tion, dans le courage encore parce que ce n’est pas une car­rière facile — ne pensez jamais que c’est une car­rière facile.
(…)
En guise de remer­ciements, la seule chose que j’at­tends de vous est que vous chantiez cor­recte­ment, que vous appliquiez dans le tra­vail de vos par­ti­tions le savoir que j’ai pu vous apporter, quel qu’il soit. C’est à cette heure la seule chose que je peux dire à tous et à cha­cun de vous. Cela ne s’ar­rête pas ici. Vous devez con­tin­uer, parce que vous êtes sen­sés assur­er la con­ti­nu­ité de ce que nous avons fait.
Que je con­tin­ue à chanter ou non ne fait aucune dif­férence. Vous êtes la jeune généra­tion, et vous devez l’ap­pli­quer, et ce sont les seuls remer­ciements que je désire vrai­ment. Con­tin­uez, et dans la bonne voie. Non pas en faisant des feux d’ar­ti­fice ni en vous con­tentant de suc­cès faciles, mais en bas­ant votre tra­vail sur le sens des mots, la dic­tion, l’ex­pres­sion de vos véri­ta­bles sen­ti­ments, quels qu’ils soient. C’est ce que je veux dire, et je ne suis pas douée avec les mots.
Donc voilà, c’est tout ».

Maria Callas, Adieux aux étu­di­ants, Juil­liard School, 16 mars 1972.

Ain­si Maria Callas con­clu­ait-elle la série de mas­ter class­es qu’elle don­na à laJuil­liard School, à New York, pen­dant douze semaines, à rai­son de deux séances heb­do­madaires entre octo­bre 1971 et mars 1972. Cette allo­cu­tion, qu’elle dit elle-même mal­adroite, pour­rait se résumer en quelques mots : exi­gence, tra­vail, intégrité, vérité, art. Ces mots, je ne les lui prête pas, ils sont à elle. Dans tous les témoignages — écrits, audio et vidéo — que nous avons encore de la can­ta­trice1, ces mots revi­en­nent inlass­able­ment, devise d’un com­bat de toute une vie. Gior­gio Strehler dis­ait que cha­cune de ses mis­es en scène était un essai sur le théâtre. Chaque représen­ta­tion que don­nait Maria Callas était un man­i­feste cla­mant sa con­cep­tion de l’art qu’elle ser­vait. Ce sont là ses plus grandes leçons péd­a­gogiques. Elle eut cepen­dant envie, à un moment de sa vie, d’un enseigne­ment plus explicite.

Les master classes ou la pédagogie-événement

Beau­coup de chanteurs, vers la fin de leur car­rière ou lorsqu’ils se retirent de la scène, sont attirés par la trans­mis­sion de leur expéri­ence. Ce désir de péd­a­gogie prend générale­ment la forme de mas­ter class­es, ses­sions de tra­vail des­tinées aux jeunes chanteurs de niveau pro­fes­sion­nel, qui ont déjà com­mencé leur car­rière. Les par­tic­u­lar­ités de cette forme d’en­seigne­ment vien­nent avant tout du phénomène de stari­sa­tion des artistes lyriques.

Maria Callas ou Élis­a­beth Schwartzkopf don­nent des cours, et le pub­lic afflue comme à la pre­mière d’une nou­velle pro­duc­tion. Incon­sciem­ment ou non, le statut de star du chanteur a un rôle à part entière dans sa péd­a­gogie. Il tra­vaille avec l’au­ra qui l’en­toure, avec cette légitim­ité artis­tique qu’une car­rière inter­na­tionale et la recon­nais­sance publique et cri­tique lui ont don­née. Deux per­son­nes alors font face à l’élève : la star et l’artiste.

Sou­vent publiques, les mas­ter class­es repro­duisent le sché­ma de la représen­ta­tion scénique : tout d’abord, en ce qui con­cerne les mas­ter class­es de Maria Callas, il fal­lait don­ner cinq dol­lars. On paye pour assis­ter à la leçon. De plus, le péd­a­gogue a sa place auprès du piano, sur scène, face au jeune chanteur mais égale­ment au pub­lic. Ici, toute intim­ité est exclue. L’en­seigne­ment don­né à une per­son­ne est reçu par l’au­di­ence entière. Basée sur un cas par­ti­c­uli­er, la leçon prend cepen­dant des allures de cours magis­tral.

Il est même sou­vent fixé, devenant archive, par l’en­reg­istrement audio (Maria Callas) ou vidéo (Élis­a­beth Schwartzkopf).

Sa dimen­sion événe­men­tielle est ren­for­cée par la rareté des ses­sions. Et si l’aspect scénique peut faire douter du naturel du péd­a­gogue — et de l’élève -, le car­ac­tère excep­tion­nel de cet enseigne­ment ne per­met pas à celui qui trans­met de tomber facile­ment dans le phénomène de répéti­tion lorsqu’il délivre son savoir. Il n’est pas ancré dans des « habi­tudes péd­a­gogiques » et de ce fait réag­it plus spon­tané­ment à la per­son­ne en face de lui, à sa voix et son chant par­ti­c­uliers.

La célébrité du péd­a­gogue, les audi­tions très dures aux­quelles est soumise une foule de jeunes chanteurs désir­ant appren­dre de la star, et le peu d’élus ren­for­cent égale­ment la notion de choix dans cet enseigne­ment. Le jeune artiste désire audi­tion­ner pour les mas­ter class­es de tel ou tel chanteur, il émet par là des préférences, mais le choix revient à l’en­seignant. C’est lui qui choisit préal­able­ment la per­son­ne et la voix à qui il va prodiguer ses con­seils, con­fi­er l’héritage d’une expéri­ence. Sur trois cents can­di­dats, Maria Callas n’en avait retenu que vingt-cinq.

Quel contenu ?

Il faut abor­der ici la notion de réper­toire. Tout chanteur se con­stitue au fil de sa car­rière un réper­toire, en fonc­tion de sa voix, de sa sen­si­bil­ité musi­cale et artis­tique. Con­traire­ment à l’ac­teur ou au met­teur en scène, son expéri­ence se base sur un nom­bre rel­a­tive­ment restreint d’oeu­vres qu’il chante dans le monde entier, dans le cadre de dif­férentes pro­duc­tions. Ces musiques, ces livrets, il les porte en lui, toute une vie durant. Il en a une con­nais­sance qua­si-organique. La leçon devient alors excep­tion­nelle.

L’artiste, revenu cent fois sur les dif­fi­cultés de ces par­ti­tions, peut aider le jeune chanteur à trou­ver les moyens de leur faire face et de les vain­cre. C’est l’aspect tech­nique — pri­mor­dial — du chant. Mais, par son expéri­ence scénique du rôle, ses ren­con­tres avec divers met­teurs en scène, il peut égale­ment trans­met­tre des indi­ca­tions dra­ma­tiques pour une véri­ta­ble inter­pré­ta­tion du rôle.

Mais nous ne devons pas croire que ce réper­toire lim­ite les capac­ités péd­a­gogiques de chanteuses telles que Maria Callas ou Élis­a­beth Schwartzkopf. La finesse de leur per­cep­tion audi­tive et leur com­préhen­sion pro­fonde de la musique ren­dent justes et pas­sion­nantes leurs remar­ques sur n’im­porte quel rôle, y com­pris mas­culin.

Enfin, au-delà, une esthé­tique, une con­cep­tion par­ti­c­ulière, per­son­nelle de l’art de l’opéra est trans­mise en écho d’une expéri­ence artis­tique intense.

La recherche artistique : une quête d’identité

Il y a tou­jours chez celui qui veut appren­dre, une quête de sa pro­pre iden­tité. Se con­fron­ter à l’Autre, c’est appren­dre à se con­naître soi-même. De même, s’at­tel­er toute sa vie à une recherche artis­tique implique con­sciem­ment ou non de par­tir à sa pro­pre décou­verte.

Au moment où Maria Callas mar­quait pro­fondé­ment des rôles comme Vio­le­tra (LA TRAVIATA de Ver­di) ou Médée (MEDEA de Cheru­bi­ni), leur offrant une dimen­sion dra­ma­tique excep­tion­nelle, Élis­a­beth Schwartzkopf atteignait de même les som­mets de l’in­ter­pré­ta­tion lyrique — sou­venons-nous de sa Don Elvi­ra (DON GIOVANNI de Mozart) ou de sa Maréchale (DER ROSENKAVALIER de Strauss). Cha­cune a tra­vail­lé ses rôles en insis­tant sur le respect musi­cal, dra­ma­tique de la par­ti­tion et du livret, sur la clarté de la dic­tion et la pré­ci­sion du jeu scénique. Pour­tant, il y a entre l’art de ces deux can­ta­tri­ces toutes les dif­férences qui sépar­ent le Sud du Nord. Tout ce qui sépare Belli­ni de Mozart et Ver­di de Strauss. Un réper­toire se con­stitue aux vues des pos­si­bil­ités vocales, mais égale­ment à par­tir du tem­péra­ment de l’artiste — tem­péra­ment qui s’en­racine dans l’i­den­tité cul­turelle. Sa façon de le livr­er au pub­lic subit la même influ­ence. Schwartzkopf donne toute sa force retenue, tou­jours géniale­ment dans la mesure. Callas, avec l’emportement de la pas­sion méditer­ranéenne, provoque sans cesse les fron­tières, défie les lim­ites du pos­si­ble.

Question de fond…

Ain­si, ce qu’elles ont défendu et mon­tré sur scène à chaque représen­ta­tion se retrou­ve à la base de leur enseigne­ment.

Elles restent avant tout très atten­tives au place­ment de la voix, sans lequel rien n’est pos­si­ble. Mais d’autres paramètres sont pour elles pri­mor­diaux. Le rythme d’abord. Plus que toute autre, la musique lyrique revendique son car­ac­tère dra­ma­tique — por­teuse d’une action théâ­trale qui se développe au fil de l’ oeu­vre. Maria Callas et Élis­a­beth Schwartzkopf tien­nent par­ti­c­ulière­ment à l’adéqua­tion entre la dynamique de la musique et celle de la voix. Ensuite vient la res­pi­ra­tion : de son place­ment dépen­dent les attaques, les nuances, les couleurs, tout ce qui donne vie et lib­erté à la par­ti­tion et au rôle. Elles revi­en­nent égale­ment sans cesse sur l’im­por­tance de la pronon­ci­a­tion — pour la com­préhen­sion du per­son­nage — et de la justesse des orne­ments — pour sa « vraisem­blance » dra­ma­tique. Jamais elles ne per­dent de vue l’essence-même de l’opéra, art hybride où musique et théâtre s’en­gen­drent l’un l’autre.

Mais, tout comme dans leur recherche artis­tique, si le fond péd­a­gogique est le même, la forme dif­fère.

… et de forme

Les archives vidéo mon­trent Élis­a­beth Schwartzkopf assise auprès du pianiste, les yeux fixés sur l’élève, se référant régulière­ment à la par­ti­tion. Atten­tive à tout, elle ne laisse rien pass­er, faisant repren­dre autant de fois que néces­saire une attaque mal placée, une couleur de note qui détonne, tou­jours con­cen­trée sur le place­ment de la voix.

Ses indi­ca­tions sont essen­tielle­ment tech­niques. C’est par là qu’elle aide le jeune chanteur à attein­dre la meilleure inter­pré­ta­tion pos­si­ble, dans le respect de la par­ti­tion tant au niveau musi­cal que dra­ma­tique. Elle insiste sur le fait de « con­stru­ire son instru­ment » en se con­cen­trant sur le place­ment physique de la voix — appui du souf­fle sur le diaphragme, ouver­ture de la mâchoire, du palais, de la bouche, posi­tion du men­ton … Pour cela, elle use de métaphores. Elle com­pare la voix à un appareil pho­tographique. Avant de pren­dre un cliché, tous les réglages doivent être faits. De même, avant qu’un son soit émis, tout le corps doit être prêt et la note déjà pen­sée.

Pour expli­quer com­ment ren­dre une nuance, elle com­pare les mou­ve­ments de la voix aux coups d’ar­chet d’un vio­lon, allant jusqu’à mimer le vio­loniste. Elle crée ain­si pour l’élève un sys­tème de représen­ta­tion qui lui per­met de visu­alis­er plus con­crète­ment ce qu’il doit faire avec sa voix.

Pour soutenir ses paroles, Élis­a­beth Schwartzkopf leur allie le geste. Celui-ci suit par­fois la musique pour soulign­er les nuances — par­ti­c­ulière­ment un lega­to — ou met­tre en valeur les car­ac­téris­tiques d’une note, sa ron­deur, sa tenue. Elle emprunte alors le vocab­u­laire gestuel du chef d’orchestre. Mais le geste se dou­ble. sou­vent d’une autre fonc­tion : soutenir l’élève dans son effort physique. Les bras mon­tent, paumes ouvertes vers le ciel, comme un prière, et sem­blent aider le chanteur à porter sa voix qui doit rester placée en haut, dans les résonateurs fac iaux, alors qu’elle voudrait tomber de tout son poids sur la gorge.

La com­plex­ité du place­ment de la voix lyrique, dont Élis­a­beth Schwartzkopf con­naît tous les secrets, reste le prob­lème majeur. Elle se pose alors en miroir. Miroir qui mon­tre les défauts de la posi­tion faciale du chanteur et la posi­tion cor­recte à adopter pour émet­tre telle ou telle note. Elle mime le chant en même temps que l’élève.

Callas agit dif­férem­ment. Ceux qui n’at­tendaient de sa part que des leçons pure­ment tech­niques, des « trucs » pour aider à se con­fron­ter aux dif­fi­cultés d’ une par­ti­tion furent bien évidem­ment déçus. À l’é­coute de ces mas­ter class­es, il est très facile de com­pren­dre que ce n’é­tait pas son but. Callas n’imag­i­nait même pas que l’on puisse com­mencer à tra­vailler l’in­ter­pré­ta­tion d’un rôle avant d’en avoir résolu les dif­fi­cultés tech­niques — pré­cisons à nou­veau qu’un chanteur n’a accès aux mas­ter class­es, qui sont des cours d’in­ter­pré­ta­tions, que lorsqu’il a ter­miné sa for­ma­tion dans un, voire plusieurs con­ser­va­toires et auprès de pro­fesseurs par­ti­c­uliers. Maria Callas voulait avant tout leur faire pren­dre con­science de leur rôle de passeur, leur respon­s­abil­ité immense envers le com­pos­i­teur et donc de la rigueur de tra­vail qu’ex­igeait une celle voca­tion. Elle n’abor­dait la tech­nique que pour met­tre en avant l’in­ter­pré­ta­tion.

D’après les enreg­istrements et les témoignages, elle pre­nait d’abord tou­jours le temps d’é­couter con­scien­cieuse­ment l’élève chanter une pre­mière fois l’aria, tout en prenant quelques notes sur un car­net. Ensuite elle le fai­sait repren­dre et se per­me­t­tait alors d’in­ter­venir à chaque imper­fec­tion.

Elle don­nait tou­jours une propo­si­tion d’in­ter­pré­ta­tion (sinon plusieurs) en l’ac­com­pa­g­nant d’ex­pli­ca­tions. Elle par­lait, peu, et ses indi­ca­tions étaient de deux natures dif­férentes : musi­cales et dra­maturgiques. Elle se référait tou­jours à la par­ti­tion, aux indi­ca­tions du com­pos­i­teur et à la logique de la phrase musi­cale tou­jours mise en rap­port avec les mots. D’abord les notes, puis le sens. D’autre part, pour expli­quer le sen­ti­ment du per­son­nage ou l’at­mo­sphère de tel ou tel pas­sage, elle le remet­tait tou­jours dans son con­texte dra­ma­tique : « Qu’est-ce qu’il se passe ? », « Qu’est-ce qu’il se dit ? » sont des ques­tions qui reve­naient sans cesse.

Sou­vent, elle mon­trait, en reprenant la phrase musi­cale. Le principe n’é­tait pas de l’imiter — comme cer­tains ont pu le croire, déclarant que Callas voulait se pos­er en mod­èle absolu sur lequel tous devaient se pla­quer — mais de pos­er sa voix sur la sienne pour sen­tir le mou­ve­ment, les vibra­tions de la musique et être ensuite capa­ble de les trou­ver soi-même, avec sa pro­pre sen­si­bil­ité. Elle ten­tait de trans­met­tre « une cer­taine qual­ité d’é­coute » : savoir ne faire qu’un avec la musique pour sen­tir les phrasés, la justesse de la nuance et du sen­ti­ment, sen­tir le sens et le souf­fle de vie de l’oeu­vre, sa res­pi­ra­tion pro­fonde, sa source. Comme on guide de sa main la main de l’aveu­gle sur une forme pour lui appren­dre à la con­naître, Callas guidait la voix et l’or­eille dans la décou­verte de l’in­tu­ition pro­fonde de la musique. Car plus qu’un savoir-faire, Callas voulut trans­met­tre un « savoir-être dans l’art ». Trans­met­tre une con­cep­tion de l’art du chant lyrique qu’elle reçut de ses maîtres — Elvi­ra de Hidal­go, Tul­lio Ser­afin, Vic­tor de Saba­ta — et directe­ment des com­pos­i­teurs à tra­vers un tra­vail acharné des par­ti­tions de leurs oeu­vres — Belli­ni, Donizzeti, Ver­di.

Transmissibilité, transmission, mémoire

On ne peut échap­per, lorsque l’on par­le d’artistes comme Callas ou Schwartzkopf, à la ques­tion tra­di­tion­nelle de la trans­mis­si­bil­ité d’une per­son­nal­ité, d’une nature hors norme, du génie — notion bien mys térieuse et par­fois si pra­tique car elle élim­ine toute expli­ca­tion. C’est ce que cer­tains, ne trou­vant pas ses mas­ter class­es à la hau­teur de son tal­ent de can­ta­trice, ont reproché sou­vent à Maria Callas. C’est pour­tant un faux prob­lème. La péd­a­gogie n’a pas pour but de pro­duire des clones mais d’aider l’élève à se trou­ver lui-même — ici en tant qu’artiste.

La per­son­nal­ité est définie par les actes et l’acte pri­mor­dial d’une artiste lyrique est le chant. De la scène ont jail­li celles de Maria Callas et Élis­a­beth Schwartzkopf, plus que de leurs paroles. Ceci n’en­lève rien à la richesse de ces moments d’en­seigne­ment-éclair, juste­ment lumineux, où le tra­vail d’un seul aria prend forme d’ex­em­ple sur la façon d’abor­der son art, toute une vie durant.

Com­ment léguer l’ex­péri­ence de vingt ou trente ans de labeur intense et rigoureux en vingt min­utes de cours ? Cette impos­si­bil­ité procède de la nature même de l’art scénique. La trans­mis­sion ne peut être que par­tielle, frag­men­taire, pareille à la mémoire du théâtre.

  1. Cof­fret de trois dis­ques com­pacts, Maria Callas at Juil­liard : The Mas­ter­class­es, EMI Clas­sics, 1987. ↩︎

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Anne-Laetitia Garcia
Anne-Loecicia Garcia est étudiante et chercheuse à l'Institut d'Études Théâtrales de l'Université de Paris III.Plus d'info
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