LA fille se balançait d’un pied sur l’autre. On la poussa un peu. Voir. Jusqu’à quel point elle se laissait aller. C’était pour éprouver sa résistance. Une mission de soldat. La fille était une chose molle dans leurs bras. Ça faisait drôle. Elle voulait tout ce qu’on voulait. Quand ils appuyaient dessus elle ballottait. Quand elle faisait un écart, à peine, elle ne disait jamais rien. Ils essayèrent le coup de lui tordre un bras dans le dos jusqu’à ce que ça s’arrête. Elle s’affaissa.
Dès qu’ils relâchaient elle reprenait son balancement. Attends. Ils y allèrent au bâton. Piquer-claquer. Elle se mit à sautiller. Impayable.
Hilaire passa derrière pour lui coincer les pieds, mine de rien. Il sifflait. C’était comique. Elle gigotait ; elle ne bougeait pas. On aurait dit qu’elle jouait un film. Hilaire se colla devant elle et monta sur ses pieds pour la bloquer plus solidement. Après il la prit à la taille, comme s’ils dansaient un beau tango. Hop, il la tordait en arrière, les deux pieds bien plaqués sur les siens. Il marquait tous les temps d’un petit coup de sifflet, ça donnait un air athlétique. La poupée pantelait.
Hilaire finit par lui attraper une jambe ; il la souleva ; il la soupesa. Il la montra aux autres, le plus haut possible. Un peu de silence ! ça n’était pas une jambe de bois ! Rigodon fit un craquement de rire.
Qu’est-ce qu’elle était potelée.
Tout le monde ne manqtiait pas, dis donc.
Les hommes venaient tâter ça, pour se rendre compte. Chacun son tour, pas deux fois de suite. Il y avait des provisions dans ces bois.
Ils bousculèrent la fille assez sauvagement. Où ? Ruée sur elle. Hilaire au premier plan. Maintenant il la faisait danser à coups de baffes. Où ça, la bouffe ? Manger… miam-miam… c’était où ? Il lui tordit la tête. Où, la bouffe ?
Rigodon ne bronchait pas.
Evelyne Lecucq: Heiner Müller, Jean Cagnard et Christian Caro: la signature des textes de vos deux premiers spectacles montre que…

