LES PIEDS DANS LE RUISSEAU, PLAISIR
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LES PIEDS DANS LE RUISSEAU, PLAISIR

Le 10 Avr 2002
Article publié pour le numéro
Voix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives ThéâtralesVoix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives Théâtrales
72
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LUI (celui qui naît). Les pieds dans le ruis­seau, plaisir. J’ai ôté me savates de toile bleue, je suis entré dans le lit du ruis­seau. Un lit en pente douce, de l’eau jusqu’aux chevilles puis jusqu’aux mol­lets. Dans cette prairie à foin qui risque son herbe jusqu’au bord de la falaise j’ai marché dans l’eau de mon ruis­seau. Je ne pou­vais pas dormir, tour­men­té que j’étais, sans cesse tour­men­té par sa dis­pari­tion subite : à cinquante mètres de la falaise il s’évanouit. Il se tord un peu et par une bouche de terre s’esquive. A genoux je l’ai reni­flée cette bouche et j’ai su que c’était pour cette nuit. J’ai ôté mon pan­talon blanc, ma chemise blanche, mon slip blanc ; nu, je me suis intro­duit dans le boy­au. Douce­ment. Je me suis enfon­cé dans ce tun­nel ; vic­toire ! (temps). A qua­tre pattes d’abord puis à plat ven­tre : effet de l’étroitesse du pas­sage (temps). Ser­ré de partout, de la terre dans les oreilles, les cheveux laqués de boue, je rampe dans le noir. Je sens toutes mes côtes, mes genoux saig­nent, je pète pour soulager mon ven­tre com­primé (temps). Rep­ta­tion lente (temps). Un filet d’eau coule entre mes jambes, me mouille les fess­es, les tes­tic­ules, le sexe. Je lape pour renou­vel­er ma salive. De sec­ousse en sec­ousse je glisse encore. Rep­ta­tion de plus en plus lente (temps). La veine de mon cou bat ou est-ce le boy­au qui respire ? Ai-je par­cou­ru dix mètres ? quinze mètres ? vingt-cinq mètres ? Je suis blo­qué. Ven­tousé. Toute la sur­face de ma peau est ven­tousée. Véri­fi­er la mobil­ité de mes doigts. Grat­ter. Je grat­te (temps). Je ne grat­te plus. Je m’engourdis. Euphorie de l’immobilisation (temps). Réac­tion. Je gagne un cen­timètre, deux cen­timètres, trois cen­timètres. Ma tête bouge ? Oui, elle peut bouger. Le principe du béli­er. Un petit coup de béli­er. Le som­met de mon crâne frappe la paroi supérieure du boy­au. Vibra­tion. Le cou, quelle inven­tion utile ! Boum ! boum ! boum ! M’assommer. Je vais m’assommer et ce sera fini (temps). Bruit. Vibra­tion de la peau qui m’enveloppe. Frémisse­ment de mon corps. Pres­sion de mon dos. Pres­sion de ma tête. Ma pau­vre tête pousse, pousse pousse. Bruit. Hurlement intérieur de rage et d’espoir. Pres­sion max­i­mum. Ça bouge. Ça cède. Ça s’ouvre. La croûte ter­restre a cédé, ma tête est passée de l’autre côté ; mir­a­cle ! (temps). Seule ma tête. A ras du sol her­beux. Emergée. Offerte au vent léger. J’ai ouvert les yeux. La boue déjà sèche qui les murait a éclaté. A quelques mètres la falaise. Tout là-haut les étoiles.

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Écrit par Roland Fichet
Roland Fichet est met­teur en scène et écrivain. Il dirige le Théâtre de Folle Pen­sée qu’il a créé...Plus d'info
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Voix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives Théâtrales
#72
avril 2002

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