Varsovie, 6 juin 2001,au lendemain de la première du spectacle UROCZYSTOSCI, (CÉRÉMONIES) tiré de FESTEN.
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Varsovie, 6 juin 2001,au lendemain de la première du spectacle UROCZYSTOSCI, (CÉRÉMONIES) tiré de FESTEN.

Le 21 Jan 2004
Magdalena Cielecka et Cezary Kosinski dans LE PRINCE MYCHKINE d’après L'IDIOT, de Fedor Dostoïevski, mise en scène de Grzegorz Jarzyna au Théâtre Rozmaitosci de Varsovie, 2000. Photo Pawel Roslon.
Magdalena Cielecka et Cezary Kosinski dans LE PRINCE MYCHKINE d’après L'IDIOT, de Fedor Dostoïevski, mise en scène de Grzegorz Jarzyna au Théâtre Rozmaitosci de Varsovie, 2000. Photo Pawel Roslon.
Magdalena Cielecka et Cezary Kosinski dans LE PRINCE MYCHKINE d’après L'IDIOT, de Fedor Dostoïevski, mise en scène de Grzegorz Jarzyna au Théâtre Rozmaitosci de Varsovie, 2000. Photo Pawel Roslon.
Magdalena Cielecka et Cezary Kosinski dans LE PRINCE MYCHKINE d’après L'IDIOT, de Fedor Dostoïevski, mise en scène de Grzegorz Jarzyna au Théâtre Rozmaitosci de Varsovie, 2000. Photo Pawel Roslon.
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Krzysztof Mieszkows­ki : Dans Uroczys­tosci (Céré­monies ou Fes­ten), un citoyen hon­or­able, le riche Helge, moleste sex­uelle­ment ses enfants. L’une de ses filles vient de se sui­cider et la vie de l’ensemble de la famille est boulever­sée de manière irréversible. Le repas solen­nel décou­vre le drame de la mai­son famil­iale. En même temps, dans le spec­ta­cle, appa­raît une per­spec­tive mythique — la destruc­tion du pou­voir du père. Le spec­ta­cle a donc cer­taines car­ac­téris­tiques d’un drame antique.

Grze­gorz Jarzy­na : À mon avis, ce drame appar­tient déjà au XXIᵉ siè­cle. Nous lisons les jour­naux et nous regar­dons la télévi­sion. Les Tal­ibans font sauter les stat­ues du Boud­dha, le Dalaï-Lama ren­con­tre le prési­dent des États-Unis. En Pologne aus­si, nous vivons avec les prob­lèmes des autres nations, nous en endos­sons la respon­s­abil­ité et nous ten­tons d’y par­ticiper ou, tout au moins, d’exprimer notre posi­tion. Nous nous intéres­sons aux événe­ments du monde et, en même temps, la révi­sion de nos bases famil­iales et sociales s’accentue. Cela ne se réalise pas du point de vue de la reli­gion ou de l’Église, mais au regard de la respon­s­abil­ité de l’homme envers l’absolu. Le croy­ant, tout comme l’incroyant, ressent une cer­taine angoisse. Ils savent tous deux qu’il fau­dra pay­er pour les fautes com­mis­es dans les familles. Je crois que tout cela est observé par un troisième œil, d’une per­spec­tive cos­mique. Dans ce con­texte, c’est un drame antique.

K. M. : Durant des siè­cles en Europe, le seul amour totale­ment autorisé était l’amour de Dieu. La tra­di­tion judéo-chré­ti­enne oppo­sait le monde spir­ituel au monde des sens, la pen­sée à la matière, l’âme au corps. Finale­ment, Niet­zsche est venu et a annon­cé la mort de Dieu. Le corps s’est éman­cipé et l’idée de la libéra­tion sex­uelle s’est dévelop­pée. Est née une société de con­som­ma­tion qui, lente­ment, se trans­forme en société prise dans un filet. Nous nous sommes offert la décom­po­si­tion de la famille et des valeurs fon­da­men­tales. Les gens cessent de par­ler entre eux, ils devi­en­nent de plus en plus soli­taires et aban­don­nés, impuis­sants et cru­els.

G. J. : On ne peut rap­procher les gens qu’en leur pro­posant un thème très intime dont ils ont honte de par­ler. Cha­cun d’entre nous est touché par une sorte de faute trag­ique. Il peut en effet s’avérer que, dans un con­cours bizarre de cir­con­stances et de lieux, appa­rais­sent des gens qui décou­vriront en nous un bouc émis­saire. Les fautes des ancêtres y sont vengées : il doit être aveuglé, par­tir ou périr.

K. M. : Dans ce spec­ta­cle, nous avons affaire à un monde sans Dieu mais, para­doxale­ment, imprégné de méta­physique. Pens­es-tu que cette famille trag­ique­ment déchirée a une pos­si­bil­ité de purifi­ca­tion ?

G. J. : Oui.

K. M. : Dans l’Antiquité, les gens élus étaient mar­qués par le sceau du trag­ique. Par con­tre, chez toi, chaque per­son­nage est frap­pé par un tel des­tin.

G. J. : J’ai réal­isé un jour, avec éton­nement, qu’en fait, aucun de mes amis n’était heureux. Cha­cun d’eux porte la mar­que d’une souf­france venue de l’enfance. Par rap­port à ce qu’il s’imaginait devoir être, il se sent impar­fait. Durant toute notre vie, nous ten­tons de le cacher et de l’oublier.

K. M. : Kaz­imierz Kutz a dit que les jeunes met­teurs en scène mènent un dia­logue avec l’art et les con­ven­tions artis­tiques et non avec ce qui est essen­tiel : le monde. Il con­sid­ère que c’est le priv­ilège ou le défaut de la jeunesse. Il pen­sait sans doute à toi.

G. J. : Søren Kierkegaard a écrit que, dans la vie, nous avons trois péri­odes : esthé­tique, éthique et religieuse. Comme jeunes créa­teurs, nous avons droit à l’expérimentation esthé­tique, c’est le priv­ilège de l’âge.

K. M. : Le fran­chisse­ment de l’esthétique indique le plus sou­vent le dépasse­ment des fron­tières de son pro­pre théâtre. Ton dernier tra­vail n’est pas une ten­ta­tive de fix­er le lan­gage employé jusqu’à présent, mais d’aller au-delà. De nou­velles idées y appa­rais­sent, mais je vois tou­jours l’influence de Lupa pour lequel l’enfance est l’inspiration fon­da­men­tale.

G. J. : J’ai mûri rapi­de­ment. Faire des choses qui sont le priv­ilège des plus âgés m’a tou­jours plu. Je voudrais me débar­rass­er de l’enfance comme d’un bagage inutile.

K. M. : Tu n’aimes pas ton enfance ?

G. J. : J’ai main­tenant 33 ans, il est peut-être trop tôt pour faire un bilan.

K. M. : Je suis tes spec­ta­cles depuis 1997, quand tu as débuté à Varso­vie avec Bzik tropikalny (La Dinguerie trop­i­cale) de Witkiewicz. Tu es devenu un met­teur en scène que les médias adu­lent. On par­le de Jarzy­na aus­si comme d’une idole du pop. C’est une référence à une cul­ture de masse.

G. J. : Le théâtre est un moyen de com­mu­ni­ca­tion médi­a­tique.

K. M. : Les médias ont obtenu une autonomie rel­a­tive. Ils sont une force par eux-mêmes. Ils se nour­ris­sent de tout ce qui les entoure. Tout ce qui tombe est bon à saisir. Ils for­ment un monde sur lequel nous n’avons aucune influ­ence.

G. J. : Il dépend de nous de nous y soumet­tre. Le prob­lème, c’est qu’ils sont attrac­t­ifs. Nous n’en voulons pas, mais nous nous y soumet­tons. (…)

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