Territoires — La boîte et les forces ‑Réflexions autour de l’espace de Fabre

Territoires — La boîte et les forces ‑Réflexions autour de l’espace de Fabre

Le 14 Avr 2005

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L'épreuve du risque-Couverture du Numéro 85-86 d'Alternatives ThéâtralesL'épreuve du risque-Couverture du Numéro 85-86 d'Alternatives Théâtrales
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L’ESPACE DU THÉÂTRE de Fab­re ne con­dense et ne représente dès lors aucune réal­ité, con­traire­ment à ce qui se passe dans le théâtre bour­geois. Il est une réal­ité, une boîte fer­mée qui fixe les lim­ites du mou­ve­ment et le restreint à la durée du spec­ta­cle. La pièce C’EST DU THÉÂTRE COMME IL ÉTAIT À ESPÉRER ET À PRÉVOIR, qui durait huit heures – c’est-à-dire une journée de tra­vail – mon­trait non seule­ment la scène, mais aus­si l’espace où les inter­prètes pou­vaient se retir­er pen­dant les temps morts, pour boire, manger ou se repos­er. L’INTERVIEW QUI MEURT… illus­trait à quel point la réal­ité peut être « réelle ». La scène était recou­verte de cristaux de sel, telle une mer asséchée sur laque­lle gisaient douze pois­sons ago­nisants. Trois danseuses nues et qua­tre petites tables com­po­saient une image à la fois repous­sante par ses aspects impi­toy­ables et fasci­nante par sa beauté cru­elle, inhu­maine – ou faut-il dire non bour­geoise. De ce fait, la scène de Fab­re ressem­ble tou­jours à une boîte à images, une com­po­si­tion expéri­men­tale où cha­cun se voit attribuer une place pré­cise. L’importance de ce regard est apparue dans C’EST DU THÉÂTRE…, où les acteurs accom­plis­sent à tour de rôle une tâche puis regar­dent com­ment les autres s’en acquit­tent. Sans atten­tion ni pas­sion ni déval­ori­sa­tion, mais tout sim­ple­ment en obser­vant. Dans ce théâtre du regard dis­tant, les dis­tances entre les acteurs déter­mi­nent leurs rap­ports et leur force de frappe. Le spec­ta­cle est un déploiement de forces agis­sant intérieure­ment et extérieure­ment sur la posi­tion ini­tiale. La boîte à images est pro­longée par les con­traintes physiques directes imposées aux acteurs. Les har­nais qui appa­rais­sent en plusieurs morceaux en sont un célèbre exem­ple. De même, les cos­tumes d’animaux géants, que les danseurs por­tent jusqu’aux lim­ites de l’épuisement dans PARROTS AND GUINEA PIGS, délim­i­tent l’horizon de la danse. Cette oppres­sion se retrou­ve sous une forme prim­i­tive dans un ancien mon­tage pho­tographique où l’on peut voir Fab­re lui-même enfer­mé dans un bocal à con­serve. La sig­ni­fi­ca­tion spé­ci­fique n’allait en être dévelop­pée que plus tard, dans des œuvres telles que DA UN’ ALTRA FACCIA DEL TEMPO.

LES SECTIONS DANSÉES mon­trent avec une infinie pré­ci­sion les forces externes qui agis­sent sur l’espace de la scène. Dans cette choré­gra­phie, les danseuses répè­tent sans fin une série de mou­ve­ments de bal­let académique à un rythme effroy­able­ment lent. Cet exer­ci­ce leur est par­ti­c­ulière­ment pénible, de sorte que le fos­sé entre la fig­ure idéale qu’elles sont cen­sées représen­ter et la réal­ité de leur corps s’agrandit en per­ma­nence. Comme elles sont pris­es dans la dis­ci­pline de fer du bal­let, elles ne peu­vent pas se révolter. Cet empris­on­nement est lit­térale­ment représen­té par les posi­tions minu­tieuse­ment définies des danseuses. Elles sont enfer­mées dans une grille de coor­don­nées pré­cis­es qui, ensem­ble, for­ment une fig­ure géométrique « idéale ». À un moment, celle-ci est mise plus par­ti­c­ulière­ment en évi­dence par le jeu con­joint des vête­ments et de la toile de fond, réal­isés un tis­su peint en bleu bic. De plus, l’ensemble de la géométrie est placé sous le signe du point de fuite cen­tral, élevé loin au-dessus des danseuses et représen­té par Fres­sia nue. La fig­ure spa­tiale mon­tre de ce fait la vérité du bal­let. La beauté par la dis­ci­pline. L’interprète est comme une machine, une über-mar­i­onet comme seul Gor­don Craig pou­vait en rêver.

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