L’acteur en « leader naturel »

L’acteur en « leader naturel »

Entretien avec Marc Lieben

Le 12 Jan 2006
Nathalie Cornet, Maud Rayer et Mate Liebens, tépétition de DÉJANIRE, mise en scène Marc Liebens, Théâtre National, Bruxelles, 1994. Photo Alice Piemme.
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Bernard Debroux : Com­ment as-tu décou­vert Nathalie Cor­net ?

Marc Liebens : La pre­mière ren­con­tre a eu lieu au con­ser­va­toire de Mons. J’étais dans le jury et j’ai voulu l’engager tout de suite. Elle sera donc de la créa­tion de Tausk de Michèle Fabi­en. Elle a énor­mé­ment de tal­ent. Sans doute ne sait-elle pas très bien où se situer d’autant que ce pre­mier rôle est un rôle dif­fi­cile, mais je décou­vre immé­di­ate­ment cette manière d’être sur le plateau, son sens de l’espace, une intel­li­gence du texte, et d’emblée je com­prends qu’on peut tra­vailler avec elle.
L’appropriation du texte par l’acteur est un élé­ment déter­mi­nant : le jeu ne peut exis­ter qu’à par­tir du moment où l’on a déter­miné ce que cela implique de dire telle ou telle chose. Il s’agit donc en quelque sorte d’une appro­pri­a­tion de la pen­sée : pourquoi telle ou telle chose est dite à tel moment. Cette pen­sée à l’œuvre dans un texte, le comé­di­en se l’approprie. Et lorsque cette pen­sée est appro­priée, le jeu, les dif­férentes couleurs du jeu, vien­nent presque naturelle­ment. Ce pas­sage est une des choses les plus dif­fi­ciles qui soient, mais c’est ce qui me fascine dans le tra­vail de l’acteur : s’approprier la parole de l’autre et la ren­dre intel­li­gi­ble. Ce qui fait du comé­di­en un être rare, c’est qu’il se trou­ve dans cette approche de la com­préhen­sion du monde par la parole d’un autre, et qu’il va être chargé de trans­met­tre. Cette appro­pri­a­tion est à l’origine des grandes inter­pré­ta­tions : elle implique aus­si un long chem­ine­ment, ce n’est pas une démarche pas­sive, elle exige tout un tra­vail de con­struc­tion… C’est dans ce tra­vail que j’ai eu la chance d’accompagner Nathalie Cor­net, notam­ment à tra­vers les œuvres de Michèle Fabi­en.

B. D. : Ce com­pagnon­nage s’est pour­suivi avec elle…

M. L. : J’avais eu un chem­ine­ment com­pa­ra­ble avec Jea­nine Patrick et avec Claude Koen­er, et de manière plus ponctuelle avec Patrick Descamps et Sylvie Mil­haud. Je crois qu’il y a un moment où il y a une place à pren­dre pour que ce genre de col­lab­o­ra­tion s’installe. Avec Patrick Descamps, pour la mise en scène de Oui de Thomas Bern­hard, nous avons tra­vail­lé dans des con­di­tions tout à fait excep­tion­nelles. L’espace, très par­ti­c­uli­er, intime, celui d’un apparte­ment, nous a per­mis de tra­vailler chez moi pen­dant plusieurs semaines. Ce tra­vail est devenu tout à fait ver­tig­ineux, tra­vail dans des con­di­tions de légèreté, d’affinités : nous étions tou­jours ensem­ble pour tra­vailler, déje­uner, dîn­er, tou­jours en con­ver­sa­tion…
Avec Sylvie Mil­haud, qui inter­pré­tait Notre Sade de Michèle Fabi­en, il s’est passé un jour lors d’une représen­ta­tion un phénomène excep­tion­nel, en présence de Michèle Fabi­en : on entendait « l’écrivain écrire son texte », la comé­di­enne inven­tait la langue… Il ne m’est arrivé d’entendre cela que deux ou trois fois dans ma vie… Cela se passe au niveau le plus intime, c’est un moment de ren­con­tre éton­nant, comme si l’écrivain avait oublié et que l’autre le lui remé­more… C’est un sur­gisse­ment, un moment poé­tique qui ne peut pas être con­tinu…
Nathalie Cor­net a eu une approche du texte très ori­en­tée par la présence de Michèle Fabi­en. Nous avons eu à trois une col­lab­o­ra­tion exem­plaire. Comme Michèle était très présente, nous nous parta­gions le tra­vail. D’ailleurs, depuis la mort de Michèle, nous avons cessé de tra­vailler ensem­ble, c’est seule­ment main­tenant que nous allons repren­dre…

B. D. : Pen­dant tout ce temps de tra­vail en com­mun, Nathalie allait-elle tra­vailler avec d’autres met­teurs en scène ?

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Bernard Debroux
Écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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