Le Prince constant de Riszard Cieslak
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Le Prince constant de Riszard Cieslak

Le 14 Jan 2006
Article publié pour le numéro
Les liaison singulières-Couverture du Numéro 88 d'Alternatives ThéâtralesLes liaison singulières-Couverture du Numéro 88 d'Alternatives Théâtrales
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Quand je pense à Riszard Cies­lak, je pense à un acteur créatif. Il me sem­ble qu’il était vrai­ment l’incarnation d’un acteur qui joue comme un poète écrit, ou comme Van Gogh peignait. On ne peut pas dire que c’est quelqu’un qui a joué des rôles imposés, des per­son­nages déjà struc­turés, d’un point de vue lit­téraire du moins, parce que, même s’il a gardé la rigueur du texte écrit, il a créé une qual­ité entière­ment nou­velle. Cela me paraît fon­da­men­tal de com­pren­dre cet aspect de son tra­vail.

[…]

Il est très rare qu’une sym­biose entre un soi-dis­ant met­teur en scène et un soi-dis­ant acteur puisse dépass­er toutes les lim­ites de la tech­nique, d’une philoso­phie, ou des habi­tudes ordi­naires. Cela est allé jusqu’à une telle pro­fondeur que sou­vent il était dif­fi­cile de savoir si c’était deux êtres humains qui tra­vail­laient, ou un dou­ble être humain.
Sur Le Prince con­stant, nous avons tra­vail­lé des années et des années. Nous avons com­mencé ce tra­vail en 1963. La pre­mière offi­cielle eut lieu deux années plus tard. Mais en vérité, nous avons tra­vail­lé bien après la pre­mière offi­cielle. La plu­part du temps, notre tra­vail se déroulait dans un isole­ment com­plet, per­son­ne d’autre n’y par­tic­i­pait, ni les autres mem­bres du groupe, ni aucun témoin.

[…]

Ryszard Cieslak dans LE PRINCE CONSTANT de Juliusz Slowacki d'après Calderon de la Barca, mise en scène Jerzy Grorowski au Théâtre Laboraroire de Wroclaw, 1965. Photo Centre des Études sur l'œuvre de Jerzy Grotowski et de Recherches théâtrales et culturelles de Wroclaw en Pologne.
Ryszard Cies­lak dans LE PRINCE CONSTANT de Juliusz Slowac­ki d’après Calderon de la Bar­ca, mise en scène Jerzy Gro­rows­ki au Théâtre Lab­o­raroire de Wro­claw, 1965. Pho­to Cen­tre des Études sur l’œu­vre de Jerzy Gro­tows­ki et de Recherch­es théâ­trales et cul­turelles de Wro­claw en Pologne.

Je vais touch­er un point qui fut une par­tic­u­lar­ité de Ryszard. Il était néces­saire de ne pas le pouss­er ni l’effrayer. Comme un ani­mal sauvage, quand il a per­du sa peur, sa fer­me­ture peut-on dire, sa con­sid­éra­tion à pro­pos de son image, il a pu pro­gress­er pen­dant des mois et des mois avec une ouver­ture et une com­plète lib­erté, une libéra­tion de tout ce qui dans la vie, et plus encore dans le tra­vail de l’acteur, nous bloque. Cette ouver­ture était comme une con­fi­ance extra­or­di­naire. Et quand il a pu tra­vailler de cette manière pen­dant des mois et des mois avec le met­teur en scène seul, après il a pu faire cela en présence de ses col­lègues, les autres acteurs, et après même en présence des spec­ta­teurs ; il était entré déjà dans une struc­ture qui lui assur­ait, à tra­vers la rigueur, une sécu­rité.
Pourquoi est-ce que je pense qu’il était un acteur aus­si grand que, dans un autre domaine de l’art, Van Gogh par exem­ple ? Parce qu’il a su trou­ver la con­nex­ion du don et de la rigueur. Quand il a eu une par­ti­tion du jeu, il n’a pu la tenir jusqu’aux plus minus­cules détails. Cela, c’est la rigueur. Mais il y avait quelque chose de mys­térieux der­rière cette rigueur qui se présen­tait tou­jours en con­nex­ion avec la con­fi­ance. C’était le don, don de soi, dans ce sens, le don. Cela n’a pas été, atten­tion, le don au pub­lic, que nous avons con­sid­éré ensem­ble comme un putanisme. Non. C’était le don à quelque chose qui est beau­coup plus haut, qui nous dépasse, qui est au-dessus de nous, et aus­si, peut-on dire, c’était le don à son tra­vail, ou c’était le don à notre tra­vail, le don à nous deux.

[…]

Le vrai secret a été de sor­tir de la peur, du refus de soi-même, de sor­tir de cela, d’entrer dans un grand espace libre où l’on peut n’avoir aucune peur et ne rien cacher.

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