Le testament d’Œdipe désignait comme ses successeurs sur le trône de Thèbes ses frères, les jumeaux Étéocle et Polynice, qui étaient ses fils, engendrés avec Jocaste, sa mère. Ils devaient gouverner à tour de rôle, un an chacun, selon l’ordre alphabétique, Étéocle en premier. Polynice acheta un mathématicien qui prouva que l’ordre de l’alphabet était l’acte arbitraire d’un Hébreu aux yeux bridés, fils d’une tsigane syphilitique ayant du sang nègre (de singe) et qu’il faisait insulte aux lois naturelles. Polynice commença une campagne de désalphabétisation. Étéocle la paracheva en faisant couper la langue aux partisans de Polynice. Au mathématicien, on coupa les oreilles et on en fit, avec les langues de ses prosélytes, un collier qu’on lui pendit autour du cou.
L’ÉVÉNEMENT POLITIQUE — LE COURONNEMENT D’ÉTÉOCLE
L’événement politique commença dans les chants des chœurs d’enfants de toutes les écoles de Thèbes, qui scandaient l’alphabet accompagnés des tambours et tambourins des séminaires où l’on forme les prêtres. Polynice prit son parti de l’inévitable : Étéocle sur le trône de Thèbes, et félicita son frère pour son accession au gouvernement en le mordant aux deux joues sous prétexte de l’embrasser. La population applaudit le baiser, la minorité à la langue coupée la morsure. Le double cercueil d’Œdipe et de Jocaste faisait office de trône. Le frère de Jocaste, Créon, oncle et beau-frère d’Œdipe et oncle de ses frères-fils, mena le couronnement à bonne fin. La couronne était encore collante du sang des yeux d’Œdipe ; il l’en avait barbouillée lorsqu’il s’était crevé les yeux pour ne plus voir sa femme et mère se balançant au bout de la corde. Avec le temps, cela avait pris la couleur de la merde. Puis Étéocle parla de l’état de la nation. Les applaudissements avaient lieu aux endroits prescrits. Des soldats de la garde contrôlaient la bonne marche des applaudissements. Ils frappaient avec des matraques en caoutchouc sur toutes les mains qui ne bougeaient pas. Durant la dernière année du gouvernement d’Œdipe, on avait renoncé aux massues : elles avaient brisé trop de mains dont on avait besoin pour le travail. On avait au début tranché les mains paresseuses avec des épées. Mais le primat de l’économie s’était imposé : le travail passe avant le châtiment ; « démocratie ». Lorsqu’il fut sur le trône, Étéocle fit table rase du passé. Il donna lecture d’une expertise médicale dont il ressortait que Jocaste était morte vierge, ce qui établissait que ses enfants étaient des cadeaux de Dieu. Un phimosis d’Œdipe diagnostiqué dans son enfance n’a pas pu être prouvé : le processus de putréfaction était trop avancé, on ne pouvait plus soumettre le prépuce en question à un examen. Avec quatre gifles, Étéocle fit cesser les pleurnicheries de ses sœurs, Ismène et Antigone. Les applaudissements étouffèrent l’éclat de rire de Polynice. Tirésias (hystérique). Le hochement de tête du devin aveugle Tirésias fut transformé en hochement (d’approbation) par un coup derrière la nuque. Commentaire de la foule : le devin approuve. Puis on passa à l’élection du Conseil d’État. Le principe était simple : il reposait sur la reconnaissance du fait que l’aveuglement permet d’y voir clair. Les candidats étaient en rangs, prêts à être choisis. Le choix était déterminé par le nombre de pions, lesquels avaient été procurés par le chef de l’État.
Traduction de l’allemand par Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret.