Le Théâtre du Grütli-Scène d’expérimentation pluridisciplinaire

Le Théâtre du Grütli-Scène d’expérimentation pluridisciplinaire

Le 14 Oct 2006

A

rticle réservé aux abonné·es
Article publié pour le numéro
Couverture du Numéro 90-91 - Marc Liebens
90 – 91
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

Je vois là une pos­si­bil­ité : utilis­er le théâtre pour de tout petits groupes (pour les mass­es, il n’existe déjà plus depuis longtemps), afin de pro­duire des espaces d’imagination, des lieux de lib­erté pour l’esprit, con­tre cet impéri­al­isme d’invasion et d’assassinat de l’imagination par les clichés et les stan­dards pré­fab­riqués des médias. Je pense que c’est une tâche poli­tique de pre­mière impor­tance, même si les con­tenus n’ont absol­u­ment rien à voir avec des don­nées poli­tiques.

Hein­er Müller

Que les acteurs dis­ent ce que per­son­ne ne dit puisqu’il ne s’agit pas de la vie.

Elfriede Jelinek (Je voudrais être légère)

Nou­velle­ment nom­mées au Théâtre du Grütli, nous voulons en faire une scène d’expérimentation pluridis­ci­plinaire. Nous pro­posons une pre­mière sai­son unique­ment faite de créa­tions, avec des érup­tions plus ou moins mar­quées du choré­graphique, et une poignée de per­for­mances à définir en cours de sai­son.

Un slo­gan de base, le fameux less is more de Mies van der Rohe, et trois inter­ven­tions majeures sur les con­di­tions de tra­vail dans la mai­son : une couleur his­tori­co-dra­maturgique pour chaque sai­son (logoS et la tragédie grecque pour la sai­son 06 – 07) ; l’engagement à plein temps d’un col­lec­tif pluridis­ci­plinaire intime­ment lié à la mai­son et renou­velé tous les six mois (de trois à huit per­son­nes) ; la mise en con­traste des deux espaces de représen­ta­tion (un black box et un white box).

Less is more parce que, dans un champ sat­uré de fes­tiv­ités et de propo­si­tions artis­tiques, nous croyons au choix. Rien de pire que le tour de rôle qui a pu tenir lieu de poli­tique cul­turelle genevoise à cer­tains moments. Nous choi­sis­sons donc cinq invités de sai­son (met­teur en scène, choré­graphe, com­pag­nie, col­lec­tif ou autre) qui peu­vent dilater leurs répéti­tions et leur présence au Grütli sur un an, des hôtes priv­ilégiés à qui plusieurs occa­sions de tra­vail sont pro­posées : au moins une dans chaque espace. Objec­tif : faire moins mais avec des moyens, de l’insistance, et si pos­si­ble un suivi de dif­fu­sion. Les invités 06 – 07 : Patri­cia Bopp, Oskar Gomez Mata, Marc Liebens, Le Club des Arts et Cindy van Ack­er.

Sig­nalons que, dans cette pre­mière sai­son, une trilo­gie du héros s’est ajoutée aux propo­si­tions des cinq invités (au white box : Penthésilée Playsta­tion XY, mise en scène Philippe Bischof ; Utzgur ! créa­tion col­lec­tive sous la houlette d’Anna van Bree ; et Lem­nos Project : Philoc­tète par exem­ple, mise en scène Bernard Meis­ter). Et que divers autres statuts inner­vent aus­si la mai­son : une met­teure en scène asso­ciée sur dix-huit mois (Clau­dia Bosse, The­ater­com­bi­nat), un auteur asso­cié sur trois ans (Math­ieu Bert­ho­let) et trois groupes de recherche (Quiv­ala + le noy­au Michel Bar­ras – Bernard Schlurick – Groupe du Vent + sturm­frei ; voir plus loin le pro­jet Sta­tions urbaines).

logoS : mot grec / parole, rai­son / la rai­son humaine incar­née par la langue / être inter­mé­di­aire entre dieu et le monde.

Mais com­mençons peut-être par ce thème de la tragédie grecque que nous pro­posons comme moteur de recherche, comme principe d’activation d’une sai­son con­tem­po­raine. Il sem­ble y avoir un grand écart, mais d’un bord loin­tain à l’autre, la représen­ta­tion athéni­enne et la représen­ta­tion actuelle se lan­cent des sig­naux. Le théâtre grec per­met d’interroger nos modes spec­tac­u­laires : impli­ca­tion des citoyens, finance­ment et organ­i­sa­tion des Dionysies, jeu, danse, chant, effi­cac­ité civique, désig­na­tion des par­tic­i­pants et des gag­nants… En un temps où il importe de trou­ver au théâtre de nou­veaux com­man­di­taires, de nou­veaux des­ti­nataires et de déranger un peu des savoir-faire et pro­to­coles de créa­tion par trop sclérosés, la con­fronta­tion est bonne à ten­ter.

Mais com­ment expli­quer qu’au « Nous ne sommes pas nom­breux mais nous venons tous d’Athènes » d’un Pier Pao­lo Pasoli­ni fasse écho le « Nous sommes fils d’Athènes » d’un Jean-Marie Le Pen ? Qu’est-ce que cette Antiq­ui­té qui se donne à qui veut la pren­dre comme cau­tion idéologique ? Et ce fan­tasme de l’origine, com­ment s’y vautre-t-on aus­si indis­tincte­ment ? Toutes ques­tions posées à l’orée des qua­tre journées de Débats logoS, organ­isées en sep­tem­bre 2006 pour com­mencer à creuser ce matéri­au.

le col­lec­tif 1

Act­if depuis main­tenant trois mois, le pre­mier col­lec­tif se pose comme force d’agitation et de surpe­u­ple­ment des bureaux, comme opéra­teur d’intensité, comme pour­voyeur de cri­tiques, comme con­cep­teur de pro­jets et comme groupe d’interprétation de plusieurs spec­ta­cles : Les Pers­es, Le Con­cours Élec­tre, Épiphaneïa. Un chœur donc, qui passe d’une tragédie à l’autre.

Espaces / pro­to­coles de créa­tion

Cette machine du Grütli, occupée par une équipe admin­is­tra­tive per­ma­nente, un col­lec­tif, des artistes asso­ciés et plusieurs com­pag­nies, il con­ve­nait de la met­tre sous ten­sion, par le con­traste, le jeu entre forces ver­ti­cales et hor­i­zon­tales de la mai­son. Cela en vari­ant les régimes de créa­tion (vitesses de tra­vail, hiérar­chies de con­cep­tion, envi­ron­nements, etc.). L’espace du deux­ième étage a été peint en blanc, et il est des­tiné à recevoir des travaux exploratoires, à ris­quer la « méf­i­ni­tion », le geste mineur, ciblé, sim­ple. Le white box, bon pour l’œil et l’esprit, moyen peut-être de sor­tir d’une spi­rale de per­fec­tion­nisme formel qui tend à homogénéis­er les pro­duc­tions. On croit trop vite que l’art et la manière agréés par son temps sont des abso­lus. Répéter sept semaines, jouer dix-huit fois devant une salle plongée dans l’obscurité un spec­ta­cle qui dure env­i­ron une heure trente et qui con­duit les spec­ta­teurs à applaudir : voilà la doxa. Altér­er les régimes de créa­tion peut faire émerg­er des formes inat­ten­dues, inouïes. Au black box règ­nent le noir et, en principe, un temps de créa­tion plus long. Ce qui n’empêche pas l’essai.

A

rticle réservé aux abonné·es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte 1€ - Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
4
Partager
Partagez vos réflexions...
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Couverture du Numéro 90-91 - Marc Liebens
#90 – 91
mai 2025

Marc Liebens

15 Oct 2006 — Après LUI PAS COMME LUI1 et le projet WET!2, qui regroupe deux courts textes théoriques, la compagnie sturmfrei3 poursuit son…

Après LUI PAS COMME LUI1 et le pro­jet WET!2, qui regroupe deux courts textes théoriques, la com­pag­nie sturmfrei3…

Par Maya Bösch et Michèle Pralong
Précédent
13 Oct 2006 — Bernard Debroux : Vous démarrez votre première saison à la direction du Théâtre du Grütli par ces quatre journées appelées…

Bernard Debroux : Vous démar­rez votre pre­mière sai­son à la direc­tion du Théâtre du Grütli par ces qua­tre journées appelées Débats logoS en faisant se ren­con­tr­er des uni­ver­si­taires, des théoriciens, des philosophes et des artistes.…

Par Bernard Debroux
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total