Le tombeau d’O’Neill ou des affinités électives
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Le tombeau d’O’Neill ou des affinités électives

Le 9 Nov 2007
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 94-95 - Lars Norén
94 – 95
Article fraîchement numérisée
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Après avoir traduit LE PÉLICAN d’August Strind­berg, puis DÉMONS de Lars Norén, en col­lab­o­ra­tion avec Per Nygren, je tra­vail­lais à de nou­velles tra­duc­tions de DÉSIR SOUS LES ORMES et de LE DEUIL SIED À ÉLECTRE d’Eugene O’Neill, quand les édi­tions de l’Arche me don­nèrent à lire une pièce de Norén sur O’Neill. Je fus immé­di­ate­ment saisi par la fas­ci­na­tion du dra­maturge sué­dois pour son mod­èle. Exem­ple rare d’un auteur met­tant en scène un de ses maîtres, un Tombeau, comme Mal­lar­mé ou Rav­el ren­dant hom­mage à Edgar Poe ou Couperin.

Soit. Un auteur sué­dois con­tem­po­rain écrit une pièce sur un auteur améri­cain du XXe siè­cle influ­encé par un auteur sué­dois du XIXe. August aurait pu être le père d’Eugene qui lui-même aurait pu être le père de Lars. On en resterait là si nous n’avions à faire à de grands écrivains, ayant tous les trois frôlé la folie, mis en scène leurs obses­sions, leurs peurs, la peur.

Une his­toire de fil­i­a­tion, donc. Un roman famil­ial. Dans son appel­la­tion freu­di­enne, le roman famil­ial con­siste à s’inventer une autre famille que la sienne pro­pre et à s’imaginer fils de prince, de riche, quand on est d’une famille mod­este, par exem­ple. Le point de départ de ce proces­sus est la com­préhen­sion par l’enfant de la dif­férence des sex­es et de ses con­séquences : pater incer­tus, mater cer­tis­si­ma, c’est la base sur laque­lle l’enfant peut édi­fi­er le roman. Certes, il est fils de sa mère, mais son père ne peut être « le vrai ». Alors il le rêve, il se l’invente.

Strind­berg, d’abord : « À la fin de cette immense lec­ture, je m’aperçus que je m’étais trou­vé moi-même » dit-il après la lec­ture de Balzac. Ou, à pro­pos de Niet­zsche : « Curieux qu’à l’aide de Niet­zsche, je décou­vre main­tenant un sys­tème dans ma folie. » Ne par­lons pas d’influences, plutôt de réso­nances. Il se trou­ve lui-même, se décou­vre à tra­vers ces auteurs une iden­tité, des pères.

O’Neill, lui, voue une vraie vénéra­tion à Strind­berg : « Strind­berg est le précurseur de notre théâtre dans ce qu’il a de mod­erne » Ou : « Strind­berg, alors que beau­coup d’entre nous n’étaient pas nés, a con­nu et enduré notre pro­pre lutte. » Là aus­si il y a iden­ti­fi­ca­tion.

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Écrit par Louis-Charles Sirjacq
Louis-Charles Sir­jacq est tra­duc­teur, dra­maturge, scé­nar­iste et pro­duc­teur à France Cul­ture. Il a obtenu le Prix nou­veaux tal­ents...Plus d'info
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Par Christophe Triau
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