À LA RECHERCHE DE Carlos Wittig-Montero, jeune prodige chilien gui aura marqué le théâtre français contemporain des années 1977 à 1987.
Branchez-vous sur Internet et vous n’aurez aucune idée de ce qu’a été pour le théâtre français ce jeune metteur en scène chilien, sorti de la fameuse école de cinéma et de théâtre fondée sous Salvador Allende et qu’une bourse d’étude — décernée à cet élève brillant, dont Raoul Ruiz se souvient encore — amènera à Paris en 1973, juste avant le coup d’état du général Pinochet.
Carlos Wittig-Montero a disparu en janvier 1988, à 37 ans, en laissant à tous ceux gui l’ont connu, gui ont travaillé avec lui ou gui ont eu la chance d’assister à ses spectacles, le souvenir d’un prodige de la mise en scène et de la direction d’acteur. Ainsi, vous pourriez consulter Georges Aperghis, Philippe Minyana, Maria Koleva ou Ariane Ascaride — pour ne citer que ceux-là, gui sont parmi les plus connus : chacun pourrait témoigner de l’importance de sa rencontre avec ce créateur d’exception, gui a voué son travail théâtral aux auteurs contemporains et à la scène expérimentale.
Le verbe fait corps et le corps devient verbe : le travail de direction d’acteur de Carlos Wittig-Montero à travers deux expériences théâtrales.
IN AMERICA CUICATL de Xavier Pommeret
J’ai rencontré Carlos au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris, où nous étions tous deux élèves étrangers inscrits, de 1975 à 1978, dans la classe d’Antoine Vitez. Jacques Rosner, directeur de cette grande école, donne à Carlos la possibilité de créer en son sein sa première mise en scène de théâtre en France. Le jeune homme commande alors à Xavier Pommeret une grande fresque sur l’histoire du Mexique, IN AMERICA CUICATL1.
Lorsque les répétitions commencent, le texte est en cours d’écriture et se construit parallèlement à l’élaboration du spectacle. Nous, les comédiens, nous n’avons donc aucune notion précise de ce que nous allons interpréter. Chaque journée de travail commence par une matinée complète d’entraînement physique et vocal. Lors de ces séances, Carlos nous emmène à la découverte de nos « résonateurs » selon la méthode de Grotowski, qu’il pousse au plus loin, nous promettant que notre voix pourra sortir de nos paumes de main ou du creux de nos genoux. Bien sûr, nous n’y croyons pas, pas plus que nous n’accordons foi aux descriptions de prouesses acrobatiques que Carlos dit attendre de nous et auxquelles il assure pouvoir nous mener en deux petits mois de répétition. Néanmoins, nous travaillons assidûment, passant nos après-midi à coller des syllabes éparses sur des endroits de notre corps, suivant une chorégraphie et des rythmes créés par Carlos. Tout au long de ces répétitions, ce très jeune metteur en scène sera un pédagogue inavoué d’une générosité prolifique autant qu’universelle : il semble avoir engrangé dans sa pratique tous les exercices d’entraînement du comédien mis au point aux quatre coins du monde et, par cette connaissance virtuose, il fera tomber une à une nos barrières inconscientes — ces « blocages » derrière lesquels nous nous réfugions et nous nous empêtrons si facilement.



