BERNARD DEBROUX : Comment s’est passé votre rencontre avec Pirra Bausch et depuis quand accompagnez-vous le projet artistique de la compagnie ?
Dominique Mercy : C’est un peu dû au hasard. C’était durant une académie d’été à Saratoga aux États-Unis en 1972. Elle y étaie invitée par Paul Sanasardo (lui-même en résidence avec sa compagnie) pour donner des cours, remonter un de ses ballets et présenter elle-même un solo. Moi, de mon côté, j’étais invité par un de ses danseurs, Manuel Alum, rencontré auparavant au Ballet Théâtre contemporain à Amiens où je travaillais à l’époque et ou lui-même, invité par Françoise Adret, était venu nous donner des cours. Nous habitions près du campus dans la même maison. Ce fut une rencontre très importante. En suivant ses cours, en voyant son travail mais surtout en la voyant elle danser, je découvrais un univers auquel j’avais l’impression d’appartenir et un lien dans la façon de bouger. Au terme de mon séjour, elle m’a parlé d’un projet qu’elle avait, pas encore très précis à ce moment. Elle m’a écrit plus tard et je l’ai rejointe pour les tout débuts de la compagnie à Wüpperchal. C’était en 1973. Le premier spectacle créé comprenait trois pièces : RODÉOd’Agnès De Mill, LA TABLE VERTE de Kure Joss et FRITZ de Pirra.
B. D.: FRITZ, était-ce déjà à l’époque de la « danse- théâtre » ou était-ce encore de la danse contemporaine au sens habituel du terme ?
D. M.: On peut dire qu’il s’agissait déjà de « danse- théâtre ». Pina n’utilisait pas encore ce processus de questions qui se développera par la suite mais même si nous travaillions beaucoup les mouvements, il y avait en plus une construction de situations, de scènes, d’ambiances, d’atmosphères, d’une dramaturgie.
C’était un univers fantastique, étrange, vu à travers les yeux d’un enfant : il y avait le père, la mère, la grand- mère. À un moment, tout cet univers s’élargissait, la grand-mère devenait une sorte de géante, et les murs reculaient agrandissant la pièce pour laisser place à un cortège d’étranges invités. Il y avait une femme-lampe, un homme avec des lèvres à la place du nombril, des jumeaux tenus par leur vesce, une femme à barbe, j’étais moi une espèce de souffreteux. À l’époque, j’avais une toux un peu nerveuse et on a joué avec ça, on a fait toute une danse avec cette toux. Il y a donc eu dès le début la volonté d’aller au-delà du simple mouvement. Dans la première saison, le premier gros travail qu’on ait réalisé étaie l’opéra de Gluck, IPHIGÉNI EN TAURIDE. C’était bien sûr du pur mouvement mais déjà au service de sensations, d’histoires, d’atmosphère. Les choses se sont enchaînées ensuite.
B. D.: C’est la première fois que vous venez au Chili ?
D. M.: La deuxième fois. Je faisais partie du premier contingent qui est venu en 1980 ..
B. D.: Entre 1980 et aujourd’hui (janvier 2007) il n’y a plus rien eu !
D. M.: À part 26 ans, non… En 1980, nous présentions CAFÉ MÜLLER, LE SACRE DU PRINTEMPS et une petite pièce qui s’appelait DER ZWEITE FRÜHLING (LE DEUXIEME PRINTEMPS). C’était à l’occasion d’une tournée organisée en Amérique du Sud par le Goethe Institut.
B. D.: La danse est un langage universel mais même les textes, au ballet de Wuppertal sont compréhensibles partout… Ici à Santiago, vous présentez MASURCA FOGO et l’espagnol domine…




