De LA DÉMANGEAISON à LA MÉLANCOLIE, l’expérience du Vivarium Théâtre

De LA DÉMANGEAISON à LA MÉLANCOLIE, l’expérience du Vivarium Théâtre

Le 10 Juil 2008

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UNE FOIS que le titre est posé, l’écriture démarre : ça a com­mencé avec La DÉMANGEAISON DES AILES, leur pre­mier spec­ta­cle créé en 2003, et le sys­tème s’est insti­tué. En 2008, ils ont choisi d’évoquer La Mélan­col­ie des drag­ons. Le spec­ta­cle qui vient de naître à Vienne en mai dernier est recréé à Avi­gnon en juil­let à l’église des Célestins.
Après le dépôt du titre, ils se met­tent en quête de nour­ri­t­ure, lit­téraire, icono­graphique, enquêtes de ter­rain… Et c’est sur les bases de cette matrice que vient se gref­fer le jeu d’acteurs. Pour ces derniers, il ne s’agit pas alors d’interpréter un théâtre écrit à leur atten­tion, mais de pour­suiv­re, en jouant, le proces­sus d’écriture.
Au fil des créa­tions, les acteurs qui jouent pour Philippe Quesne, le met­teur en scène du Vivar­i­um Théâtre, sont devenus des per­son­nages. Ils l’accompagnent — ils s’accompagnent — depuis les débuts de la com­pag­nie. Les acteurs, les gens sur scène (dit Philippe Quesne), s’occupent aus­si de la fab­ri­ca­tion du décor. Le met­teur en scène, pen­dant la représen­ta­tion, assure la régie. Il sem­ble que depuis La DÉMANGEAISON… ils se soient con­sti­tués en bande de tra­vail. Non pas en groupe ou en col­lec­tif, mais bel et bien en bande : c’est-à-dire un ensem­ble de gens qui depuis cinq ans œuvrent ensem­ble, avan­cent ensem­ble, sont en train de chercher et de vivre ensem­ble. Telle que définie par Philippe Quesne, la notion de bande fait penser à une meute (de loups ou de drag­ons ou de hard-rock­ers, c’est selon), dont il reste le « chef » puisqu’il signe les mis­es en scène.
Pour inven­ter son théâtre, la bande se nour­rit de son imag­i­naire col­lec­tif et des con­traintes ren­con­trées en chemin. Pour La DÉMANGEAISON… ils avaient dû tra­vailler dans un apparte­ment. Leur dis­posi­tif scénique s’en était inspiré. Des gens entraient et sor­taient dans un (décor d’) apparte­ment, pour venir y par­ler de leur désir d’envol, voire le mimer. Ten­ta­tives vaines, chutes assurées… c’était le thème de leur pre­mier tra­vail.
L’Effet de Serge (pro­duc­tion 2007), égale­ment présen­té à Avi­gnon dans le cadre de la vingt-cinquième heure, abor­de le sujet de la soli­tude et de l’autonomie de l’artiste. Serge, pro­tag­o­niste de l’histoire, vit dans un de ces fameux apparte­ments désigné par le Vivar­i­um : une sorte de hangar, avec pour acces­soires ou élé­ments de déco­ra­tion, (ça ressem­ble à du théâtre mais on pour­rait aus­si bien y habiter), une table de ping-pong, un ordi­na­teur, des minia­tures télé­com­mandées, une chaîne Hifi… surtout de quoi faire des effets spé­ci­aux. Car Serge, qui, en semaine, se livre à lui-même un paquet de chips servi sur plateau roulant téléguidé…, Serge le soli­taire, a une âme d’artiste le week-end. Avec trois fois rien, il crée des spec­ta­cles de trois min­utes qu’il présente à ses amis le dimanche. Il aime faire partager son idée du « beau » : machine roulante avec pétard sur une musique de Haen­del, effet lumineux sur une musique de Wag­n­er. Les amis-voisins-spec­ta­teurs assis­tent, ébahis, et com­mentent ou remer­cient. Philippe Quesne crée sur scène un dis­posi­tif qui englobe le plateau et la salle, et s’amuse à nous présen­ter son théâtre en train de se faire devant des acteurs qui jouent aux spec­ta­teurs. On n’entend pas tou­jours bien ce qu’ils dis­ent à leur ami créa­teur. Quand leurs pro­pos sont inaudi­bles, leurs présences sont accen­tuées. Là debout devant Serge, ils cherchent les mots pour décrire leur ressen­ti, ils ne fuient pas la poignée de main.
Le Théâtre du Vivar­i­um est avant tout un théâtre des corps. Pour Quesne, la scéno­gra­phie se nour­rit de sujet et des corps vivent dedans. Ils ont une façon d’habiter le plateau comme s’ils pou­vaient y vivre (« ils », c’est-à-dire la huitaine de comé­di­ens réguliers, et leur chien).
Philippe Quesne a util­isé, ailleurs, ce procédé de la « forme chu­chotée ». Par exem­ple, lors des tournées inter­na­tionales de D’APRÈS NATURE, — spec­ta­cle dont le thème pré­texte était « la fin du monde » —, il a fal­lu résoudre les prob­lèmes de tra­duc­tion. Pour ce faire, le met­teur en scène ne con­sid­érant pas que la fin du monde ressem­blait aux films de sci­ence-fic­tion des années 50, où d’immenses insectes dévo­raient les ter­riens…, songeant plutôt qu’elle était calme et silen­cieuse, pas du tout vio­lente mais proche de nous, comme incluse dans chaque geste de notre quo­ti­di­en, a préféré que ses comé­di­ens jouent tout douce­ment, dans une forme chu­chotée, accom­pa­g­née d’un sur­titrage.

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Écrit par Sylvie Martin-Lahmani
Sylvie Mar­tin-Lah­mani est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue Alter­na­tives théâ­trales, doc­tor­ante à la Sor­bonne sous...Plus d'info
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Par Sylvie Martin-Lahmani
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