Une Vitrine, un forum, une mémoire vivante : La Bellone mode d’emploi

Une Vitrine, un forum, une mémoire vivante : La Bellone mode d’emploi

Le 20 Nov 2008

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Article publié pour le numéro
Couverture du nUméro 99 - Expérience de l'extrême
99
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YANNIC MANCEL : J’aimerais pour cet entre­tien que nous procé­dions en trois temps. D’abord que par un bref his­torique, le plus sub­jec­tif pos­si­ble, vous nous rap­peliez l’histoire de La Bel­lone, cette « Mai­son du Spec­ta­cle, La Bel­lone », située, je le rap­pelle, au 46, rue de Flan­dre à Brux­elles. Je souhait­erais ensuite que vous nous résum­iez en quelques mots ce qui, dans votre his­toire intel­lectuelle et artis­tique per­son­nelle, vous a amené à pos­er votre can­di­da­ture à ce poste et à être nom­mé directeur de ce lieu. Je voudrais enfin que le troisième temps de notre con­ver­sa­tion soit con­sacré à votre pro­jet, ses objec­tifs, ses enjeux, en dis­tin­guant peut-être ce qui a déjà été amor­cé après un an d’activité et ce qui reste à réalis­er ou à dévelop­per. Mais com­mençons par le com­mence­ment : com­ment perce­viez-vous La Bel­lone et son imposante his­toire avant d’y être nom­mé ?

Antoine Pick­els : En 1980, un scéno­graphe, égale­ment artiste-pein­tre, Serge Creuz, prend l’initiative de fonder cette Mai­son du Spec­ta­cle dans un lieu très par­ti­c­uli­er, une mai­son patrici­enne en fond de rue, édi­fiée à la charnière des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siè­cles, avec une mag­nifique façade baroque, sem­blable aux murs de scène des théâtres à l’antique ou à l’italienne, qui pos­sède donc par ses reliefs et son dessin une sorte de théâ­tral­ité inhérente ou naturelle. Il s’agit donc d’abord d’un pro­jet d’artistes, et non d’un pro­jet d’administrateur ou d’intendant : la pré­ci­sion a son impor­tance. Ensuite, ce pro­jet a évolué avec la pen­sée de son fon­da­teur selon des étapes dif­férentes : dans un pre­mier temps, l’idée était d’en faire prin­ci­pale­ment un musée des arts de la scène, ryth­mé par des expo­si­tions tem­po­raires, dont la dom­i­nante pre­mière était évidem­ment scéno­graphique puisque telle était la com­pé­tence pre­mière de Serge Creuz. Mais ce qui m’émeut encore aujourd’hui dans son pro­jet, c’est l’idée ini­tiale de créer une mai­son qui rassem­ble tous les arts et tous les artistes du spec­ta­cle : un point de ren­dez-vous, un cen­tre de réu­nion, un lieu de vis­i­bil­ité aus­si, de tous ceux qui par­ticipent à la créa­tion du spec­ta­cle : l’auteur, le met­teur en scène, le régis­seur, le maquilleur de plateau… ce qui tradui­sait un respect, une recon­nais­sance et une atten­tion pour tout ce et ceux qui par­ticipent à la créa­tion, tous les métiers, y com­pris ceux qu’on appelle les petits métiers. Je retrou­ve dans ce pro­jet ini­tial l’élément prin­ci­pal qui m’a fait m’orienter vers le théâtre, à savoir le goût du col­lec­tif. C’est un art que, même quand on est per­former en solo, on ne peut pas faire tout seul : le théâtre se définit par la néces­sité de l’autre, du col­lec­tif, du tal­ent con­jugué de plusieurs per­son­nes, et cela, Serge Creuz l’avait non seule­ment com­pris, mais il l’avait inscrit dans le pro­jet même de sa Mai­son du Spec­ta­cle.

Y.M. : Com­ment cela se man­i­fes­tait-il con­crète­ment dans les activ­ités de La Bel­lone ?

A.P. : Prin­ci­pale­ment dans l’importance accordée à la lumière et aux éclairag­istes, dont l’art était encore un peu nég­ligé dans les années qua­tre-vingt, mais aus­si dans l’intérêt renou­velé pour les masques, les mar­i­on­nettes, les auto­mates, la danse, la musique, les affich­es… Bref, tous les métiers de la scène étaient tour à tour mis en évi­dence par des expo­si­tions, des pub­li­ca­tions, des cycles de con­férences et de ren­con­tres… En prenant de l’ampleur, le pro­jet a évolué archi­tec­turale­ment aus­si : ce qui était au départ con­cen­tré dans cette mai­son en arrière-cour s’est éten­du aux bâti­ments adja­cents bor­dant deux des trois autres côtés de la cour, puis est venue l’idée que je trou­ve pour ma part auda­cieuse et géniale de cou­vrir la cour d’un toit de verre afin d’en faire une « place publique » cou­verte, comme une sorte de halle, d’agora ou de forum, à l’abri des intem­péries, tout en restant ouvert à la lumière naturelle et au ciel. Voilà ce qui m’intéresse pas­sion­né­ment : être à la tête non pas d’un théâtre, d’un musée ou d’un cen­tre d’archives mais d’une place publique ! Par­al­lèle­ment, quelques pôles asso­ci­at­ifs se sont suc­ces­sive­ment gref­fés sur ce nou­veau com­plexe et autour de cette cour : une bib­lio­thèque des arts du spec­ta­cle, un cen­tre d’information et de doc­u­men­ta­tion sur la danse, une bib­lio­thèque con­sacrée aux com­pag­nies dra­ma­tiques ama­teurs… France Cul­ture, les Brigit­tines, le CIFAS (Cen­tre Inter­na­tion­al de For­ma­tion en Arts du Spec­ta­cle), Tem­po­ralia, qui allait don­ner nais­sance au Cen­tre des Écri­t­ures Dra­ma­tiques, y ont été tem­po­raire­ment hébergés. Le Réseau des Arts à Brux­elles y réside encore… De nom­breuses aven­tures sont nées ici et y ont gran­di avant d’aller se dévelop­per ailleurs dans une plus grande autonomie. J’aime beau­coup cette tra­di­tion d’accueil, d’hospitalité, cette idée d’aider à naître et à grandir, cette idée de fédér­er des aven­tures nais­santes sans les infléchir ni les con­train­dre. À la mort de Serge Creuz en 1996, son adjointe et com­pagne, Anne Moli­tor, a repris le flam­beau, en codi­rec­tion avec Monique Duren, qui venait du ser­vice cul­ture de la Ville de Brux­elles et qui dirige aujourd’hui Les Brigit­tines. À leur côté, Pietro Piz­zu­ti a redy­namisé l’action qu’il avait déjà aupar­a­vant engagée dans cette mai­son, dans un con­texte général fébrile où se réu­nis­saient les États Généraux du Jeune Théâtre et se dessi­nait déjà la pré­pa­ra­tion de Brux­elles 2000, cap­i­tale européenne de la cul­ture. Le lieu est alors devenu un espace de dia­logue intense et vif entre des éner­gies artis­tiques, cul­turelles et insti­tu­tion­nelles par­fois antag­o­nistes. Et c’est aus­si dans cette dynamique, en 1998, sous la direc­tion d’Anne Moli­tor, qu’a été créée la revue Scènes, en écho écrit à tous ces débats tumultueux, un mag­a­zine qui don­nait la parole aux artistes plus qu’aux com­men­ta­teurs. On mesure ain­si com­bi­en l’outil s’est pro­gres­sive­ment per­fec­tion­né : il s’est aujourd’hui doté d’un café et d’un comp­toir d’accueil qui assurent une tran­si­tion plus con­viviale entre la rue et la cour. Ce sont des petits détails pra­tiques apparem­ment anec­do­tiques mais qui con­tribuent à l’animation et à l’esprit du lieu. Reste la ques­tion de la vis­i­bil­ité repérable sur la rue, qui demeure un vrai prob­lème, heureuse­ment en cours de réso­lu­tion.

Y.M. : Et com­bi­en d’employés pour faire fonc­tion­ner tout cela ?

A.P. : La Mai­son compte actuelle­ment dix-neuf salariés, la plu­part à temps par­tiel et beau­coup sur des emplois aidés, dont on pour­rait déclin­er les fonc­tions ain­si : une équipe direc­tion qui conçoit, organ­ise et réalise les divers­es man­i­fes­ta­tions et des secteurs qui se sub­di­visent en recherche, infor­ma­tion, doc­u­men­ta­tion, ges­tion, inten­dance, accueil et entre­tien… Peu de monde au total, si on con­ver­tit tous ces temps par­tiels en temps pleins je ne sur­prendrai per­son­ne en affir­mant qu’en pro­por­tion du foi­son­nement de ses activ­ités, la Mai­son est sous-sub­ven­tion­née. Tous sont au ser­vice de ces trois mis­sions car­di­nales que je résumerai ain­si : une vit­rine des arts de la scène, avec une atten­tion par­ti­c­ulière accordée à ce qui se passe en Wal­lonie et à Brux­elles ; un forum où se dis­pute la chose publique en matière de spec­ta­cles ; et enfin, un lieu de mémoire vivante du spec­ta­cle vivant.

Y.M. : Le moment est venu, me sem­ble-t-il, de nous dire com­ment, ici et main­tenant, votre his­toire per­son­nelle croise l’histoire de ce lieu de vie artis­tique, de débats et de mémoire, avec pré­cisé­ment les mis­sions qu’il s’est pro­gres­sive­ment con­stru­ites. Autrement dit, d’où venez-vous et qui êtes-vous, Antoine Pick­els ?

A.P. : Si l’on remonte à mes années de for­ma­tion, dis­ons qu’en ter­mes d’enseignement supérieur elles furent très brèves : j’ai quit­té l’INSAS, où j’étais entré en sec­tion mise en scène, au bout d’un mois et demi ! J’étais déjà trop dans le méti­er pour m’intéresser de façon con­cen­trée à un enseigne­ment théorique ini­tial. J’avais com­mencé à dix-sept ans comme artiste-per­former et met­teur en scène de théâtre expéri­men­tal, for­mé sur le tas par des héri­tiers de l’avant-garde améri­caine, ceux qui à l’époque ani­maient les soirées du Plan K, eux-mêmes dis­ci­ples et anciens col­lab­o­ra­teurs de Robert Wil­son, Lucin­da Childs, Lau­rie Ander­son, etc. Par­al­lèle­ment, j’étais aus­si plas­ti­cien, pein­tre et instal­la­teur. Quant aux métiers du théâtre, je les ai presque tous pra­tiqués : pein­tre de décors au Théâtre des Galeries, éclairag­iste, pro­duc­teur, dif­fuseur, vidéaste… J’ai même accom­pa­g­né un groupe de rock expéri­men­tal améri­cain, Tuxe­do­moon, qui avait pen­dant quelques années posé ses valis­es à Brux­elles. J’ai été aus­si pen­dant un temps respon­s­able d’éditions à l’ULB auprès de Jacques Sojch­er : pour moi qui n’avais pas fait d’études supérieures, ou si peu, c’était une chance et un bon­heur de côtoy­er les grands soci­o­logues ou philosophes à qui nous com­man­dions des textes. Je me sou­viens avec émo­tion du vol­ume Bel­gique tou­jours grande et belle en 1998, un chant du cygne de la Bel­gique enton­né par cent vingt-sept auteurs tous plus pas­sion­nants les uns que les autres…

Y.M. : Com­ment, au terme de cet itinéraire très éclec­tique et un peu désor­don­né, êtes-vous revenu au théâtre ?

A.P. : C’est la crise du sida qui m’a ramené au poli­tique, et donc au théâtre : j’ai eu envie d’écrire des pièces et de mon­ter des spec­ta­cles qui trait­ent de ce sujet sous un angle un peu alter­natif, avec une inter­ro­ga­tion sur le point de vue…

Y.M. : Il y a eu aus­si cette col­lab­o­ra­tion avec Vir­ginie Jon­ay, je pense notam­ment à Brux­elles, ville d’Afrique, qui por­tait un regard nou­veau et très doc­u­men­té sur l’identité colo­niale belge à tra­vers le rap­port de la Bel­gique à l’Afrique cen­trale.

A.P. : C’est vrai, et je n’ai plus jamais aban­don­né depuis ce rap­port à l’écriture, puisque je reviens depuis peu d’une rési­dence à la Char­treuse de Vil­leneuve-lès-Avi­gnon, où j’ai retra­vail­lé une de mes pièces, et j’ai con­tin­ué mon activ­ité de tra­duc­teur d’auteurs bri­tan­niques, voire d’auteurs indi­ens de langue anglaise…

Y.M. : À une cer­taine époque, dis­ons autour des années 2000, je vous ai égale­ment con­nu comme con­seiller artis­tique et con­cep­teur d’événements sou­vent entourés d’un cer­tain pres­tige…

A.P. : Oui, c’est un aspect de la vie artis­tique et cul­turelle qui m’a tou­jours attiré. Au lycée déjà, j’aimais con­cevoir et organ­is­er des man­i­fes­ta­tions inhab­ituelles. Mais cette atti­rance a surtout pris un sens en 2004 quand j’ai été coop­té par Annick de Ville aux Halles de Schaer­beek en tant que coor­don­na­teur artis­tique et respon­s­able de la pro­gram­ma­tion artis­tique. Nous y avons inven­té des événe­ments qui con­tin­u­ent d’exister et invité des artistes majeurs encore peu con­nus, pour la pre­mière fois pro­gram­més en Bel­gique : Joël Pom­mer­at, Steven Cohen et Christophe Huys­man pour ne citer qu’eux. Là se situe pour moi le tour­nant, mais ce qui m’a le plus rap­proché de La Bel­lone, c’est un numéro de Scènes qu’on m’a demandé de pren­dre en charge avec Gui­do Minne, con­sacré à l’étude du paysage des arts du spec­ta­cle à Brux­elles, devenu à notre grande sur­prise « pub­li­ca­tion de référence » et aujourd’hui épuisée.

Y. M. : Arrivent donc le départ annon­cé d’Anne Moli­tor et votre acte de can­di­da­ture, par­mi de nom­breux con­cur­rents. Au-delà de cette per­son­nal­ité mul­ti­ple et hyper­ac­tive que vous venez de nous laiss­er entrevoir, que con­te­nait donc votre pro­jet de très spé­ci­fique pour que vous l’emportiez sur tous les autres ?

A. P. : Je crois savoir que ce qui a séduit le jury dans mon pro­jet, c’est qu’il était résol­u­ment con­tem­po­rain. Pour la présen­ta­tion des grands axes, je suis repar­ti des trois mis­sions, en ten­tant de les pré­cis­er. Par exem­ple, avec l’idée de « vit­rine », se pro­fi­lent le dan­ger du fourre-tout illis­i­ble, du trop-plein, de l’absence de choix, et celui d’une trop forte insti­tu­tion­nal­i­sa­tion référen­tielle, voire de la fos­sil­i­sa­tion de cer­tains secteurs d’activité exposés. Comme je l’ai déjà dit ailleurs, dans une vit­rine, on n’expose pas tout le mag­a­sin… Con­scient de ce risque, j’ai préféré adopter une démarche et une pen­sée plus sélec­tives, dans l’idée de met­tre en valeur les expéri­ences les plus dynamiques et les plus nova­tri­ces, afin d’éviter toute ten­ta­tion boulim­ique et exhaus­tive d’unanimité ou de con­sen­sus. Si, en tant qu’outil d’information, la Mai­son du Spec­ta­cle doit rester un lieu de ressources ouvert à tous les acteurs comme à tous les spec­ta­teurs du spec­ta­cle vivant, en ter­mes de vis­i­bil­ité, en revanche, il est impératif d’opérer des choix, et je pense pour ma part qu’ils doivent se faire au béné­fice de ce qui bouge le plus et de ce qui est le plus nova­teur, bref, tout ce qui fait avancer la créa­tion dans les arts de la scène au sens le plus large : le théâtre et la danse dans toutes leurs formes, les arts du cirque, la per­for­mance, l’opéra et toutes les formes de théâtre musi­cal… c’est-à-dire tous les arts scéniques impli­quant la présence d’un être vivant qui, face à des spec­ta­teurs, emploie son corps et sa voix comme out­ils pre­miers.
Pour ce qui con­cerne la mis­sion forum, j’ai voulu rompre avec une ten­ta­tion des artistes belges qui ne se réu­nis­sent le plus sou­vent que pour par­ler droit(s), économie, sub­ven­tions et poli­tique politi­ci­enne. Ces ques­tions sont certes légitimes, et il faut les pos­er et en débat­tre, surtout quand il y a urgence, mais elles demeurent sou­vent très tech­niques, très cor­po­ra­tives ; elles ne con­cer­nent que très indi­recte­ment le spec­ta­teur et lui restent dif­fi­ciles d’accès. Nous souf­frons tous, en revanche, d’un grand manque : celui d’un espace de réflex­ion esthé­tique, poé­tique et poli­tique, mais cette fois au sens artis­tique et philosophique du terme. Il y a pour moi urgence aujourd’hui à se pos­er de nou­veau des ques­tions artis­tiques sim­ples : que faisons-nous, com­ment le faisons-nous, pourquoi le faisons-nous ? Et com­ment partager toutes ces ques­tions avec nos publics, nos spec­ta­teurs ? Les artistes ont beau­coup à dire, beau­coup à com­mu­ni­quer et à trans­met­tre. Je voudrais les encour­ager à théoris­er, à nom­mer leurs pra­tiques, à les décrire, bref à se dés­in­hiber par rap­port à une pos­ture de latence voire de mutisme dans laque­lle on les a trop longtemps can­ton­nés.
Enfin, pour cette troisième mis­sion qui porte sur la mémoire vivante, aus­si para­dox­al que cela puisse paraître, tout com­mence avec la mémoire de l’actualité, celle du passé immé­di­at qui nour­rit encore le présent et qui déjà con­stru­it de la mémoire pour demain. Je n’ai aucune com­pé­tence en archivage ni en muséolo­gie, et ce n’est pas la voca­tion de ce cen­tre de ressources. Il s’agit avant tout seule­ment pour nous de mémoris­er le passé récent et l’actualité, d’être prêts à enreg­istr­er les traces d’aujourd’hui qui servi­ront aux évo­lu­tions du futur.

Y. M. : Vous sem­blez heureux de la façon dont, après un an d’activité, ce pro­gramme s’est enclenché et déjà par­tielle­ment réal­isé. Pou­vez-vous en citer quelques aspects con­crets ?

A. P. : Tout ou presque fonc­tionne par cycles. L’un d’entre eux s’appelle Cham­bre d’écho et pro­longe par la réflex­ion cer­tains des événe­ments qui se passent sur nos scènes brux­el­lois­es : c’est Joël Pom­mer­at pro­gram­mé au Théâtre Nation­al ; c’est Mal­go­rza­ta Szczes­ni­ak, la scéno­graphe de Krzysztof War­likows­ki, qui fait une créa­tion à la Mon­naie et autour de laque­lle nous pro­duisons une expo­si­tion et un livre ; c’est Oriza Hira­ta, créé dans trois théâtres dif­férents et autour duquel nous organ­isons deux journées de ren­con­tres et dont nous faisons écho dans nos pub­li­ca­tions… Un autre cycle, plus ludique, porte le titre de soirées Com­pos­ites, au cours desquelles sont pro­gram­mées de petites formes à durée et à bud­get réduits qui s’échelonnent de 19 heures à minu­it, entre­coupées de paus­es pen­dant lesquelles on échange des réac­tions, et qui sont aus­si pour le spec­ta­teur l’occasion d’un voy­age dans tous les lieux, y com­pris les plus inat­ten­dus, de La Bel­lone. Dans un con­texte où même les ébauch­es, esquiss­es et maque­ttes de toutes sortes sont dev­enues très encadrées, presque for­matées, nos Com­pos­ites demeurent un véri­ta­ble espace de risque et de lib­erté où les artistes ont le droit, je le revendique et je l’assume, à l’échec et à l’erreur, sans qu’une épée de Damo­clès soit sus­pendue au-dessus de leur tête.

Y. M. : Le pub­lic qui assiste à ces soirées Com­pos­ites est-il disponible à une telle bien­veil­lance ?
A. P. : Très éton­nam­ment, oui. Et ce qui est encore plus éton­nant, c’est que cette bien­veil­lance n’a rien de com­plaisant : elle n’annihile en aucune façon une lib­erté cri­tique exigeante et acerbe. Je pré­cise que ces soirées sont des soirées antithé­ma­tiques, au rebours des con­traintes et des rit­uels ambiants, mais que cette absence de con­traintes, para­doxale­ment, donne aux artistes un point d’appui dont nous n’avions pas idée au départ. Un autre cycle ini­tié cette année s’appelle Ques­tions au spec­ta­cle con­tem­po­rain : une table ronde réu­nit à chaque ren­con­tre des artistes divers qui ten­tent de dress­er une sorte d’état des lieux des esthé­tiques, du rap­port de l’art et de la poli­tique, des ten­sions et des engage­ments qu’on peut inve­stir dans un tra­vail scénique. On y a con­fron­té des gens aus­si dif­férents que Johanne Leighton, Frédéric Dussenne, Char­lie Degotte, le groupe Toc, Tran­squin­quen­nal… Toutes ces tables ron­des sont retran­scrites et disponibles en ligne sur le site. On y répond à des ques­tions aus­si divers­es et con­crètes que : « Qu’est-ce que l’artifice aujourd’hui en art ? », « Qu’est-ce que la beauté ? »… Olivi­er Hes­pel, jour­nal­iste et dra­maturge, pré­pare et ani­me ces tables ron­des. Les prochains chantiers porteront sur le rap­port de l’art au réel, sur la ques­tion de la langue ou de son absence, et aus­si sur la dialec­tique de l’incarnation et de la dis­tan­ci­a­tion, autant de ques­tions sur lesquelles on peut mesur­er les dif­férences d’approche en Flan­dre, en Bel­gique fran­coph­o­ne et en France. Sur ce pro­jet, comme sur d’autres, nous tra­vaillerons en col­lab­o­ra­tion avec le Vlaamse The­ater Insti­tu­ut, qui nous fera notam­ment béné­fici­er de l’avancée de son tra­vail d’analyse et de réflex­ion sur les artistes issus de l’immigration.

Y. M. : De quelle durée est votre man­dat ?

A. P. : Qua­tre ans.

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Écrit par Yannic Mancel
Après l’avoir été au Théâtre Nation­al de Stras­bourg puis au Théâtre Nation­al de Bel­gique, Yan­nic Man­cel est depuis...Plus d'info
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19 Nov 2008 — Bernard Debroux : Le Théâtre National de Bretagne (Rennes) occupe une place assez singulière dans le paysage du théâtre en…

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Par Bernard Debroux
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