LUKASZ DREWNIAK : THÉORÈME de Pier Paolo Pasolini est le quatrième scénario de film que tu montes au théâtre, après PERSONA de Bergman que tu as monté au Conservatoire, FESTEN au théâtre TR Warszawa, UN LION EN HIVER d’Anthony Harvey au Burgtheater à Vienne. Peut-on supposer que le cinéma dès tes débuts a eu une grande influence sur ta manière de penser le théâtre ?
Quels sont les films qui t’ont marqué ?
Grzegorz Jarzyna : Au milieu des années quatre-vingt, mon père a ramené de l’étranger un magnétoscope « Hitachi ». Nous avons aussi acheté une télé en couleur « Electron » et une nouvelle époque a commencé. Le premier film que j’ai enregistré à la télévision, c’est LE PROCÈS d’Orson Welles d’après Kafka. Je le regardais en boucle. Un film en noir et blanc sur une télé en couleur !
À l’époque, je ne connaissais pas encore le cinéma d’Orson Welles : J’ai enregistré cè film car j’avais lu dans le journal que c’était un chef d’œuvre. Dans mon exploration de l’art, du cinéma, de la musique ou de la peinture, je commence toujours par les grandes œuvres, par les classiques. Si une œuvre est considérée comme une œuvre majeure, je veux savoir pourquoi, en quoi consiste son importance et sa grandeur. Le deuxième film que j’ai enregistré, et qui m’a bouleversé et ému, c’était L’HEURE DU LOUP d’Ingmar Bergman.
C’est par ces deux titres que j’ai commencé à constituer ma cinémathèque personnelle.
L. D.: Pourquoi as-tu regardé ces films en boucle ? Pour comprendre leurs problématiques, les symboles ou pour mieux comprendre comment ils ont été faits ?
G. J.: LE PROCÈS m’a fasciné par son côté visuel. On assiste à des scènes inoubliables et insolites : dans la cathédrale, au tribunal… L’image où Romy Schneider ouvre la paume de sa main et l’on voit apparaître une fine membrane entre ses doigts. C’est un film très pictural. En tant que spectateur, je reçois une œuvre cinématographique dans son intégralité.
Ce n’est qu’après que je regarde de plus près comment il a été conçu et réalisé.
G. J.: Des caisses remplies de films attendent le bon moment pour être regardés. Je m’y plonge quand j’en ai vraiment et intimement besoin.
Quand j’aborde une œuvre, je me comporte un peu comme un collectionneur. Dès que je m’y mets, j’essaye toujours de connaître toute l’œuvre d’un artiste. Durant mes études à Cracovie, je fréquentais des cinémas d’art et essai. C’est comme ça que j’ai connu tout Pasolini, que je suis devenu fou de Bergman et que je me suis enivré d’Herzog.
L. D.: Tu en parles comme si tu étais dépendant ! Le cinéma pour toi est comme une drogue ?
G. J.: Si on connaît bien toute l’œuvre d’un réalisateur, chaque nouveau film devient une merveilleuse aventure qui donne beaucoup de plaisir esthétique. Car je comprends pourquoi il est fait de cette façon, je comprends les ellipses, je reconnais parfaitement son style. Je deviens un vrai partenaire pour le réalisateur. C’est comme ça que j’apprends son langage mais aussi le langage du cinéma et le sens d’un langage tout court.
L. D.: Tu prenais beaucoup de photos guand tu étais jeune ?