Des artistes aux univers personnels et inventifs
Théâtre

Des artistes aux univers personnels et inventifs

Entretien avec Patrick Bonté réalisé par Bernard Debroux

Le 16 Juin 2010

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Couverture du numéro 105 - Théâtre-danse : la fusion ou rien !
105
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BERNARD DEBROUX : Le Fes­ti­val inter­na­tion­al des Brigit­tines a vingt-huit ans cette année. Tu y es asso­cié depuis quinze ans. Com­ment le Fes­ti­val a‑t-il évolué au cours du temps ? Quel est son par­cours, ses lignes de force ?

Patrick Bon­té : L’évo­lu­tion s’est faite par étapes. En 1982, lors de la pre­mière édi­tion, le Fes­ti­val repre­nait cinq moments forts de la sai­son théâ­trale brux­el­loise.
Les spec­ta­cles avaient lieu chaque ven­dre­di soir du mois d’août. On pou­vait écouter un con­teur aus­si bien que décou­vrir le pre­mier spec­ta­cle d’An­na Tere­sa de Keers­maek­er, FASE. Une pro­gram­ma­tion d’été, très ouverte. Ini­tiée par la Ville de Brux­elles et soutenue à bras le corps par Monique Duren, respon­s­able cul­turelle à la Ville, qui en a assuré la péren­nité. Les spec­ta­cles étaient présen­tés en plein air, dans la cour de la Mai­son Spec­ta­cle (la Bel­lone).
En 1988, deux­ième étape, durant les travaux de toi­ture (mise sous verre de la cour de la Bel­lone), le sti­val a démé­nagé vers les Brigit­tines. Cela a changé aucoup de choses. Le lieu per­me­t­tait de présen­ter des cta­cles beau­coup plus com­plex­es sur le plan tech­nique. qu’en 1994, le Fes­ti­val a con­tin­ué à présen­ter des cta­cles remar­qués dans la sai­son tout en invi­tant des cta­cles étrangers. La tonal­ité était pluridis­ci­plinaire : âtre, danse, musique. Il y avait du jazz, des soirées musique con­tem­po­raine.
À par­tir de 1995, le Fes­ti­val est devenu thé­ma­tique. pre­mière édi­tion de ce genre, « Nou­velles céré­monies, risions nou­velles », était une inter­ro­ga­tion sur le rit­uel théâtre et sur la façon dont il est reviv­i­fié aujour­d’hui détourné de sa fonc­tion ou de son objet par des alages ironiques.
En 1998, la musique a dis­paru de la pro­gram­ma­tion ur des raisons de cohérence, d’u­nité. Depuis lors, démarche n’a plus changé : un fes­ti­val inter­na­tion­al tré sur les formes con­tem­po­raines, les lan­gages gin­aux, les univers inso­lites.

B.D. : Il y eut aus­si plus récem­ment la trans­for-tion du bâti­ment qui a per­mis de créer un véri­ta­ble lieu de spec­ta­cles, d’ate­liers et de ren­con­tre…

P. B. : La Chapelle des Brigit­tines a été trans­for­mée fil des années en une salle de théâtre
extrême­ment per­for­mante. Mais nous n’avions pas de loges (situéess un autre bâti­ment); tout ce qui était tech­nique était entre­posé dans deux con­tain­ers à côté de la Chapelle. dmin­is­tra­tion était à la Bel­lone. Il man­quait du fort le plus élé­men­taire …
Sous l’im­pul­sion de l’échevin des Beaux-Arts Mar­i­on maire, puis d’Hen­ri Simons qui lui a suc­cédé et bien aus­si de Monique Duren, le pro­jet de con­struc­tion d’un sec­ond bâti­ment attenant a pris forme. La réal­i­sa­tion un jumeau en verre et en aci­er, accolé à la Chapelle : il per­met l’ac­cueil du pub­lic, dis­pose de loges, de locaux tech­niques et admin­is­trat­ifs et surtout offre de nou­veaux espaces : une salle et un grand stu­dio… Autant dans la Chapelle, le monde extérieur est tou­jours présent, on entend les ambu­lances, le pas­sage des trains et les cloches de l’église d’à côté, autant dans la salle Mez­zo règne un silence absolu. Cette salle per­met d’ac­cueil­lir cent per­son­nes, alors qu’on peut recevoir cent qua­tre-vingts spec­ta­teurs dans la Chapelle. Le stu­dio est ouvert sur la ville par de grandes baies vit­rées, c’est essen­tiel-lement un lieu de tra­vail mais qu’on peut occul­ter si néces­saire. Le Fes­ti­val se déroule dans ces trois lieux.

P. B. : Je ne cherche évidem­ment pas à pro­jeter mes pro­pres visions ou mes obses­sions dans les spec­ta­cles que j’in­vite. En revanche, je ne peux m’empêcher d’être sen­si­ble à des préoc­cu­pa­tions qui sont les miennes en tant que créa­teur : l’in­ter­ro­ga­tion sur la présence en scène, les manières de détourn­er le cliché et la psy­cholo­gie, le tra­vail sur le lan­gage scénique et sur la struc­tura­tion du spec­ta­cle …

B.D. : À par­tir de 1995, il y a donc des fes­ti­vals à thème1. Cette option est sans doute liée à ta per­son­nal­ité et au fait que tu es toi-même un créa­teur. C’est une dif­férence par rap­port à bon nom­bre de fes­ti­vals qui sont aujour­d’hui dirigés par des per­son­nal­ités où on sent que prime par­fois l’aspect « man­agér­i­al ». Le fait qu’i­ci le directeur soit un artiste influ­ence le choix de la pro­gram­ma­tion, la manière de l’en­vis­ager, de la con­stru­ire, et en même temps le regard porté sur le tra­vail des autres, étant toi même met­teur en scène, écrivain et « dra­maturge ». Com­ment vis-tu cela ?

B.D. : …ce qu’on appelle aujour­d’hui les écri­t­ures de plateau.

P. B. : Oui, exacte­ment, mais ce qui m’in­téresse en pri­or­ité, ce sont les univers per­son­nels et inven­tifs, les démarch­es orig­i­nales. Plus l’artiste plonge dans sa sin­gu­lar­ité, plus le tra­vail sur la struc­ture et le lan­gage est essen­tiel dans la mesure où c’est cela qui va ren­dre son univers partage­able et lui assur­er une sorte d’u­ni­ver­sal­ité. L’art est le lieu du sin­guli­er qui s’adresse à tous, je le crois vrai­ment, et j’ai même la sen­sa­tion — c’est le pari que fait le Fes­ti­val — que plus c’est sin­guli­er, plus c’est uni­versel, à con­di­tion que ce tra­vail soit accom­pli. Ce qui est en jeu, c’est d’abord et tou­jours la créa­tion d’une forme, l’ex­plo­ration ou la for­mu­la­tion d’un monde qui s’in­spire du réel mais qui crée des règles autonomes qui font que l’œu­vre existe en tant que telle : cela ne ressem­ble à rien d’autre et, en même temps, nous pou­vons y entr­er et nous y recon­naître comme si nous en avions tou­jours fait par­tie.

Char­lotte Van­den Eyn­de dans LIJSTOF de Char­lotte Van­den Eyn­de et Ugo Dehaes,
Fes­ti­val inter­na­tion­al des Brigit­tines, 2004.
Pho­togramme Michel Jakar

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Théâtre
Entretien
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Bernard Debroux
Écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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Par Marie Baudet
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