Au théâtre l’espace est une présence
Entretien

Au théâtre l’espace est une présence

Entretien avec Mateusz Kościukiewicz

Le 18 Oct 2011
Mateusz Kościukiewicz dans La Fin d'après Franz Kafka, Bernard-Marie Koltès, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2010. Photo Magda Hueckel.
Mateusz Kościukiewicz dans La Fin d'après Franz Kafka, Bernard-Marie Koltès, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2010. Photo Magda Hueckel.
Mateusz Kościukiewicz dans La Fin d'après Franz Kafka, Bernard-Marie Koltès, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2010. Photo Magda Hueckel.
Mateusz Kościukiewicz dans La Fin d'après Franz Kafka, Bernard-Marie Koltès, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2010. Photo Magda Hueckel.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 110-111 - Krzysztof Warlikowski - Fuir le théâtre
110 – 111
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Alic­ja Szu­mańs­ka : Qu’est-ce qui énerve chez War­likows­ki ?

Mateusz Koś­ciukiewicz : Quelque chose de para­dox­al. Il donne aux acteurs l’im­pres­sion que l’amour émane de lui. Il nour­rit un amour artis­tique envers ses acteurs, mais tu trou­veras là la réponse à la ques­tion « pourquoi les troupes sont aus­si fermée?s ». À l’in­térieur règne une rela­tion intime inhab­ituelle, liée à une énorme con­fi­ance qui, comme tou­jours entre les gens, naît lente­ment. Il faut du temps pour la con­stru­ire, elle n’ar­rive pas tout de suite. Son grand amour envers les acteurs s’al­lie à une grande patience et en même temps à l’impatience. Il voudrait avoir tout, tout de suite. L’ac­teur devraït pou­voir lui don­ner immé­di­ate­ment ce qu’il veut. Ce met­teur en scène mène une bataille intérieure : « c’est un acteur, il peut me don­ner ce qu’il faut, et ilpour­rait lefaire tout de suite, mais il ne le sait pas lui-même. Mon acteur ne le sait pas encore et moi je le désire telle­ment, je voudrais qu’il le sache et qu’il le fasse, mais il ne peut pas ! » Et sur­git le prob­lème, pas le mien, mais le sien. Mais j’aime la façon dont Krzysztof te précède en pen­sée de quelques min­utes. J’aime et en même temps je n’aime pas.

A.S.: Par exem­ple ?

M.K.: Par exem­ple, une sit­u­a­tion col­lec­tive d’im­puis­sance lors des répéti­tions. Une sit­u­a­tion stupé­fi­ante, mag­nifique. Ce fut pour moi un moment décisif dans mon tra­vail dans ce théâtre. Les acteurs dans notre troupe sont con­scients de l’at­mo­sphère col­lec­tive, de la forme com­mune. Ils acquièrent la con­science sur­prenante qu’ils sont ensem­ble et qu’ils créent quelque chose ensem­ble. Cela arrive rarement dans les troupes théâ­trales que j’ai vues, quoique je n’en ai vues que quelques-unes, donc je ne sais pas trop. Je ne par­le que de ce que j’ai moi-même éprou­vé. Dans notre troupe, il y a une cer­taine respon­s­abil­ité de la vie com­mune, non sec­taire, mais con­cer­nant le com­porte­ment sur scène durant le spec­ta­cle, les répéti­tions, les tournées. Et au cours d’une des répéti­tions l’un après l’autre, cha­cun des acteurs a suc­com­bé à une totale impuis­sance. Voulant nous aider, Krzysztof s’est ter­ri­ble­ment énervé et a inter­prété chaque rôle, l’un après l’autre, d’un seul élan, d’une manière à chaque fois très indi­vidu­elle, soigneuse­ment, et agres­sive­ment. Nous étions debout sur la scène, et lui au milieu jouait les rôles, l’un après l’autre, avec une stupé­fi­ante énergie. C’est un homme à la force peu com­mune.

A.S.: Com­ment War­likows­ki stim­ule-t-il ?

M.K.: Nous par­lons beau­coup, nous faisons des brain storm­ing, nous recher­chons l’in­spi­ra­tion et des choses com­men­cent à émerg­er. Lorsque nous sommes sur scène, en plus du tra­vail physique assidu, nous résolvons des énigmes, nous faisons d’é­tranges voy­ages. Tout à coup, tu prends con­science d’être un des élé­ments de quelque chose de vivant et que, ce qui est vivant, ce spec­ta­cle, a son âme, ses émo­tions, sa vie. Et toi, tu es un organe qui par­ticipe, qui se trans­forme, qui grandit. Il faut cul­tiv­er cela et en pren­dre soin.

Traduit par Marie-Thérèse Vido-Rzewus­ka.

Ce texte a été pub­lié en polon­ais dans la revue Notat­nik Teatral­ny.

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Écrit par Alicja Szumarńska
Alic­ja Szu­marńs­ka est cri­tique de théâtre à Dzi­en­nik Teatral­ny Wro­claw et Notat­ni­ka Teatral­ny. Elle a tra­vaillé également pour...Plus d'info
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