L’acteur émigré
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L’acteur émigré

Entretien avec Andrzej Chyra

Le 20 Oct 2011
Andrzei Chyra dans (A)pollonia d'après Euripide, Eschyle, Hanna Krall, Jonathan Littel, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2009. Photo Stefan Okotowicz.
Andrzei Chyra dans (A)pollonia d'après Euripide, Eschyle, Hanna Krall, Jonathan Littel, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2009. Photo Stefan Okotowicz.
Andrzei Chyra dans (A)pollonia d'après Euripide, Eschyle, Hanna Krall, Jonathan Littel, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2009. Photo Stefan Okotowicz.
Andrzei Chyra dans (A)pollonia d'après Euripide, Eschyle, Hanna Krall, Jonathan Littel, J. M. Coetzee. Nowy Teatr, Varsovie, 2009. Photo Stefan Okotowicz.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 110-111 - Krzysztof Warlikowski - Fuir le théâtre
110 – 111
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Doro­ta Kowalkows­ka : Com­ment voyez-vous votre rôle dans le théâtre de Krzysztof War­likows­ki, quelle dimen­sion occupe l’e­space indi­vidu­el dans ce tra­vail col­lec­tif ?

Andrzej Chyra : Je ne me suis jamais posé la ques­tion aus­si directe­ment. Dis­ons, pour faire court, que l’in­di­vid­u­al­ité est très grande et qu’elle est exigée. Plus on s’im­pose dans ce monde organ­isé mieux c’est. La lib­erté est oblig­a­toire, elle seule donne un cer­tain espace. |faut réalis­er son his­toire, en dépit de la sit­u­a­tion et en dépit de soi-même, il faut se décider à une cer­taine matu­rité.

D.K.: Cette co-créa­tion m’in­téresse à plusieurs niveaux. Non seule­ment au niveau du rôle mais aus­si pour les prob­lèmes et les thèmes traités et les textes qui les accom­pa­g­nent.

A.C.: La ques­tion du prob­lème est essen­tielle, c’est elle qui décide de ce qui est vivant, de ce qui nous con­cerne. Au fond, je ne me sou­viens pas que nous ayons beau­coup par­lé du prob­lème ; c’est plus intu­itif, ou un tra­vail sur la com­préhen­sion générale des thèmes, sans for­mu­la­tion exces­sive. En réal­ité, ça se passe ain­si : il y a un texte, le prob­lème est briève­ment men­tion­né et nous ne revenons pas sur ces dis­cus­sions. Elles mûris­sent en nous, indi­vidu­elle­ment et col­lec­tive­ment, sur dif­férents plans. Cha­cun d’en­tre nous se bâtit une his­toire intérieure. J’en­tre forte­ment dedans, même si je n’ai pas grand-chose à y faire. Et, par la force des choses, j’y mets mon prob­lème per­son­nel et je le cul­tive. Cette ren­con­tre avec soi-même est l’élé­ment le plus pré­cieux. Plus l’e­space per­son­nel que tu apportes est impor­tant, plus riche en sera le spec­ta­cle, tout comme toi-même. Dans ce théâtre, la lib­erté est poten­tielle­ment illim­itée.

D.K.: Cela sug­gère que le tra­vail sur soi-même est illim­ité. À quel résul­tat cela doit-il con­duire ?

A.C.: Mais non, il est lim­ité, mais en tant qu’ac­teur, on peut être un instru­ment qui recrée quelque chose et ici la recréa­tion est une néces­sité. Si on ne peut rien faire d’autre, on peut recréer ce que Krzysztof pro­pose. Krzysztof est présent presque à cha­cun de ses spec­ta­cles et, à chaque fois, il y a des exer­ci­ces — sur soi-même, sur le texte, sur un prob­lème, ce n’est jamais fer­mé. Tout comme dans une revue de presse quo­ti­di­enne appa­rais­sent de nou­veaux sujets, les change­ments et les nou­veaux élé­ments se réac­tivent dans nos spec­ta­cles. Nous avons fait Les Bac­cha­ntes, puis a eu lieu l’at­taque sur le World Trade Cen­ter et ça a com­mencé à réson­ner : l’ar­rivée d’Ori­ent d’un méchant qui sème le désor­dre en Occi­dent. Cette forte con­no­ta­tion est venue de Bel­gique où nous présen­tions le spec­ta­cle. De même avec (A)pollonia, que nous avons joué après l’ac­ci­dent du 10 avril 2010. Le spec­ta­cle touche une large sphère. Peut-être est-ce moins vis­i­ble à l’ex­térieur que pour moi qui, intérieure­ment, vibre tou­jours. Je dois me per­me­t­tre un tel jeu avec ce qui se passe dans l’ac­tu­al­ité. Car le théâtre, même s’il est très abstrait, reste un art allusif, aus­si les con­no­ta­tions doivent-elles sur­gir. Ilfaut être sans cesse con­traint à cette activ­ité intérieure.

D.K.: Vos pro­pres com­pé­tences de met­teur en scène vous aident-elles à diriger cette activ­ité ?

A.C.: Je dois être, à chaque fois, mon pro­pre met­teur en scène. Je par­ticipe à quelque chose, j’é­coute quelqu’un, mais c’est vrai­ment moi qui prends la déci­sion et je dois m’y accou­tumer. Évidem­ment, ici, je ne suis qu’un élé­ment d’un organ­isme et je dois au final m’adapter ou me soumet­tre, mais de toute façon, à chaque fois, je me mets moi-même en scène. Je fais un dou­ble tra­vail — en ce sens je suis pes­simiste, car cette mise en scène per­son­nelle est indis­pens­able. Il y a des spec­ta­cles pour lesquels je sais que mon tra­vail de mise en scène et le tra­vail de mise en scène de Krzysztof sont inachevés. Je sens que nous ne sommes pas par­venus à une solu­tion sat­is­faisante. C’est pour moi le cas de (A)pollonia. Je ressens à chaque fois une cer­taine tem­pête et je dois lut­ter.

D.K.: Cette lutte porte essen­tielle­ment sur quoi ?

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Écrit par Dorota Kowalkowska
Doro­ta Kowalkows­ka est cri­tique de théâtre à la revue WAW et au quo­ti­di­en Metro. Elle écrit également dans...Plus d'info
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Krzysztof Warlikowski, Fuir le théâtre

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