Rendre possible l’impossible

Entretien
Théâtre

Rendre possible l’impossible

Entretien avec Laurence Villerot réalisé par Isabelle Dumont

Le 25 Nov 2012
Véronique Dumont dans TABLE DES MATIÈRES, écriture et mise en scène Martine Wijckaert. Photo Marie-Françoise Plissart.
Véronique Dumont dans TABLE DES MATIÈRES, écriture et mise en scène Martine Wijckaert. Photo Marie-Françoise Plissart.

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Véronique Dumont dans TABLE DES MATIÈRES, écriture et mise en scène Martine Wijckaert. Photo Marie-Françoise Plissart.
Véronique Dumont dans TABLE DES MATIÈRES, écriture et mise en scène Martine Wijckaert. Photo Marie-Françoise Plissart.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 115 - Martine Wijckaert - La Balse
115

ISABELLE DUMONT : Votre ren­con­tre avec Mar­tine Wijck­aert date de vos études à l’INSAS au début des années 1990 ?

Lau­rence Villerot : Oui, j’ai réal­isé la scéno­gra­phie de LA MÈRE de Witkiewicz, spec­ta­cle de fin d’étude des étu­di­ants en inter­pré­ta­tion dra­ma­tique, mis en scène par Mar­tine. Valérie Jung, la scéno­graphe de Mar­tine, est venue voir la présen­ta­tion de ce tra­vail et Mar­tine m’a pro­posé d’assister Valérie sur MADEMOISELLE JULIE de Strind­berg, qu’elle pré­parait pour la sai­son 93 – 94.

C’était une propo­si­tion for­mi­da­ble pour la jeune scéno­graphe débu­tante que j’étais, d’autant que j’avais été fort mar­quée par LES CHUTES DE NIAGARA que Mar­tine avait créé en 1991, un spec­ta­cle telle­ment atyp­ique, per­son­nel, et visuelle­ment très fort. Durant les années qui ont suivi, mes assis­tanats suc­ces­sifs avec Valérie Jung ou Michel Boer­mans m’ont per­mis de pro­gress­er et de devenir la scéno­graphe que je suis aujourd’hui.

I. D.: Vous avez assisté Valérie Jung et assuré la régie générale sur trois créa­tions de Mar­tine : MADEMOISELLE JULIE en 1993, NATURE MORTE en 1995, ET DE TOUTES MES TERRES d’après Shake­speare en 1998. Com­ment avez-vous vécu ces pre­mières col­lab­o­ra­tions ?

L. V.: Tra­vailler avec Mar­tine, c’est entr­er dans sa tête, dans son univers, et en ressor­tir pour ren­dre con­crètes ses visions intérieures déjà très élaborées, sou­vent irréal­istes et a pri­ori irréal­is­ables. C’est ren­dre l’impossible pos­si­ble. Et c’est ça qui est pas­sion­nant. Quand elle demande une aurore boréale sur scène, un pen­d­ule géant ou un cos­tume de jeune fille drag­on, on a envie de relever le défi ! On pour­rait croire que c’est frus­trant pour ses collaborateurs/trices de la voir arriv­er avec un syn­op­sis détail­lé, toutes sortes de dessins (Mar­tine des­sine très bien) ou de mon­tages d’images, pré­cisant l’univers scénique du spec­ta­cle, mais au con­traire, l’imaginaire de Mar­tine est telle­ment puis­sant et por­teur que c’est stim­u­lant de tra­vailler à par­tir de sa matière. Mal­gré ses idées très pré­cis­es et le gros tra­vail de pré­pa­ra­tion qu’elle fait, Mar­tine reste dans le dia­logue et on peut lui pro­pos­er des alter­na­tives.

Le tra­vail de réflex­ion sur le dis­posi­tif scénique est un échange entre Valérie et Mar­tine. Mon rôle d’assistante était plus tech­nique et pra­tique. Par mon évo­lu­tion per­son­nelle, au fil des spec­ta­cles, j’ai pris une place plus impor­tante sur le tra­vail des acces­soires et, bien sûr, des cos­tumes.

I. D.: Gardez-vous des sou­venirs par­ti­c­uliers de ces spec­ta­cles dont deux par­taient de pièces de réper­toire revis­itées par l’imaginaire wijck­aer­tien, et la troisième, totale­ment muette, était une créa­tion poé­tique hors du com­mun…

L. V.: Chaque spec­ta­cle de Mar­tine est une aven­ture artis­tique et tech­nique unique, où ses visions nous deman­dent de nous dépass­er. Au-delà des spec­ta­cles eux-mêmes, il me reste beau­coup de sou­venirs de répéti­tions, où tout un final de spec­ta­cle ne tenait qu’à un bat­te­ment d’ailes de papil­lon, où une équipe entière rete­nait son souf­fle en atten­dant qu’une colonie de four­mis tra­verse le plateau, ou encore lorsque nous assis­tions bouche bée aux pre­mières chutes de neige noire…

I. D.: Vous avez reçu le « prix de la meilleure réal­i­sa­tion tech­nique » pour NATURE MORTE, mer­veilleux moment de théâtre qui nous plongeait dans le quo­ti­di­en silen­cieux de l’atelier d’un pein­tre, dans sa quête créa­trice atten­tive aux matières, aux objets, aux lumières.

L. V.: Ce prix était col­lec­tif, ce qui est très révéla­teur de l’importance du tra­vail d’équipe que nous demande Mar­tine et du tra­vail effec­tué par tous, les con­cep­teurs, les con­struc­teurs, le directeur tech­nique, les régis­seurs… pour met­tre en théâtre ces images.

I. D.: Ensuite vous êtes passée à la créa­tion des cos­tumes sur les spec­ta­cles de Mar­tine. Com­ment cette évo­lu­tion s’est-elle faite ?

L. V.: Par­al­lèle­ment à mes assis­tanats pour Valérie, je com­mençais à dévelop­per mes pro­pres scéno­gra­phies et mes créa­tions de cos­tumes : j’avais tra­vail­lé sur LA DOUBLE INCONSTANCE de Mari­vaux, un spec­ta­cle col­lec­tif créé à la Bal­samine (Prix du jeune théâtre belge 1993) et je col­lab­o­rais qua­si chaque sai­son avec Isabelle Pousseur et Michel Boer­mans. Valérie et Mar­tine m’ont con­fié la con­cep­tion des cos­tumes sur les spec­ta­cles suiv­ants pour que notre col­lab­o­ra­tion puisse évoluer et pro­gress­er dans le temps.

I. D.: On arrive donc aux trois volets de sa trilo­gie I – CE QUI EST EN TRAIN DE SE DIRE (2002), TABLE DES MATIÈRES (2005), LE TERRITOIRE (2008) – et WIJCKAERT, UN INTERLUDE (2010).

L. V.: Mar­tine inau­gu­rait là un théâtre de parole claire­ment auto­bi­ographique, même si ses spec­ta­cles antérieurs étaient déjà tra­ver­sés par sa pro­pre his­toire et ses prob­lé­ma­tiques de créa­trice…

CE QUI EST EN TRAIN DE SE DIRE par­le de son enfance. Les cos­tumes sont réal­istes et s’inspirent de pho­tos que Mar­tine a con­sen­ti à me mon­tr­er d’elle petite, de son père, etc. Ces cos­tumes évolu­ent néan­moins, pas­sant sub­tile­ment du noir et blanc à la couleur, manière d’évoquer le pas­sage du temps, du passé au présent. Ain­si, les per­son­nages (la Petite, le Père, le Grand, la Fille) changeaient trois fois de cos­tumes, ce qui cor­re­spondait aux trois mou­ve­ments du spec­ta­cle. Seules les teintes des cos­tumes évolu­aient.

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Laurence Villerot
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Isabelle Dumont
Actrice, créatrice de spectacles et de conférences scéniques, chercheuse curieuse, Isabelle Dumont a été interprète...Plus d'info
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