Edito
Edito

Edito

Le 31 Déc 1995
Article publié pour le numéro
Kantor-Couverture du Numéro 50 d'Alternatives ThéâtralesKantor-Couverture du Numéro 50 d'Alternatives Théâtrales
50
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

Il est des créa­teurs qui plon­gent au plus aigu, au plus pro­fond.
Tadeusz Kan­tor mar­que le théâtre de cette fin du XXᵉ siè­cle.
Son œuvre, plas­tique­ment, dra­ma­tique­ment, pro­pose un ver­tig­ineux miroir aux aber­ra­tions du monde.
Il y a le rire comme chez le Bruegel du TRIOMPHE DE LA MORT.
Il y a la trace dérisoire et trag­ique des hor­reurs de la guerre.
C’est Goya, c’est Dante. C’est Kan­tor, avec ses expéri­ences, ses « lam­beaux de vie », ses rêves, ses visions.
Kan­tor qui oppose l’art majeur aux dérives des hommes mangeurs d’hommes.

L’art de Kan­tor ne peut être imité, ni recom­mencé.
Ceux qui, comme nous, ont vu ses œuvres, ses spec­ta­cles, pour tou­jours en gar­dent les traces.
L’ou­vrage que nous édi­tons aujourd’hui avec Alter­na­tives théâ­trales se veut un écho à l’ex­po­si­tion réal­isée par la Cricote­ka et présen­tée à la Mai­son du Spec­ta­cle.
Cette expo­si­tion, que nous avons voulue, et cette pub­li­ca­tion nous font décou­vrir le par­cours de ce boulever­sant créa­teur, depuis le Théâtre Indépen­dant qu’il a créé, en 1943, à Cra­covie.

Mais surtout, elles nous appor­tent le témoignage d’une leçon magis­trale.
Leçon de théâtre de la Mort et de l’Amour.
Le dés­espoir et l’ardente espérance.
La recherche con­stante d’une totale lib­erté qu’exige l’art.
La quête éter­nelle de l’être humain.

Anne Moli­tor et Monique Duren

« Il faut savoir se
METTRE EN COLÈRE,
PROTESTER
et ensuite
AIMER
et enfin
RIRE
mais de telle sorte que le Rire s’emplisse de LARMES. »

Tadeusz Kan­tor
In TADEUSZ KANTOR, L’ARTISTE À LA FIN DU XX : SIÈCLE, Actes Sud — Papiers, 1990

NE PAS CÉLÉBRER au temps des célébra­tions, des retours médi­a­tiques sur les grandes morts ou nais­sances, des arrêts oblig­és pour regarder le chemin par­cou­ru ou s’enorgueillir du des­tin ! Avouons-le, il y eut vœu d’an­niver­saire du cinquan­tième numéro de la revue, mais nous en fîmes vite le deuil. Pour ne pas célébr­er au temps des célébra­tions.

L’alter­na­tive est une hypothèse, voire même une con­tes­ta­tion à même d’entretenir le doute néces­saire afin qu’une alter­nance reste tou­jours pos­si­ble. Mais l’usage du pluriel adop­té par la revue témoigne de notre désir non pas d’i­den­ti­fi­ca­tion à un mod­èle de rechange, mais d’une décli­nai­son de pro­jets désta­bil­isa­teurs. Non pas le sin­guli­er de l’alter­na­tive, mais le foi­son­nement des alter­na­tives, des con­flits locaux, des agres­sions ponctuelles, des chances pas­sagères. Ce pluriel désigne le recom­mence­ment d’un proces­sus et non point l’aboutissement, fût-il éloigné, d’une utopie. D’ailleurs, qui dis­pose encore d’une utopie ? Que célébr­er alors ? Une survie. La sauve­g­arde d’un mou­ve­ment. peut-être !

Mais fuir un anniver­saire, c’est aus­si con­firmer implicite­ment son impor­tance et dis­simuler une crainte qui n’ose plus se dire, un trou­ble qui se tait. Comme si l’on décidait de s’enfoncer dans le temps pour mieux l’anéantir, en feignant de l’oublier à l’heure même où il se cristallise dans une date. Si l’ex­cès fes­tif agace, son opposé énerve par la fausse mod­estie qu’il affiche et la panique qu’il occulte. Nous vieil­lis­sons, et alors ? N’ayons pas peur de ces car­refours qui nous le rap­pel­lent ! C’est pourquoi nous décidâmes tout de même de nous arrêter. Pour regarder autour, devant, der­rière, pour se déten­dre. Et alors Kan­tor vint. Ces cinquante numéros de la revue trou­vaient en lui un hori­zon rétroac­t­if. Il nous est apparu comme un « clas­sique » des alter­na­tives, un artiste jamais pétri­fié et en même temps, par­venu à la hau­teur d’une parabole. Ain­si, une alliance avec la Mai­son du Spec­ta­cle se scel­la afin que l’an­niver­saire d’une nais­sance se con­fonde avec l’an­niver­saire d’une mort, tous deux placés sous le signe d’un même chiffre.

Cinq, cinquante. Cette ambiva­lence vie/mort n’é­tait pas faite pour déplaire à Kan­tor et en même temps, elle nous per­me­t­tait, à nous, de mar­quer une rup­ture, pour hon­or­er l’artiste dis­paru à l’heure même où il s’apprêtait à clamer : AUJOURD’HUI C’EST MON ANNIVERSAIRE ! Une manière comme une autre de se pré­mu­nir con­tre toute assur­ance, de crois­er les doigts et d’adopter, au lieu de la pose réflex­ive de rigueur, l’humeur car­nava­lesque du maître de Cra­covie.

Ni clamé, ni occulté, notre anniver­saire ne cherche qu’à être rap­pelé. À l’om­bre de la mort, d’une mort.

Edito
1
Partager
Partagez vos réflexions...

Vous aimez nous lire ?

Aidez-nous à continuer l’aventure.

Votre soutien nous permet de poursuivre notre mission : financer nos auteur·ices, numériser nos archives, développer notre plateforme et maintenir notre indépendance éditoriale.
Chaque don compte pour faire vivre cette passion commune du théâtre.
Nous soutenir
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Kantor-Couverture du Numéro 50 d'Alternatives Théâtrales
#50
mai 2025

Kantor

31 Déc 1995 — LORS D'UN FESTIVAL international de théâtre, j'ai rencontré un groupe de jeunes gens vêtus de T-shirts portant l'inscription: «God save…

LORS D’UN FESTIVAL inter­na­tion­al de théâtre, j’ai ren­con­tré un groupe de jeunes gens vêtus de T‑shirts por­tant l’in­scrip­tion:…

Par Lech Stangret
Précédent
30 Déc 1995 — UN JOUR, Tadeusz Kantor désigna son activité artistique comme «un jeu de hasard, plein de mystifications et de perversions». «Ce…

UN JOUR, Tadeusz Kan­tor désigna son activ­ité artis­tique comme « un jeu de hasard, plein de mys­ti­fi­ca­tions et de per­ver­sions ». « Ce n’est pas vrai, cla­mait-il, dans le PETIT MANIFESTE, lors de la remise du Prix Rem­brandt,…

Par Krzysztof Plesniarowicz
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total