Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie

Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie

Chroniques

Le 22 Jan 1997
Ariane Mnouchkine. Photo Michèle Laurent.
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Ariane Mnouchkine. Photo Michèle Laurent.
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Henry Bauchau-Couverture du Numéro 56 d'Alternatives ThéâtralesHenry Bauchau-Couverture du Numéro 56 d'Alternatives Théâtrales
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LE BRUIT COURUT très vite à Paris. Ari­ane Mnouchkine fai­sait un stage au Soleil, le pre­mier depuis près de qua­tre ans. Le bruit cou­rut d’abord auprès de 2000 des­ti­nataires des let­tres envoyées par le Théâtre du Soleil, 2 000 per­son­nes qui écrivirent au Théâtre à un moment ou à un autre au Cours de ces dernières années pris du désir de mieux con­naître le Soleil et d’y tra­vailler. Les 2 000 let­tres par­tirent donc pour indi­quer que du 1er au 13 juin, Ari­ane Mnouchkine ferait un stage et que des entre­vues et pré-stages seraient mis en place pour opér­er une sélec­tion. Des 2 000 per­son­nes con­tac­tées, 1286 vin­rent, 981 sélec­tion­nées en entre­vues, 240 furent retenues en fin de par­cours.

Pen­dant près d’un mois et demi sans inter­rup­tion, du matin au soir, Myr­i­am Azen­co, actrice au Soleil et Sophie Moscoso, assis­tante d’Ar­i­ane inter­rogèrent les dif­férents can­di­dats essayant de décel­er, der­rière Les répons­es don­nées, le sérieux des inten­tions. Cer­tains furent retenus, d’autres refusés. Pour ceux qui eurent le bon­heur de pass­er à tra­vers cette pre­mière sélec­tion, un pré-stage avec Mnouchkine devait opér­er une sec­onde sélec­tion. Par groupes de 80, ils furent appelés durant une journée à faire des impro­vi­sa­tions sous l’œil atten­tif d’Ar­i­ane qui tra­vail­la avec eux, ten­tant de percevoir au tra­vers de ces ébauch­es une promesse d’un acteur en puis­sance qu’elle pour­rait retenir pour le stage lui-même. Chaque soir le couperet tom­ba. Les deux tiers furent remer­ciés. Les autres se sen­tirent pro­vi­soire­ment sauvés. Ari­ane répé­ta près de 15 jours l’ex­er­ci­ce. Le lun­di 2 juin, pre­mier jour du stage, près de 300 per­son­nes se pres­saient donc dans la Car­toucherie. 300 per­son­nes de près de 30 pays dif­férents, acteurs et audi­teurs con­fon­dus. Dès l’ap­pel, il apparut claire­ment que le stage était encore plus inter­na­tion­al qu’à l’accoutumée. Il rassem­blait des sta­giaires venus bien sûr d’un peu partout en Europe mais aus­si d’Amérique du Nord et d’Amérique latine ain­si que d’Asie. L’Ukraine, la Turquie, la Norvège, Israël, la Grèce, le Dane­mark, le Cana­da, les Pays-Bas, le Mex­ique, la Hon­grie, l’Autriche, la Croat­ie, le Brésil, l’Al­gérie, l’Italie, la Grande-Bre­tagne, la Bel­gique, l’Es­pagne, le Por­tu­gal, l’Alle­magne, la France étaient tous présents faisant de la Car­toucherie une tour de Babel où de nom­breuses langues furent par­lées — et com­pris­es — tant par Ari­ane que par tous les par­tic­i­pants : français et anglais bien sûr, mais aus­si ital­ien, por­tu­gais, espag­nol, arabe. Le mul­ti­cul­tur­al­isme trou­va là un ter­rain de prédilec­tion qua­si­na­turel.

Con­for­mé­ment à l’habitude, le sujet des impro­vi­sa­tions fut don­né dès le départ. Et comme le stage — hasard de l’histoire — suiv­it de près les élec­tions français­es qui venaient de se dérouler, boulever­sant le panora­ma poli­tique français et ramenant au pou­voir une gauche un peu sur­prise du cadeau que la droite sans Le savoir venait de lui faire, le sujet « Les élec­tions »
fut retenu comme pre­mier sujet des 40 impro­vi­sa­tions.

Les sta­giaires s’y essayèrent donc, impro­visant sur ce thème pen­dant deux jours au cours desquels ils se famil­iarisèrent avec la scène, une immense scène prenant tout le fond de la salle et recou­verte de tapis brosse instal­lé dans la pre­mière nef de la Car­toucherie. On y vit des scènes évo­quant la fraude élec­torale, des cam­pagnes d’af­fichages, des dis­cours de vic­toire, des dis­tri­b­u­tions de tracts, des dic­ta­teurs aux petits pieds. Bref, la Car­toucherie offrit en rac­cour­ci et sur le mode ludique les scènes que l pub­lic n’avait cessé de voir sur le mode pom­peux au cours des semaines qui venaient de précéder les élec­tions. Tout le monde prit un cer­tain plaisir à voir ain­si rejoué et dénon­cé cer­tains moments d’une cam­pagne poli­tique terne et sans inven­tion.

Ces deux pre­miers jours pré­para­toires eurent, en fait, comme objec­tif de pré­par­er les sta­giaires à une ren­con­tre fon­da­men­tale dans le proces­sus d’ap­pren­tis­sage au Soleil, la ren­con­tre avec les masques. Au bout de deux jours donc, le grand moment arri­va. Ari­ane déci­da d’in­tro­duire les masques, ces masques, sor­tis spé­ciale­ment de leur réserve, masques de la Com­me­dia mais aus­si masques bali­nais faits par Erhard Stiefel, col­lab­o­ra­teur du Soleil depuis ses orig­ines, recréa­teur et inven­teur de ces œuvres retrou­vant dans son art les tech­niques des masquiers d’autre fois.

L’heure fut empreinte de grav­ité. Une cer­taine solen­nité envahit le lieu. Sur une immense table de près de 10 mètres placée au milieu de la scène repo­saient sous un grand drap rouge des êtres qu’Ar­i­ane présen­ta avant de les dévoil­er aux regards. Elle expli­qua que c’é­taient les maîtres du Théâtre du Soleil et les accueil­lit de nou­veau au sein de cette enceinte cepen­dant que deux acteurs soule­vaient le drap avec pré­cau­tion dévoilant une quar­an­taine de masques dif­férents tous sage­ment posés sur les sacs rouges ou jaunes qui les envelop­paient habituelle­ment et dont ils avaient été extraits. Déjà très vivants, 1ls ray­on­naient une cer­taine présence, intro­duisant une très forte théâ­tral­ité sur la scène. Ils appelaient, ils con­vo­quaient le théâtre, un théâtre d’art évo­quant les orig­ines du théâtre et inci­tant l’ac­teur à retrou­ver les fonde­ments de l’art du jeu.

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