Les rideaux et l’infini
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Les rideaux et l’infini

Le 15 Jan 1997
PLATONOY de Anton Tchekhov. Mise en scène de Ludovic Lagarde. Photo Brigitte Enguerand.
PLATONOY de Anton Tchekhov. Mise en scène de Ludovic Lagarde. Photo Brigitte Enguerand.
PLATONOY de Anton Tchekhov. Mise en scène de Ludovic Lagarde. Photo Brigitte Enguerand.
PLATONOY de Anton Tchekhov. Mise en scène de Ludovic Lagarde. Photo Brigitte Enguerand.
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Henry Bauchau-Couverture du Numéro 56 d'Alternatives ThéâtralesHenry Bauchau-Couverture du Numéro 56 d'Alternatives Théâtrales
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IL S’AGIT D’UN DYPTIQUE, dont les deux volets se conçoivent en autonomie, mais c’est le tra­jet d’un héros tchékhovien à l’autre qui a fasciné Ludovic Lagarde, itinéraire dou­ble­ment sac­ri­fi­ciel d’un meurtre à un sui­cide, deux morts qui sanc­tion­nent l’im­mo­bil­isme, les impass­es indi­vidu­elles et col­lec­tives de tout une société : de la Russe à la nôtre, entre lesquelles le spec­ta­cle trace une médu­sante analo­gie.

De PLATONOV à IVANOV, le spec­ta­cle des­sine avec une effi­cace lis­i­bil­ité qui n’ex­clut nulle­ment la nuance, le et les tra­jets de la jeunesse à la matu­rité, mais Platonov, le jeune homme ran­ci, et Ivanov, l’homme mûr pré­maturé sé parta­gent la même amer­tume. Aux deux per­son­nages est dévolu le com­plet blanc crème. Sym­bole de l’aris­to­cratie et de la valeur per­dues, la blanc devient rapi­de­ment le signe avant-cou­teur de la mort. Platonov est encore un petit dandy, ses joues mal rasées par­ticipent d’un charme nég­ligé, où l’élé­gance le dis­pute à l’in­so­lence. Et il porte une mince cra­vate, il joue encore avec gogue­nardise le jeu de l’ap­parence. Ivanov, lui, a fait bon marché de toutes les élé­gances en même temps que son domaine s’é­ti­o­lait. Sous le com­plet blanc qui le rat­tache à son cadet, il porte un tee-shirt blanc, et le cos­tume prend des allures hon­teuses de pyja­ma. C’est le vête­ment d’un homme épuisé qui lorgne le som­meil d’Ham­let. Sous l’ef­fet du temps et de la ruine, l’am­bi­tion qui les ani­mait a iden­tique­ment décru, elle a vécu sans pro­gress­er, elle a enduré sans s épanouir.

Au thème de boîte à musique qui can­tonne implicite­ment la pop­u­la­tion de PLATONOV au jardin d’en­fant (un jardin bien vénéneux) suc­cède, dans IVANOV, un thème pianis­tique plus grave, plus mélan­col­ique, qui chante les décep­tions de la matu­rité. Dans PLATONOV encore, l’adap­ta­tion métronomique du texte con­dense tout le drame de Platonov sous les espèces d’une journée explo­sive, d’un infer­nal et clow­nesque compte à rebours, tan­dis que la tem­po­ral­ité nat­u­ral­iste d’I­vanov est stricte­ment respec­tée. Dans PLATONOV enfin, le jeu sac­cadé des rideaux démon­tre la dérive de per­son­nages con­damnés à vivre l’in­stant, tire cer­taines scènes vers le bur­lesque, alors qu’avec IVANOV, le jeu des rideaux épouse plus stricte­ment la divi­sion en actes, et toute la par­ti­tion cal­culée d’une descente aux enfers.

Les péchés des jeunes hommes au dents agacées se con­tin­u­ent en ceux des vieil­lards Aucune échap­pa­toire, aucune tran­scen­dance, aucune fuite, dans cet univers qui dit aus­si bien le blocage de toute une société que les men­aces d’un cos­mos spir­ituelle­ment vide.

Pour dire cet univers, le spec­ta­cle joue mag­nifique­ment de la com­bi­nai­son ou de l’al­ter­nance des formes géométriques sim­ples. Entre le car­ré et le cer­cle, la dra­maturgie des­sine tous les plans du réel, des plans cos­miques les plus sub­tils aux cer­cles mondains les plus étriqués.

Grande sonate, de PLATONOV à IVANOV, des cer­cles de lumière dont le jeu des couleurs pri­maires ren­force le car­ac­tère implaca­ble : cer­cle jaune de la mai­son des Lebe­dev où s’échangent les banal­ités et les calom­nies d’une société figée, cer­cle rouge des dés­espérés hon­teux où Trilet­z­ki impro­vise en com­pag­nie des « zoulous » et autres ratés, une grotesque et obscène par­o­die d’Hamilet, cer­cle bleu enfin de la planète entière, du macro­cosme de l’u­nivers qui vient comme s’im­primer sur le corps d’I­vanov et le mar­quer d’un fardeau sym­bol­ique. Tel Atlas, Ivanov est ter­ri­ble­ment bâté des maux de son temps. Cer­cle blanc enfin, de fleurs, celles qu’Os­sip sème autour du corps de Platonov, comme pour dessin­er la lice de sa future vic­time, inscrire en pointil­lés (en con­fet­ti) le juge­ment de Dieu. Mais pour un rit­uel païen, un meurtre druidique dont le couteau n’est qu’ac­ci­den­telle­ment sus­pendu.

Sym­phonie des rec­tan­gles et car­rés, de bois ou de lumière : dans la pre­mière par­tie de PLATONOV, l’e­space con­naît son explo­sion com­bi­na­toire à par­tir de ce par­a­digme cen­tral, la toute petite table rec­tan­gu­laire où Anna Petro­v­na et Trilet­s­ki pour­suiv­ent leur sem­piter­nelle par­tie d’échecs, illu­soires sou­verains ou régu­la­teurs d’un univers promis à une prochaine défla­gra­tion. Le jardin des aveux et des désirs, où les cou­ples se for­ment, se défor­ment et se refor­ment, ne sera qu’une mai­gre bande rec­tan­gu­laire de lumière pro­jetée jusqu’au devant de la rampe. Mais à la fin de la pre­mière par­tie, à ce moment que l’adap­ta­tion du met­teur en scène et d’O­livi­er Cadiot élit comme le minu­it de la crise (le texte adopte alors la typogra­phie syn­op­tique d’un poème), les plans et les découpes con­nais­sent une efflo­res­cence démente, se démul­ti­plient, telles des ban­des brechti­ennes pour dis­tancer cette frénésie, mais pour mimer aus­si la poly­phonie des volon­tés et des désirs. Seule, sur cette douloureuse jux­ta­po­si­tion d’an­gles droits, Anna Petro­v­na tranche, danse, elle, en rond, et sculpte le tra­jet plus har­monieux, plus arron­di d’un vrai désir — celui pou Platonov. Tra­jet « posi­tif » — en négatif de la pièce — de ce per­son­nage, qui ne triche pas, qui a de vrais désirs à exprimer, à revendi­quer, et donc con­naî­tra de vraies souf­frances … Au début d’I­VANOY, le jardin a en quelque sorte inté­gré cette plu­ral­ité des espaces géométriques, et, avec la jux­ta­po­si­tion impi­toy­able des découpes, offre une appréhen­sion en puz­zle des com­par­ti­ments de jeu, que rompent encore quelques chais­es égarées, et que cha­peaute, tel un judas ou un diaphragme pho­tographique menaçant — celui de la mort — la fenêtre d’An­na Pétro­v­na.

Ivanov cir­cule là avec parci­monie, maître pra­tique­ment immo­bile, Ham­let bien sûr, « Seigneur latent qui ne peut devenir ».

La prég­nance de cette géométrie lumineuse tend à éjecter la con­science de son, de ses sys­tèmes, de son nid doré d’in­er­tie et de com­plai­sance. Platonov et Ivanov souf­frent tous deux d’un tro­pisme vers la voie lac­tée qui les rend inadéquats à l’e­space social.

Au fur et à mesure que l’in­trigue pro­gresse et que Platonov se com­pro­met dans des promess­es aux femmes et des départs avortés, c’est une sorte de syn­drome « ago­raphile » qui le frappe. Per­du au milieu d’un plateau insouten­able de nudité, il chante et célèbre sa dérélic­tion, Pas­cal dés­espéré et jubi­la­toire, il est chez lui dans le grand vide de la nuit, mais il y est aus­si en voie de dis­so­lu­tion.

Ivanov, grand pro­prié­taire ter­rien qui a ten­té de men­er les hommes et de faire vivre une com­mu­nauté, se trou­ve rejeté de tout espace défi­ni, c’est un élec­tron, non point libre mais errant autour d’un noy­au per­du. Il est en grav­i­ta­tion for­cée autour de coter­ies mondaines insignifi­antes. Chez lui, Ivanov ne peut occu­per que le rec­tan­gle de son bureau, tréteau impro­visé qui résume aus­si son ultime refuge face au monde, cab­i­net d’ar­chi­tecte qui ne bâtit plus, cav­erne de philosophe qui ne médite plus. Lorsque Anna prend d’as­saut cette planche de salut, Ivanov n’a en quelque sorte plus le choix. Poussé à la cour de ce petit plateau par les insultes de son épouse, il n’a d’autre issue que de la met­tre à mort, ou de mourir lui-même. Cette géniale trou­vaille scénique d’un Ivanov poussé au bord du gouf­fre par une femme qu’il a certes fait souf­frir mais ne veut pas détru­ire, ouvre, sans ren­dre de ver­dict, le procès d’un meur­tri­er en sit­u­a­tion, d’un meur­tri­er des cir­con­stances (atténu­antes ?). Ivanov tue Anna par des mots qui sont des armes implaca­bles, mais [vanov la tue parce que, sinon, il tomberait dans un abîme, haut de moins d’un mètre mais riche sym­bol­ique­ment de tous les abîmes con­tem­po­rains. Après le troisième acte, le bureau et le fau­teuil d’Ivanov, derniers ves­tiges d’une sagesse décidé­ment bien com­pro­mise, seront emportés par le tour­bil­lon du temps, effacés par la gomme mag­ique des rideaux.

Peut-on reprocher à Ivanov de choisir sa vie plutôt que celle de l’autre et faut-il dédouan­er Platonov de sa cru­auté parce qu’il est malade de lui-même ? Ques­tions que le spec­ta­cle force à demeur­er ques­tions.

Nul refuge en l’in­tim­ité de la tour d’ivoire, mais nulle rédemp­tion ou havre de paix chez les hommes. Certes le cer­cle mondain ment en dis­ant qu’il est le monde. Lors de la soirée d’an­niver­saire de Sacha, Ivanov tourne, tel un satel­lite exténué, autour du cer­cle mondain où Sacha tente de faire son apolo­gie. Ivanov est tou­jours pieds nus, Ivanov est un va nu pieds méta­physique dont la course ne peut s arrêter nulle part. Il ne met­tra chaus­sures à son pied que pour se mari­er, et le cuir, tel un voile de Médée, le fera mourir, d’une mort sans pathos, d’une mort qui ne résout rien, et dont la mise en scène désigne, avec une éton­nante audace la dimen­sion aporé­tique, expé­di­ant le sui­cide d’I­vanov en deux temps trois mou­ve­ments.

La révo­lu­tion du temps ne s’ar­rête jamais, ni celle que règle (ou dérè­gle) le cours des astres, ni celle que reflète l’histoire tor­turée des hommes.

Et pour­tant, comme dit Ludovic Lagarde « s’il fal­lait réu­nir ces deux pièces autour d’un thème, ce serait celui de la con­science », la con­science certes tor­turée et fan­toma­tique des deux héros, mais aus­si celle, embrumée et con­tra­dic­toire du spec­ta­teur dont les fils se renouent au spec­ta­cle pour un ques­tion­nement éthique sur­prenant d’acuité.

Respon­s­ables, mais pas coupables dit l’hu­man­isme qui pénible­ment se survit. Ivanov et Platonov passent leur temps à inter­roger con­join­te­ment leur respon­s­abil­ité et leur cul­pa­bil­ité. Tan­dis que les fan­tômes trag­iques (tels ceux d’Ham­let) passent vaine­ment dans cet univers où l’homme est lais­sé à lui-même, avec le poids indi­vid­u­al­isé de ses fautes, Ivanov et Plartonov touchent d’un doigt cru­el leur pro­pre abjec­tion en même temps qu’ils en expri­ment obstiné­ment le déni, mais ce vis­age de Janus n’est-il pas le masque ordi­naire de l’homme con­tem­po­rain ?

Dans cet univers, vic­times sup­posées et assas­sins désignés se dévis­agent finale­ment avec la per­plex­ité de leurs ressem­blances, le boule­verse­ment de leur gémel­lité secrète. Platonov est un mon­stre, certes, manière de mon­stre, qui à « la mal­adie de Platonov ». Ossip, réprou­vé social, appa­raît évidem­ment comme un ange exter­mi­na­teur à la fois vertueux et épou­vantable. En un mono­logue sur­prenant, tramé par l’adap­ta­tion, Ossip, immo­bil­isé entre deux rideaux mou­vants, prie devant l’au­tel impro­visé d’une ampoule nue, et débite un chapelet d’in­sultes dont on ne sait s’1l se les adresse ou les débite à un autre (c’est le cas dans le texte orig­i­nal). Évoque-t-il un « gros porc » pour s’in­sul­ter lui-même, et adopter, avec une cer­taine déri­sion, ou en une pos­ture toute de gloire néga­tive, à la Genet, le point de vue de sa société qui le traite comme un paria, ou s’adresse-t-il de loin à Platonov qu’il pro­jette d’é­gorg­er comme un ani­mal sac­ri­fi­ciel ? Con­fu­sion, voulue par la mise en scène, de la vic­time et du bour­reau. Sub­til jeu de miroir du crim­inel social au crim­inel méta­physique, le mal et sa puni­tion agis­sent selon deux corps sem­blables, cir­cu­lent entre deux volon­tés inquié­tantes de réversibil­ité.

Il est à la fois banal et trou­blant pour le spec­ta­teur de se recon­naître en cette faune tor­turée et tor­tu­rante, à l’in­ter­sec­tion de deux fins de siè­cle, et avec cet aigu­ise­ment à froid de l’in­tro­spec­tion qu’eut aimé Tchékhov. Justesse du rap­port au pub­lic qui réus­sit l’équili­bre d’une nar­ra­tion échevelée de comédie et d’un brechtisme vir­tu­ose (car l’une des grandes ver­tus dra­ma­tiques édic­tées par Brecht n’est-elle pas la « légèreté » ?).

Témoin priv­ilégié peut-être, de cette rela­tion à la fois con­sub­stantielle et sur­plom­bée de l’hi­er à l’aujourd’hui : la rampe. Cette rampe qui par­ticipe haute­ment de notre mémoire du théâtre stanislavkien, mais qui, posée sur la scène comme un acces­soire, n est qu’une épave plaisante, un ves­tige dans la mou­vance des rideaux et les éclairages aux sources démul­ti­pliées. Débris d’as­tre de l’his­toire du théâtre et de l’histoire tout court qui flotte devant nous, s’é­claire ou s’ob­scurcit. Pour le qua­trième acte, Ludovic Lagarde pra­tique par­al­lèle­ment à la rampe une coupe lon­gi­tu­di­nale, il divise rigoureuse­ment la scène en face et loin­tain par le rideau même qui, tra­ver­sant mag­nifique­ment (le rideau n’est-il pas le plus magis­tral acteur qui soit ? ) le plateau entre l’acte trois et l’acte qua­tre, mime la mort d’An­na et son assomp­tion de fan­tôme. Oui Anna est morte, et cette mort coupe en deux la scène, divise la con­science des per­son­nages, dont l’hésitation angois­sée reflétera l’é­ter­nité des fan­tômes. Pétrine le sage, s’in­scrivant cen­tre plateau, tente inutile­ment de faire la jonc­tion entre le loin­tain dérobé de la céré­monie nup­tiale et l’a­vant-scène des déchire­ments. Sacha y fig­ure dans une robe de mar­iée qui la fait régress­er à l’é­tat d’en­fant gatée, (elle qui pour­tant, lors de son anniver­saire, parais­sait dans une robe sim­ple et refu­sait le rit­uel social ).

Quand, avec une con­vic­tion un peu absente, la noce passe au loin­tain par le rideau qui s’ou­vre, et qu’I­vanov entre enfin, par effrac­tion, dans l’u­nivers mondain (à quoi ren­voie le salon Lebe­dev réu­til­isé pour la cir­con­stance), c’est la trappe de la mort qui se referme sur lui. Le met­teur en scène retourne les pro­jecteurs dans les yeux du pub­lic, pour une scène qui ne se Joue que par acquis de con­science trag­ique, en quelque sorte, pour rien, avec un résul­tat dra­ma­tique haute­ment prévis­i­ble.

Même absence de lyrisme d’ailleurs, même élim­i­na­tion froide, qua­si kafkaïenne de Platonov, par un éton­nant jeu de scène. Le revolver dont Platonov, jouant avec l’idée de sa pro­pre mort, se débar­rasse entre les mains d’une Greko­va plus que jamais naïve­ment com­patis­sante, passe de main en main, effectue tout le cir­cuit sac­ri­fi­ciel d’ac­teur en acteur jusqu’à atter­rir dans la main de Sonia qui presse la détente. C’est un meurtre qui tient de l’ac­ci­dent et du « lap­sus ges­tus », mais c’est la con­ju­ra­tion silen­cieuse de toute une société dont Platonov est désigné comme l’ap­pen­dice malade et la vic­time expi­a­toire. Platonov cru­el avec un lud­isme dés­espéré, l’I­vanov nuis­i­ble sans jamais le souhaiter délibéré­ment, sont aus­si pleine­ment coupables que boucs émis­saires de leur com­mu­nauté, et ne faut-il pas redire que la posi­tion éthique que régit le théâtre se situe ailleurs qu’en toutes les dichotomies et manichéismes pos­si­bles ?

La mort du héros, des héros, au car­ac­tère axioma­tique, dont c’est plutôt les impli­ca­tions que nous devri­ons méditer, au-delà de la lit­téral­ité idol­itre (Sacha con­tem­ple une icône — une idole ? — avant de pren­dre une mau­vaise déci­sion, le théâtre est offre de l’icône et refus de l’icône ) d’un sui­cide et d’un corps mort. Nous aus­si, nous avons voulu la mort d’I­vanov, nous atten­dions aus­si abjecte­ment que Lvov l’élim­i­na­tion du mon­stre. Mais le théâtre ne nous donne des morts de théâtre que pour nous forcer à une vision plus rigoureuse : celle de l’ir­ré­c­on­cil­i­a­tion. Devant les corps sans vie de Platonov et d’I­vanov, les con­jurés sem­blent aus­si dému­nis, aus­si per­plex­es que devraient l’être ceux qu’ils reflè­tent de l’autre côté de la rampe.

L’as­sas­si­nat com­plaisant des femmes et la tor­ture psy­chologique entre les êtres remon­tent aux crimes les plus énormes du vingtième siè­cle, à l’ébran­le­ment qu’ils inau­gurent de toute con­science éthique pos­si­ble. C’est avec le trou­ble de notre cul­pa­bil­ité pro­pre que Ludovic Lagarde nous invite à con­tem­pler ces deux cadavres (aban­don­nés à moitié dans notre camp de spec­ta­teurs) avec notre con­science éthique inhibée, ni révoltée, ni dés­in­volte, d’«une fin de siè­cle où il ne sem­ble pas y avoir de coupables, où il reste à chaque homme une par­tie de la faute com­mune, mau­vaise con­science de généra­tions entières. »

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