La Chapelle des Brigittines
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La Chapelle des Brigittines

Le 20 Oct 1998
Article publié pour le numéro
Théâtre en images-Couverture du Numéro 58-59 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre en images-Couverture du Numéro 58-59 d'Alternatives Théâtrales
58 – 59
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La Chapelle aux temps héroïques, sans les amé­nage­ments qui l’ont con­duite à devenir une véri­ta­ble salle de spec­ta­cle…
Lorsque nous restions plusieurs heures d’affilée à tra­vailler, quelque chose d’indéfinissable venait nous trou­bler, comme un sen­ti­ment d’oppression et de fas­ci­na­tion mêlées, une han­tise bizarre. Nous aimions ce lieu, il nous stim­u­lait, et dans le même temps, l’esprit était tiré de tra­vers, très légère­ment ; l’espace — mais c’était tout juste per­cep­ti­ble — sem­blait capa­ble d’un obscur rétré­cisse­ment ; une incer­ti­tude planait, qui pous­sait vers le bas et le som­bre.
Un jour, des travaux furent entre­pris pour amé­nag­er un sol en pierre et un sys­tème souter­rain de chauffage. Il fal­lut creuser assez pro­fondé­ment, et la décou­verte qu’on fit alors provo­qua la stu­peur. On exhuma des restes osseux par­ti­c­ulière­ment hideux : de gigan­tesques et répug­nantes esquilles, des frag­ments éclatés de dents, des débris d’ailes fos­sil­isées, le tout dans un tel désor­dre qu’une vio­lence avait dû jeter là ce paquet de vertèbres et de crocs. À l’évidence, la car­casse était celle d’un mon­stre d’un âge ancien, ou de plusieurs (on sait que les hor­reurs vivent et meurent en bande, et finale­ment se décom­posent ensem­ble).
À croire que le bâti­ment avait été, avec cet art de l’à‑propos dont l’Église s’est de tout temps pré­valu, malen­con­treuse­ment con­stru­it sur un cimetière de ptéro­dactyles réso­lus à empoi­son­ner l’air des généra­tions futures. La Chapelle ne put échap­per à l’enfer de leurs miasmes : les prières des Brigit­tines se trans­for­mèrent en lamen­ta­tions, en pleurs inces­sants, en plaintes d’effroi : le lieu fut désacral­isé subito presto et ven­du à des inno­cents.
Mais depuis les travaux, l’atmosphère s’est curieuse­ment déten­due : une fraîcheur, une clarté entourent désor­mais le spec­ta­teur comme l’acteur qui vien­nent y larguer leurs fan­tasmes. On baigne presque dans une euphorie de com­mu­ni­ca­tion, tant les ondes cir­cu­lent libre­ment entre tous.
Néan­moins, com­ment l’avouer, les actes qui s’y déroulent par­ticipent d’une ambiguïté, des trucs trou­bles inspirent met­teurs en scène et choré­graphes, une impos­si­ble inno­cence les con­traint, comme s’ils aspi­raient, dans leur recherche de nou­veaux lan­gages, à renouer avec d’anciennes vibra­tions… Peut-être quelque chose demeure-t-il ? Une présence volatile qui pousse sub­tile­ment à vici­er la forme, à détourn­er les con­tenus, à son­der l’inconnu ?
Étrange affaire.

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Écrit par Patrick Bonté
Patrick Bon­té a écrit pour la radio, le ciné­ma et le théâtre et réal­isé de nom­breuses mis­es en...Plus d'info
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Théâtre en images-Couverture du Numéro 58-59 d'Alternatives Théâtrales
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mai 2025

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20 Oct 1998 — GEORGES BANU: Le début de votre travail en tandem coïncide avec la constitution d'une compagnie, la Compagnie Deschamps et Deschamps…

GEORGES BANU : Le début de votre tra­vail en tan­dem coïn­cide avec la con­sti­tu­tion d’une com­pag­nie, la Com­pag­nie Deschamps et Deschamps en 1979. Vous formez donc une troupe. Jérôme Deschamps : Il n’y a rien de pire…

Par Georges Banu
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