Trois questions à Roland Fichet

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Trois questions à Roland Fichet

Le 18 Juil 1999
Monique Lucas et Philippe Vieux dans LA 404 ROUGE de Roland Fichet, mise en scène de Robert Cantarella. Photojean Henry.
Monique Lucas et Philippe Vieux dans LA 404 ROUGE de Roland Fichet, mise en scène de Robert Cantarella. Photojean Henry.

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Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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ALTERNATIVE THÉÂTRALES : Com­ment s’est déclenchée chez vous l’écri­t­ure théâ­trale ?

Roland Fichet : Avant l’écri­t­ure théâ­trale y a‑t-il l’écri­t­ure ? L’écri­t­ure nouée au théâtre laisse une dou­ble trace, dans l’or­eille et sur le papi­er. Dans le corps et sur le papi­er. A‑t-elle une dou­ble orig­ine ? Pour moi c’est prob­a­ble. Une dou­ble orig­ine et une orig­ine trou­ble. L’écri­t­ure sur­git-elle d’une sec­ousse intime par­ti­c­ulière ? Oui. Peut-on iden­ti­fi­er cette sec­ousse ? Je n’en suis pas sûr. C’est une sec­ousse qui dure, ça je peux le dire, je crois.

Si je me laisse tir­er par la manche, si j’en­tre dans le jeu d’une sorte de micro-légende auto­bi­ographique, Je suis ten­té d’aller chercher l’o­rig­ine de l’écri­t­ure chez moi dans le théâtre rugueux de mon enfance paysanne. J’ai vécu les onze pre­mières années de ma vie immergé dans un monde archaïque ; je partageais les rites et le mode de vie d’une communauté/toile d’araignée tis­sée par les rap­ports famil­i­aux, les fêtes pop­u­laires, le dia­logue , avec les ani­maux. À onze ans j’ai été retranché de cette communauté/village et cat­a­pulté dans un autre monde, le monde du latin et du grec. Désigné pour les « mis­sions étrangères », invité à errer, un peu per­du, je me suis acc­croché aux mots, aux signes ; privé de ma terre d’o­rig­ine, le texte est devenu ma terre d’élec­tion. Je me sens tou­jours dans cette coupure, dans cet écartèle­ment, dans cette faib­lesse. Du jour au lende­main je suis devenu faible et écrivant. Dans cette coupure, dans cette ques­tion sans réponse, s’est enrac­inée, je crois, la pul­sion d’écri­t­ure qui m’habite ; et son insé­para­ble sœur, la pul­sion de lec­ture. L’écri­t­ure s’est déclenchée chez moi et con­tin­ue de me tenir parce que tout est énigme.

A onze ans, l’épreuve du deuil et la stu­peur devant l’émer­gence subite de la mémoire en moi m’ont été don­nées d’un seul coup ; à trente-trois ans, écrivant DE LA PAILLE POUR MÉMOIRE, j’ai choisi l’écri­t­ure comme pas­sage, comme errance apaisée aux pays des mon­stres qu’on n’a­paise jamais. L’écri­t­ure est liée pour moi
à la résur­rec­tion. Sans doute pour­rais-je repren­dre à mon compte la phrase d’un de mes per­son­nages, Lazare, à la toute fin de TERRES PROMISES «:Je suis né mort je voudrais mourir vivant. »

Oui mais l’écri­t­ure théâ­trale ça vient d’où ? Ça s’in­scrit com­ment dans le corps d’un écrivant ? Une petit voix me dit que, con­fron­té à une telle ques­tion, je ne peux ignor­er la langue, le poids de la langue. La langue insiste. Là aus­si la sépa­ra­tion mar­que mes débuts affolés dans le filet sans lim­ites des mots. La langue dans laque­lle j’ai baigné, enfant, ne s’écrit pas, c’est à peine un idiome, plutôt un « par­ler » — on désigne ain­si quelques branch­es bâtardes de la langue noble, le français d’Île-de-France. Le « par­ler gal­lo » dans lequel j’ai fait mes pre­mières armes d’être par­lant défie donc l’écri­t­ure. Il se par­le, s’en­tend, fait même beau­coup de bruit, mais oblige celui gui veut l’écrire à de mul­ti­ples micro-déplace­ments dans la matière même des mors, dans la syn­taxe, dans l’ar­chi­tec­ture des phras­es. Il y a beau­coup de corps dans une langue gui laisse avant tout une trace sonore. Je n’ai pas choisi d’écrire en « langue gal­lèse », j’ai tout fait au con­traire pour fuir sa sauvagerie et m’in­scrire dans l’héritage lit­téraire char­rié par le français-français, mais j’ai con­tin­ué d’en­ten­dre deux langues dans mon oreille. Le goût des mots qu’on « entend », le réflexe de cheviller les mots avec les corps me vien­nent peut-être de cette langue gal­lèse blessée, mal rabotée, mais aus­si sec­ouée par la comédie. Pour moi les mots ça joue. Pour moi la poésie et le jeu ça va ensem­ble, ça danse naturelle­ment ensem­ble. Dans les champs, dans la rue, et sur une scène de théâtre. Héritage celte ?

A. T : Com­ment s’établit la rela­tion entre l’au­teur et le directeur du Théâtre de Folle Pen­sée ?

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