Alternative, reconnaissance et consécration
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Alternative, reconnaissance et consécration

Avec : Jean-Marie Hordé, Bernard Sobel, Alain Gintzburger, Régis Hébette, Sarah Franco-Ferrer, Marie Raymond, Moustapha Aouar, Alexis Forestier, Laurent Gutmann, Gildas Milin, François Kergoulay, Laurent Vacher, Clyde Chabot

Le 24 Oct 1998

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GEORGES BANU : Nous avons par­lé aux cours des séances précé­dentes de l’im­por­tance de la décou­verte et de la vig­i­lance qui doit accom­pa­g­n­er la recherche de nou­veaux artistes : Cer­tains Ont pu souf­frir de « jeu­nisme », c’est-à-dire ont eu un début ful­gu­rant et sont retombés peu après dans l’ob­scu­rité. Toute­fois, il est égale­ment apparu avec évi­dence à quel point la notion de début avait par­tie liée avec le lieu qui le voy­ait éclore.

Aus­si, aux côtés de jeunes met­teurs en scène, nous avons aujour­d’hui invité Jean-Marie Hordé, Bernard Sobel, Marie Ray­mond, Régis Hébette, François Ker­goulay et Moustapha Aouar qui ont pour voca­tion de faire de leurs lieux des lieux de pro­duc­tion et d’ac­cueil de Jeunes artistes. Nous aime­ri­ons qu’ils témoignent de la façon dont ils envis­agent leur méti­er et qu’ils nous dis­ent quel regard est le leur quand ils réfléchissent sur la sit­u­a­tion théâ­trale dans notre société con­tem­po­raine ; et ce en présence de cer­tains des artistes qu’ils ont accueil­lis et qui nous don­neront à leur cour leur point de vue.

Jean-Marie Hordé : Je suis venu au théâtre parce qu’il m’a sem­blé être le car­refour des his­toires de la vie, des his­toires d’amour, du poli­tique et de la pen­sée. C’é­tait dans les années soix­ante-dix quand des spec­ta­cles tels que LE MISANTHROPE de Jean-Pierre Vin­cent offraient à l’é­tu­di­ant en philoso­phie que j’é­tais une matière à réflex­ion sur le monde beau­coup plus sub­til et riche de con­tra­dic­tions que tous les travaux théoriques que je pou­vais faire à l’u­ni­ver­sité ; le plateau pro­po­sait une expéri­ence, four­nis­sait de la pen­sée vivante. Voilà pourquoi j’ai décidé de faire du théâtre ma vie. J’ai ensuite été amené à diriger pen­dant dix ans le Théâtre de Cer­gy-Pon­toise. J’avais trente ans, et je pre­nais en main une insti­tu­tion de vingt-cinq per­son­nes avec l’idée de pro­pos­er non seule­ment un réper­toire con­tem­po­rain, mais de créer un mou­ve­ment, un déséquili­bre au sein de la com­mande sociale exis­tante. Il s’agis­sait d’in­ven­ter d’autres formes, d’autres éner­gies qui se déga­gent de la forme académique du théâtre qui n’est rien d’autre que la répéti­tion du même.

Après cette expéri­ence, on m’a demandé de diriger le Théâtre de la Bastille au sein duquel je tra­vaille depuis dix ans. Et évidem­ment, la ques­tion qui s’est posée chaque matin était de savoir ce que nous enten­dions par con­tem­po­rain. C’est une notion com­plexe ; je crois essen­tiel de me deman­der : « De quoi suis-je con­tem­po­rain ? Ce spec­ta­cle, cet auteur, cet artiste de quoi est-il con­tem­po­rain ? » Car ce n’est pas une ques­tion thé­ma­tique seule­ment ; c’est une ques­tion de langue, c’est une ques­tion qui inter­roge le temps. Je crois que la ques­tion de la direc­tion d’un lieu, n’est en rien celle du choix. La ques­tion du choix est sec­ondaire, prime de savoir par rap­port à quoi ces choix se font, par rap­port à quels désirs, à quelles réflex­ions, à quelle volon­té, à quelles con­traintes. Et donc la ques­tion de la Jeunesse, même si elle est belle et entière, n’est cer­taine­ment pas une ques­tion suff­isante. Picas­so dis­ait à ce sujet : « J’ai mis quar­ante ans à devenir jeune, alors ne m’emmerdez pas ! » Je pense en effet qu’on naît vieux et que la vie nous donne quelques chances de raje­u­nir que seule­ment cer­tains sai­sis­sent. Quand on écoute les jeunes, ils racon­tent sou­vent des évi­dences, des lieux com­muns : il faut retra­vailler pour devenir jeune. Par con­séquent faire du jeune théâtre, ce n’est pas seule­ment présen­ter de jeunes gens, même si bien sûr il faut ouvrir les scènes aux jeunes gens ; ce n’est parce qu’ils sont Jeunes qu’ils sont légitimes.

Bernard Sobel : Il m’est tou­jours dif­fi­cile de dire « je ». Nous avons com­mencé l’aven­ture du Cen­tre Dra­ma­tique Nation­al de Gen­nevil­liers il y a trente ans. Il n’y avait à l’époque pas de lieu d’ac­cueil, et nous avons for­mé notre pre­mier groupe de tra­vail dans la salle de la Mairie de Saint-Denis. Je fais donc un peu fig­ure de dinosaure. Et ce que je voudrais dire, c’est que pour moi, il n’y a pas de pra­tique artis­tique vivante qui ne soit essen­tielle­ment con­tem­po­raine. Les textes que j’ai envie de tra­vailler sont ceux qui ont saisi un moment essen­tiel de con­tem­po­ranéité. Qu’il s’agisse de Beck­ett, de Mar­lowe ou d’‘Eschyle. À les lire, je vois briller, sous les couch­es tec­toniques, le ques­tion­nement vivant inouï qu’ils ont posé.

Alain Gintzhurg­er : Je suis allé pour la pre­mière fois au théâtre à l’âge de dix ans, après la mort de mon père : ma mère nous con­dui­sait un week-end sur deux voir des opérettes au théâtre de Troyes. Et je trou­vais ça abom­inable, je ne pou­vais pas sup­port­er l’idée de met­tre de l’opérette sur une absence.

Mon désir de théâtre prend le con­tre-pied exact de cette expéri­ence : je crois que le théâtre donne la pos­si­bil­ité que quelque chose se lève non pas sur un diver­tisse­ment, mais sur de l’essen­tiel, un essen­tiel qui se révèle dans le plaisir et le partage avec un pub­lic. Ce n’est donc pas pour rien que notre com­pag­nie s’ap­pelle « le Théâtre d’Éleu­sis » — un lieu d’ini­ti­a­tion aux mys­tères dans la Grèce antique — avec laque­lle j’ai réal­isé depuis 1992 une mise en scène et qua­tre mis­es en espace. Nous avons présen­té notre dernier spec­ta­cle, JE SUIS DES FORÊTS NOIRES d’après Bertolt Brecht, au Fes­ti­val Open­ing Night d’Aix-enProvence et nous nous apprê­tons à le repren­dre au Théâtre de l’Échangeur, le nou­veau lieu de Régis Hébette où le tra­vail se vit dans une vraie rela­tion de com­mu­nauté.

Régis Hébette : Je dirige aujour­d’hui un lieu qui s’ap­pelle l’Échangeur et quand je pense à mes débuts, cela m’évoque immé­di­ate­ment toute une série de dif­fi­cultés. J’ai fait dif­férents stages, une maîtrise d’É­tudes théâ­trales, mais cela ne m’a ouvert aucune porte. Après avoir suivi une for­ma­tion de comé­di­en, j’ai décidé un jour que j’é­tais désor­mais pro­fes­sion­nel et qu’il fal­lait que je com­mence par le croire moi-même. | ai alors acquis la con­vic­tion qu’il fal­lait que je m’in­vente un mode de pro­duc­tion per­son­nel : après un tra­vail dans les quartiers, j’ai pro­gres­sive­ment con­sti­tué une com­pag­nie dans les années 1986 – 87, pour enfin décider de pal­li­er la dif­fi­culté de trou­ver des pos­si­bil­ités de dif­fu­sion en créant mon pro­pre out­il, le Théâtre de l’Échangeur. C’é­tait en 1996.

Et pour moi, débuter aujour­d’hui, c’est d’abord essay­er d’imag­in­er un out­il qui per­me­tte d’ex­primer ce qu’on a à exprimer et qui nous en donne le temps, c’est-à-dire qui nous donne le droit à la mal­adresse, à l’er­reur. Inven­tons d’autres façons de faire du théâtre !

François Ker­goulay : Je suis met­teur en scène mais comé­di­en de for­ma­tion j’ai fait le Con­ser­va­toire, puis fondé une Com­pag­nie en 1991 avant de pren­dre la direc­tion le Théâtre Firmin Gémi­er à Antho­ny en 1995. Dans mon théâtre, j’es­saye d’or­gan­is­er trois ren­dez-vous par sai­son autour d’un artiste qui vient présen­ter un peu son réper­toire, ses créa­tions en cours et par­fois ses pro­pres invités. Plutôt que de rési­dence, j’aime par­ler de com­pagnon­nage avec les artistes qui vien­nent partager ces moments fes­tifs avec nous, À mes yeux la ques­tion du con­tem­po­rain ne se pose pas :le seul moteur est le désir de mise en scène qui naît à la lec­ture d’une pièce qu’elle soit de Corneille ou de Vinaver.

Jean-Marie Hordé : Quand on par­le du con­tem­po­rain, il ne faut pas élud­er la ques­tion du pub­lic, de sa com­mande plus ou moins for­mulée mais majori­taire­ment tournée vers le réper­toire déjà repéré. La dif­férence entre un texte clas­sique et un texte con­tem­po­rain se mesure aus­si en terme d’au­di­ence :il y a une dif­férence de capac­ité d’au­di­ence selon que l’on monte Molière, Shake­speare ou un auteur que l’on désigne comme con­tem­po­rain, c’est-à-dire un auteur qu’on ne con­naît pas. Autrement dit, il y a, à l’in­térieur de la ques­tion du réper­toire, la ques­tion du com­merce.

Marie Ray­mond : J’ai tra­vail­lé au théâtre de la Bastille, puis avec Jacques Nichet à Mont­pel­li­er avant de devenir secré­taire générale du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Mon par­cours a tou­jours été proche des écri­t­ures con­tem­po­raines, et à Saint-Denis nous dévelop­pons une poli­tique d’ou­ver­ture aux jeunes com­pag­nies. Nous recevons énor­mé­ment de dossiers et de textes, que nous essayons de tous traiter, mais faute de temps et de bras, nous provo­quons for­cé­ment cer­taines décep­tions. D’autre part, nous avons décidé d’aller voir le plus de spec­ta­cles pos­si­ble, Stanis­las Nordey, trois comé­di­ens per­ma­nents qui font par­tie de l’équipe de pro­gram­ma­tion et moi. Au fil des mois, nous avons reçu au télé­phone à peu près quinze à vingt com­pag­nies de théâtre par jour, plus de six cents man­u­scrits, un véri­ta­ble raz-de-marée auquel nous ten­tons de faire face en organ­isant par exem­ple des « ses­sions d’im­promp­tus » où l’on pro­pose à trois ou qua­tre com­pag­nies dont nous avons lu et retenu le pro­jet de venir en mon­tr­er une lec­ture théâ­tral­isée ou une mise en espace, Depuis jan­vi­er, une dizaine de com­pag­nies ont pu faire ce tra­vail et don­né un début de théâ­tral­i­sa­tion à leur pro­jet, Nous organ­isons aus­si, une fois par mois, des « dimanche au théâtre » où plusieurs comé­di­ens, danseurs, choré­graphes, comé­di­ens ou met­teurs en scène peu­vent, tout au long de la journée, présen­ter des petites formes, des canevas, des débuts de début.

Georges Banu : Il y a en somme deux sortes de lieux qui font de l’at­ten­tion aux débuts leur principe, leur dynamique : des lieux récents comme par exem­ple celui de Régis Hébette, et d’autres, étab­lis, comme la Bastille ou Gen­nevil­liers. Peut-être pour­rions-nous essay­er d’établir ce qui dif­féren­cie ces « lieux de décou­vertes » des « lieux d’af­fir­ma­tions »et plus ou moins de con­sécra­tions. Com­ment les artistes se définis­sent-ils par rap­port à eux et inverse­ment ? N’y a‑t-il pas un dan­ger à pro­gram­mer un auteur trop vite dans une grand insti­tu­tion ? Serge Tran­vouez, par exem­ple a fait un début remar­quable à la Cité, mais quand Jean-Pierre Vin­cent l’in­vite aus­sitôt après à mon­ter L’ORESTIE aux Amandiers, n’ac­célère-t-il pas dan­gereuse­ment le proces­sus ? Je crois que la justesse du rap­port qui s’in­stalle entre les lieux et les artistes est indis­pens­able à l’af­fir­ma­tion de l’i­den­tité de cha­cun des deux. Les artistes ont besoin de pass­er d’une expéri­ence à l’autre ; seule l’al­ter­nance est à même d’en­tretenir l’én­ergie d’un proces­sus de for­ma­tion.

Mustapha Aouar : Je dirige à la fois une Com­pag­nie, « La Goutte d’eau », sub­ven­tion­née par la Ville, le Départe­ment et la D.R.A.C., et un lieu à Vit­ry, Gare au Théâtre, qui fait par­tie d’un regroupe­ment de « Lieux dits », des lieux qui ont pour seul point com­mun d’être gérés par des com­pag­nies (il y en a une petite dizaine en Île de France). Mon par­cours est plutôt le résul­tat d’une suite d’ex­péri­ences qui m’ont con­duit à choisir d’im­planter ma com­pag­nie dans un lieu mod­este de 360 m’° situé dans une gare de marchan­dise à Vit­ry-sur-Seine où nous dis­posons d’un bureau et d’une petite salle de répéti­tion. En 1995, nous avons réal­isé un spec­ta­cle avec Raoul Ruiz dont la pro­duc­tion a pris deux ans ; nous avons tra­vail­lé tout ce temps d’ar­rache-pied pour finale­ment ne le mon­tr­er qu’une dizaine de fois. Après cette expéri­ence, j’ai décidé de ne plus courir der­rière les dif­fuseurs et d’in­ve­stir un lieu où je pour­rais présen­ter des spec­ta­cles. Et après une recherche infructueuse, j’ai regardé par ma fenêtre à Vit­ry et aperçu la grande halle qui était inoc­cupée depuis six ans. C’est ain­si qu’est né le pro­jet de Gare au Théâtre. Nous exis­tons depuis 1997 et avons env­i­ron qua­tre cent mille francs de charges fix­es ; l’an­née dernière pour la pre­mière fois la DRAC nous a don­né cent cinquante mille francs de fonc­tion­nement et cent mille pour la créa­tion de GARE AU WEB, l’e­space mil­timé­dia. Par ailleurs Thé­cif (Région) nous sou­tient depuis le début et le C.N.L. nous aide pour les édi­tions Gare au théâtre. L’aven­ture a com­mencé en 1995, l’an­née où toutes les com­pag­nies ont vu baiss­er leurs sub­ven­tions : ce qui veut dire con­crète­ment que nous étions au départ dix autour de ce pro­jet et que je me suis retrou­vé tout seul. Mais je men suis fait une rai­son et j’ai con­tin­ué ; fin 96, lorsque nous avons com­mencé les travaux cofi­nancés par l’É­cac, la Région, la Ville et nous-même, j ai décidé de main­tenir la dis­so­ci­a­tion entre ma com­pag­nie et ce lieu afin d’y éla­bor­er un pro­jet artis­tique col­lec­tif qui s’ar­tic­ulerait autour de ren­con­tres avec des com­pag­nies, des acteurs, des auteurs, des plas­ti­ciens, des choré­graphes et des met­teurs en scène dans le désir d’opér­er des croise­ments. Ces ren­con­tres nous les avons appelées PALIER DE L’ÉCRITURE, PETIT, PETIT, PETIT, LE BOCAL AGITÉ, TRAVAIL EN CHAÎNE, OUTIL-THÉÂTRE, PLASTICIENS PLASTIFIÉS, CHEMINS CROISÉS ou NOUS N’IRONS PAS À AVIGNON.

Alex­is Foresti­er : La com­pag­nie « Les endi­manchés » se forme autour du spec­ta­cle CABARET VOLTAIRE, qui soulève la prob­lé­ma­tique du début, de l’émer­gence ; en l’oc­curence de celle de l’émer­gence du mou­ve­ment Dada à Zurich dont il sem­ble que l’essen­tiel soit apparu avant même qu’il soit nom­mé, dans une sorte de tur­bu­lence, d’in­co­hérence pre­mière. C’est cet endroit du pas­sage entre les débuts et les pro­longe­ments incer­tains qui est déli­cat dans l’apparition d’un tra­vail théâ­tral… En ce qui con­cerne la com­pag­nie, il y a rup­ture entre ce spec­ta­cle-ci et les suiv­ants ; au moment où sans doute des choix stratégiques s’imposaient à nous pour qu’une iden­ti­fi­ca­tion de notre tra­vail s’af­firme, nous nous sommes engagés dans une recherche sur les écri­t­ures poé­tiques. La pièce CLAIRE de René Char sur laque­lle nous tra­vail­lons deux années est trop peu jouée. Que devi­en­nent les alliés du début lorsqu’un tra­vail se développe ain­si en immer­sion ? LES DRAMES DES CONSTRUCTEURS d’Hen­ri Michaux est joué à l’Échangeur et nos parte­naires naturels devi­en­nent les « lieux-dits » ; nous tra­vail­lons cette année à Gare au théâtre sur un pro­jet inti­t­ulé Qua­tre ter­rains pré­para­toires (LA FABRIQUE DU PRÉ de Fran­cis Ponge, L’IDYLLE de Mau­rice Blan­chot.…),; il s’agit d’in­ter­roger la notion de pré­fig­u­ra­tion, d’ex­péri­ence tran­si­toire, de dévoil­er l’en­droit de la fab­ri­ca­tion. À Gare au théâtre s’in­ven­tent de nou­veaux con­cepts qui peu­vent être mis en pra­tique rapi­de­ment.

Lau­rent Gut­mann : J’ai fait ma pre­mière mise en scène il y a exacte­ment qua­tre ans dans Le cadre du Fes­ti­val Tur­bu­lences qu’or­gan­i­sait le Théâtre Le Mail­lon à Stras­bourg. J’ai fait l’É­cole de Chail­lot du temps de Vitez et c’est vrai que si tel n’avait pas été le cas, je n’au­rais sans doute pas été pro­gram­mé à Tur­bu­lences. Je crois que c’est une erreur d’as­soci­er automa­tique­ment la ques­tion du début et celle de la con­tem­po­ranéité des textes. La véri­ta­ble ques­tion est celle que pose Jean-Marie Hordé : être con­tem­po­rain oui, mais de qui et de quoi ? Un texte ne m’est pas con­tem­po­rain du seul fait qu’il s’écrit aujourd’hui. Notre tra­vail est pré­cisé- ment d’in­ter­roger cette notion de con­tem­po­ranéité, de lui don­ner une épais­seur. La ques­tion de l’époque
à laque­lle a été écrite la pièce que l’on tra­vaille ne m’ob­sède pas.

C’est dif­fi­cile de par­ler de son rap­port à l’in­sti­tu­tion sans être de toute façon sus­pect. Si l’on sem­ble se con­tenter de ce que l’on a, c’est for­cé­ment pour ne pas froiss­er ses bailleurs de fonds ; et si l’on s’en plaint, c’est for­cé­ment que l’on estime ne pas être recon­nu à sa juste valeur. Je ne crois pas que la ques­tion soit de savoir si l’on joue à l’intérieur des édi­fices de l’in­sti­tu­tion ou bien en dehors — Chéreau monte LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON à la Man­u­fac­ture des Œil­lets, mais plutôt : « Faut-il entr­er dans l’in­sti­tu­tion telle qu’elle est et la faire bouger de l’in­térieur, ou dévelop­per une pra­tique en marge de l’in­sti­tu­tion avec l’e­spoir, avoué ou non, que celle-ci vous fasse signe un jour et vous donne des sous ?» Je crois qu’au­cun d’entre nous ne serait sur cé plateau-ci, s’il n’avait peu ou prou flirté avec l’in­sti­tu­tion. Je crois qu’il n’y a pas de parole cri­tique qui puisse porter si l’in­sti­tu­tionne recon­naît pas l’au­teur de cette parole comme l’un des siens. Je ne pense pas qu’il y ait d’un côté les purs et de l’autre les com­pro­mis.

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Portrait de George Banu
Écrit par Georges Banu
Écrivain, essay­iste et uni­ver­si­taire, Georges Banu a pub­lié de nom­breux ouvrages sur le théâtre, dont récemment La porte...Plus d'info
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GEORGES BANU : Le début est une péri­ode où les sépa­ra­tions n’ont pas encore eu lieu, où — si…

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GEORGES BANU : Dans la prob­lé­ma­tique du début la ques­tion de la décou­verte est essen­tielle. Mais cer­tains décou­vreurs trop volon­taristes se sont par­fois lais­sés aller à une poli­tique de course aux débuts dont ont pu souf­frir…

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