« Notre monde est loin d’être le pire…»

« Notre monde est loin d’être le pire…»

Hongrie

Le 14 Juin 2000

A

rticle réservé aux abonné·es
Article publié pour le numéro
L'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives ThéâtralesL'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives Théâtrales
64
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

« NOTRE MONDE est le meilleur des mon­des pos­si­bles, con­tin­uons donc à y vivre ». Ain­si pour­rait-on résumer les résul­tats de l’en­quête sur le théâtre sub­ven­tion­né menée cette année par l’Institut nation­al du théâtre hon­grois à la demande de la Munic­i­pal­ité de Budapest. Les Maîtres Pan­gloss du théâtre hon­grois veu­lent ras­sur­er à tout prix les respon­s­ables : il est dans l’in­térêt de la munic­i­pal­ité et de la cul­ture publique en général de main­tenir le statu quo. 

S’ils élèvent aujourd’hui leur voix en provo­quant une polémique de plus en plus vive, c’est à cause d’une date menaçante : en jan­vi­er 2001 aura lieu une restruc­tura­tion des théâtres d’État et, en principe, de nou­veaux directeurs seront nom­més à leur place. Cette éven­tu­al­ité fait peur aux intéressés, qui ont pour­tant eux-mêmes pro­posé cette solu­tion rad­i­cale à la munic­i­pal­ité (qui a pris l’habi­tude d’ac­céder à toutes leurs deman­des, tant est puis­sant le lob­by théâ­tral en Hon­grie — c’est Le plus puis­sant des lob­bies artis­tiques). On ne sait pas encore si cette his­toire fini­ra en comédie, si les directeurs actuels seront recon­duits dans leur fonc­tion sans que le moin­dre change­ment ne se pro­duise, ou bien si l’is­sue en sera trag­ique et sur­prenante. 

Quel est l’en­jeu de ce change­ment éventuel ? Il est dif­fi­cile à définir, en pre­mier lieu, parce que le théâtre a su con­serv­er ses priv­ilèges quand la libéral­i­sa­tion du marché a sérieuse­ment endom­magé la majeure par­tie du secteur cul­turel, mais aus­si parce que nous vivons dans un petit pays, où tout le monde con­naît tout le monde, et que les intérêts de per­son­nes freinent toute volon­té de change­ment. 

Le pou­voir est aujourd’hui entre les mains de met­teurs en scène de 55 – 60 ans qui ont fait leurs armes pen­dant la grande époque, dans les années 70 – 80, quand le théâtre jouait Le rôle de soupape de sécu­rité du régime : le chéâtre était l’espace d’ex­pres­sion de la con­tes­ta­tion sociale, on y allait au lieu de man­i­fester dans la rue, pour partager « comme sous vide » un bref moment de lib­erté, en se prê­tant au jeu col­lec­tif du déchiffrage du mes­sage scénique. Le théâtre de cette époque par son « réal­isme élevé » rem­plis­sait un rôle poli­tique. Les salles étaient bondées, les prati­ciens se sen­taient impor­tants. Aujourd’hui, le théâtre a moins d’im­pact : d’autres formes d’ex­pres­sion pré­domi­nent (poli­tiques, économiques, médi­a­tiques). Il faut faire face à cette nou­velle sit­u­a­tion. Cer­tains directeurs ont choisi de faire de la con­cur­rence à la télévi­sion ou au ciné­ma en com­mer­cial­isant leur réper­toire. D’autres per­pétuent tant bien que mal la tra­di­tion du théâtre d’art. Le pub­lic con­tin­ue de fréquenter leurs salles, surtout par rou­tine. Ce qui explique que la jeunesse, qui n’a pas été habituée à aller au théâtre, lui préfère d’autres types de « sor­ties » mieux médi­atisées comme le ciné­ma, les house-tech­no­rave et autres par­ties ou sim­ple­ment restent chez eux devant la télé et l’or­di­na­teur. Ces dernières années, le secteur pub­lic a dû se pli­er égale­ment aux impérat­ifs com­mer­ci­aux : il faut désor­mais tenir compte des sta­tis­tiques, des pour­cent­ages de fréquen­ta­tion. Ce qui ne pose pas de grands prob­lèmes aux directeurs actuels qui passent sans mal du sys­tème de cal­cul com­mu­niste au sys­tème cap­i­tal­iste. Et, en vérité, à regarder les chiffres, il y a de quoi se con­tenter : on compte une cinquan­taine de lieux de spec­ta­cle dans la cap­i­tale (une ving­taine en province) et les trois quarts ont un réper­toire et une com­pag­nie per­ma­nente. La grande majorité béné­fi­cie d’une sub­ven­tion directe ou indi­recte de l’É­tat ou de la munic­i­pal­ité, mais on trou­ve aus­si des salles privées. L’ar­gent investi par l’É­tat dans ce secteur reste énorme (près de 300 mil­lions de francs français) et cou­vre à peu près 70 % du bud­get des théâtres, mais comme il est large­ment dis­tribué, les insti­tu­tions se trou­vent tou­jours en dif­fi­culté. Cette année, pour la pre­mière fois, quelques salles fer­meront leurs portes plus tôt que prévu et annuleront des pre­mières. La fréquen­ta­tion tourne autour des 85 %, et dans ce pays de dix mil­lions d’habi­tants, on vend qua­tre mil­lions de bil­lets par sai­son. 

A

rticle réservé aux abonné·es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte 1€ - Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
1
Partager
auteur
Écrit par Máté Gáspár
Máté Gáspár enseigne le théâtre. Il est aus­si cri­tique de théâtre et rédac­teur en chef de la revue...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
L'Est désorienté-Couverture du Numéro 64 d'Alternatives Théâtrales
#64
mai 2025

L’Est désorienté

15 Juin 2000 — LORS DES ÉVÉNEMENTS DE 1989, je n'étais qu'étudiant en seconde année dans la section de mise en scène au Conservatoire…

LORS DES ÉVÉNEMENTS DE 1989, je n’é­tais qu’é­tu­di­ant en sec­onde année dans la sec­tion de mise en scène…

Par Felix Alexa
Précédent
13 Juin 2000 — Un petit bout d’histoire LE THÉÂTRE SLOVÈNE est sans doute un des grands inconnus du mouvement théâtral européen. Aux yeux…

Un petit bout d’histoire LE THÉÂTRE SLOVÈNE est sans doute un des grands incon­nus du mou­ve­ment théâ­tral européen. Aux yeux des grandes nations — peu famil­iarisées avec le sys­tème fédéral de l’ex- Yougoslavie et les…

Par Jana Pavlic
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total