Nous, les marionnettes… Le bunraku fantasmé du Théâtre du Soleil
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Réflexion
Portrait

Nous, les marionnettes… Le bunraku fantasmé du Théâtre du Soleil

Le 20 Nov 2000
Duccio Bellugi- Vannuccini et son manipulateur, TAMBOURS SUR LA DIGUE d’Hélène Cixous, mise en scène Ariane Mnouchkine, 1999. Photo Michelle Laurent.
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Duccio Bellugi- Vannuccini et son manipulateur, TAMBOURS SUR LA DIGUE d’Hélène Cixous, mise en scène Ariane Mnouchkine, 1999. Photo Michelle Laurent.
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Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66

Nous amu­sons le Ciel, pau­vres mar­i­on­nettes (Sans nulle métaphore, oh, les choses sont nettes) Un à un nous ren­trons au cof­fre du Néant, Après avoir joué, sur Terre, nos saynettes.
Omar Khayam

Si la mar­i­on­nette, les « inex­perts » l’aiment comme métaphore, le théâtre, lui aus­si, n’échappe pas tou­jours à cette réduc­tion essen­tielle. Plus qu’à une œuvre, à une réus­site ou à un échec, à une avancée ou à un retard, l’on peut par­fois être sen­si­ble à ce à quoi une mar­i­on­nette ou un acteur ren­voient. Objets d’une manip­u­la­tion supérieure, le manque d’autonomie, à des degrés dif­férents, les qual­i­fie depuis tou­jours. Et cela les rend éter­nels, bien au-delà des avatars his­toriques ou des rébel­lions philosophiques, car ils désig­nent une con­di­tion, une dépen­dance autant qu’une mise sous sur­veil­lance. Que ce lien à une autorité supérieure soit con­testable ou non, peu importe, car au grand dam des « experts », il nous faut admet­tre que la mar­i­on­nette comme le théâtre intéressent au plus haut degré lorsqu’ils s’attaquent à cela, à cette rela­tion. Lorsqu’on la met à l’œuvre, éblouis, nous regar­dons ces « êtres inter­mé­di­aires » que sont la mar­i­on­nette ou l’acteur et nous nous réfléchissons dans le miroir de leur « lib­erté con­trôlée ».

La mar­i­on­nette s’organise autour de l’animé, évi­dent ou secret, et de l’inanimé : cette con­tra­dic­tion la fonde autant qu’elle la légitime. Et les degrés de vis­i­bil­ité du manip­u­la­teur inter­vi­en­nent dans la déf­i­ni­tion de son statut avec tout ce qu’il com­porte comme pen­sée par rap­port à la grande métaphore de « la manip­u­la­tion ». C’est de là que part Ari­ane Mnouchkine et c’est ce qui pas­sionne le plus dans un spec­ta­cle qui regorge d’intrigues san­guinaires et de pas­sions meur­trières. Le statut de la mar­i­on­nette l’emporte sur la portée du poli­tique.

Les entrées, comme jadis dans les Shake­speare, cristallisent, poé­tique­ment, le pro­jet car, à par­tir de ce gué, Mnouchkine nous place dans l’incertitude entre l’animé et l’inanimé. Les manip­u­la­teurs s’avancent et por­tent, avec un soin extrême, des man­nequins figés dans des pos­tures réper­toriées depuis des siè­cles. Mais une inter­ro­ga­tion nous taraude : où s’arrête le vivant ? Ces stat­ues inan­imées, com­ment pour­ront-elles pren­dre vie ? Mais ne sont-elles pas déjà « vivantes » ? Mnouchkine cul­tive ce trou­ble pre­mier et ain­si « l’arrivée » des manip­u­la­teurs et de leurs per­son­nages nous plonge dans l’inquiétude d’un entre-deux où les fron­tières entre l’animé et l’inanimé sem­blent floues. Incer­ti­tude de la matière, « instant habité » du théâtre.

Ari­anne Mnouchkine fonde et dirige le Théâtre du Soleil qui s’installe à la Car­toucherie de Vin­cennes en 1970. Le spec­ta­cle TAMBOURS SUR LA DIGUE est l’un des fruits de sa col­lab­o­ra­tion avec l’auteur Hélène Cixous qui a égale­ment don­né L’HISTOIRE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK, ET SOUDAIN DES NUITS D’ÉVEIL et LA VILLE PARJURE OÙ LE RÉVEIL DES ÉRYNIES.

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