Avatars du Mouvement wallon
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Avatars du Mouvement wallon

Le 26 Jan 2001
Article publié pour le numéro
Jean Louvet-Couverture du Numéro 69 d'Alternatives ThéâtralesJean Louvet-Couverture du Numéro 69 d'Alternatives Théâtrales
69
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AU LENDEMAIN de la grève de 60 – 61, la Wal­lonie va revendi­quer le fédéral­isme pour dépass­er la débâ­cle économique qui s’abat sur elle. Depuis les orig­ines, le Mou­ve­ment wal­lon veut per­me­t­tre à la Wal­lonie de pren­dre son envol dans le car­can belge, de gag­n­er son autonomie, l’État fédéral lâchant de plus en plus de com­pé­tences au prof­it des entités fédérées. (C’est plutôt celles-ci qui arrachent des com­pé­tences au pou­voir cen­tral.) Ain­si nous voilà dotés d’un par­lement, d’un gou­verne­ment, d’une cap­i­tale. 

Le pas­sage au fédéral­isme n’a pas apporté la richesse. Il a empêché une plus grande hémor­ragie et per­mis un redresse­ment économique cer­tain. 

Nous sommes sor­tis d’une idéolo­gie du déclin, mais nous restons une région pau­vre face à une Flan­dre riche, si tant est qu’il faille sem­piter­nelle­ment se com­par­er à la Flan­dre. Après tout, on peut vivre avec des moyens mod­estes et couper court au ressasse­ment d’une men­dic­ité wal­lonne, ce qui arrange bien l’arrogance de cer­taines couch­es sociales fla­man­des. 

Jean Louvet devant une œuvre de Constantin Meunier Photo Alice Piemme.
Jean Lou­vet devant une œuvre de Con­stan­tin Meu­nier Pho­to Alice Piemme.

Donc, c’est le règne de la loi du plus fort. Les fran­coph­o­nes plient trop sou­vent dans le bras de fer qui les oppose aux Fla­mands. 

Dans ce paysage miné, une petite éclair­cie : nos voisins du Nord sont un peu moins forts à cause de leur frag­men­ta­tion poli­tique et du poids mort que représente le Vlaamse Blok avec lequel les par­tis démoc­ra­tiques ne peu­vent faire alliance. 

Quoi qu’il en soit de cette mal­adie brune dans le Nord du pays, rester en Wal­lonie dans l’état de besoin, c’est rester dans un état de dépen­dance, c’est per­dre sa dig­nité. C’est per­dre la dimen­sion poli­tique. Nous vivons dans le deuil de l’é­gal­ité entre Belges. Pour en sor­tir, il faut défendre, tant en Wal­lonie qu’à Brux­elles, des valeurs indis­pens­ables à la con­struc­tion de l’é­gal­ité. 

Le Mou­ve­ment wal­lon n’a pas abouti à créer une nation wal­lonne. Ce qui met les Wal­lons plus ou moins à l’abri de dérives anti­dé­moc­ra­tiques, mais nous man­quons cru­elle­ment d’une prise de con­science régionale. Et la Com­mu­nauté française de Bel­gique est une insti­tu­tion qui main­tient Wal­lons et Brux­el­lois dans l’insignifance poli­tique. 

Échec cuisant donc : la sol­i­dar­ité pro­pre à un État fédéral n’ex­iste pas. Et ce qui reste de com­mun au Nord et au Sud fait l’objet d’un chan­tage per­ma­nent. Il nous faut donc créer cette dig­nité poli­tique qui con­duit le citoyen à pren­dre son des­tin en main. Notre sort dépend de nous. Tâche urgente, car il y a fort à pari­er que les iné­gal­ités vont s’accroître jusqu’au seuil du tolérable. Ne pas le dire, c’est mas­quer l’hori­zon d’une com­mu­nauté qui con­tin­uerait à vivre dans le mou, les petits pas. Wal­lons et Brux­el­lois ont une appar­te­nance à fonder, sans quoi ils ne seront pas crédi­bles. Nous n’avons fait que la moitié du chemin. 

En écrivant LE COUP DE SEMONCE sur le Con­grès de 1945, j’avais appris, surtout en étu­di­ant de près les inter­ven­tions de Fer­nand Dehousse, qu’il y a deux sortes d’é­tats fédéraux. Ceux qui cimentent la volon­té d’entités fédérées à for­mer un État fédéral et qui ont une chance de sur­vivre et ceux qui provi­en­nent de l’é­clate­ment d’un État cen­tral, ces derniers étant beau­coup plus frag­iles. La pièce dis­ait aus­si que restait faible la chance pour Fla­mands et Wal­lons de vivre ensem­ble dans un État fédéral ; en fait, c’est la dernière chance. Une par­tie du Mou­ve­ment wal­lon avait sans doute vu clair et peut être allons-nous vers la coquille vide d’un fédéral­isme exsangue. 

En écrivant quelques pièces sur l’amnésie, j’ai pen­sé qu’il fal­lait aider à ren­dre aux Wal­lons leur place dans l’histoire. 

L’his­toire du Mou­ve­ment wal­lon est en voie de pub­li­ca­tion. Cette œuvre impor­tante, si elle irrigue sérieuse­ment la société wal­lonne, per­me­t­trait de con­stru­ire une véri­ta­ble cul­ture théorique et his­torique de notre fédéral­isme. 

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