L’enjeu de l’adaptation scénique

L’enjeu de l’adaptation scénique

Rencontre avec Matéi Visniec, Kossi Efoui et Roland Fichet

Le 8 Avr 2002

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Voix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives ThéâtralesVoix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives Théâtrales
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Eve­lyne Lecucq : Le Papierthéâtre et le Là Où théâtre se sont, en quelque sorte, appro­priés vos trois textes. Ils ont été coupés, recom­posés, réduits à un seul extrait par­fois, au risque de chang­er de sens. Com­ment cha­cun de vous ressent-il cette « manip­u­la­tion » de son écri­t­ure ?

Matéi Vis­niec : Je donne une lib­erté absolue pour cer­tains de mes textes — c’est plus déli­cat pour ceux que je pense avoir très pré­cisé­ment struc­turés. Théâtre décom­posé est juste­ment un recueil de mod­ules théâ­traux à décom­pos­er et à recom­pos­er, un jeu que je pro­pose comme par­ti pris. Une façon de dire : « voilà une trentaine de mod­ules, choi­sis­sez-en le nom­bre et l’ordre. Mon­tez-les avec un, deux, ou trente comé­di­ens, dont vous déciderez du sexe et de l’âge ». Il est dif­fi­cile de pro­pos­er plus de lib­erté à un met­teur en scène ! De mon côté, ce qui m’intéresse c’est de voir dans quelle mesure mon univers reste intact dans ce jeu. J’ai tou­jours été agréable­ment sur­pris par les com­pag­nies qui ont mon­té ce texte parce qu’il a volon­taire­ment été écrit comme une sorte d’exercice styl­is­tique, un texte de lab­o­ra­toire. J’ai com­mencé à écrire en français en 1992 et j’ai conçu Théâtre décom­posé en 96. Mon défi n’était pas de tra­vailler sur la langue mais, au con­traire, de tra­vailler dans l’économie de mots, de con­stru­ire des his­toires drôles avec très peu de moyens. Dans cette logique-là, j’ai écrit ces textes très min­i­mal­istes : il y a des his­toires, des sit­u­a­tions, et puis l’incitation à les mon­ter, à les démon­ter, à les déman­tel­er. Ce que l’on a fait d’ailleurs avec beau­coup de joie avec Alain Lecucq. J’avais vu son style de théâtre, je m’étais dit que mes his­toires pour­raient fonc­tion­ner avec ses fig­urines, et j’ai vite été assuré que cette ver­sion du texte serait très con­va­in­cante.

Kos­si Efoui : Je n’ai pas d’attachement vis­céral à ce que j’écris. Je me fiche d’indiquer « table rouge » et qu’on mette un drap blanc. Je pense que le texte est intéres­sant quand il pro­pose une énigme au met­teur en scène et que ce dernier donne une réponse à cette énigme — jamais une réponse défini­tive puisque l’énigme elle-même n’est jamais claire­ment définie. Pour ce qui est de couper dedans, il n’y a rien qui me gène dans le principe. Je trou­ve d’ailleurs très auda­cieux de la part des met­teurs en scène de couper dans les textes parce qu’il faut avoir au préal­able réelle­ment tra­ver­sé soi-même, en tant que lecteur, l’architecture ou les réseaux de sens qui par­courent le texte pour couper, recom­pos­er et pro­pos­er de nou­velles ouver­tures. Couper n’est jamais fait parce qu’on n’a pas le temps, mais parce que c’est trop long. Ce qui m’intéresse, c’est la sur­prise finale. En ce qui con­cerne Le faiseur d’histoires, la propo­si­tion du Là Où théâtre m’a bien plu. Je la trou­ve belle et poé­tique, mais j’ai posé une ques­tion à Renaud : est-ce qu’elle n’aurait pas pu exis­ter indépen­dam­ment du texte, de ce qui est écrit, artic­ulé mot après mot ? Elle ne peut évidem­ment pas exis­ter indépen­dam­ment du réc­it lui-même et de ses images, parce que c’est essen­tielle­ment ce qui a nour­ri sa démarche mais, par exem­ple, ce qui est don­né à voir dans le spec­ta­cle à tra­vers le jeu entre le nar­ra­teur — le faiseur d’histoire — et cette femme se décline en se ren­forçant à d’autres moments du texte man­quant dans cette propo­si­tion. L’irruption bru­tale de l’effroi au moment où l’on croit être sauvé revient et l’on ne la retrou­ve plus dans le spec­ta­cle : on trou­ve autre chose. La ques­tion est bien de se deman­der com­ment on artic­ule les dif­férents sens ensem­ble. Nous voulons repar­ler de cette expéri­ence avec Renaud et voir dans quelle mesure il serait pos­si­ble de démar­rer d’autres pro­jets en col­lab­o­rant mieux autour des règles du jeu.

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Écrit par Évelyne Lecucq
Évelyne Lecucq est jour­nal­iste et dirige Mû, pub­li­ca­tion consacrée à l’art de la mar­i­on­nette.Plus d'info
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