LUI (celui qui naît). Les pieds dans le ruisseau, plaisir. J’ai ôté me savates de toile bleue, je suis entré dans le lit du ruisseau. Un lit en pente douce, de l’eau jusqu’aux chevilles puis jusqu’aux mollets. Dans cette prairie à foin qui risque son herbe jusqu’au bord de la falaise j’ai marché dans l’eau de mon ruisseau. Je ne pouvais pas dormir, tourmenté que j’étais, sans cesse tourmenté par sa disparition subite : à cinquante mètres de la falaise il s’évanouit. Il se tord un peu et par une bouche de terre s’esquive. A genoux je l’ai reniflée cette bouche et j’ai su que c’était pour cette nuit. J’ai ôté mon pantalon blanc, ma chemise blanche, mon slip blanc ; nu, je me suis introduit dans le boyau. Doucement. Je me suis enfoncé dans ce tunnel ; victoire ! (temps). A quatre pattes d’abord puis à plat ventre : effet de l’étroitesse du passage (temps). Serré de partout, de la terre dans les oreilles, les cheveux laqués de boue, je rampe dans le noir. Je sens toutes mes côtes, mes genoux saignent, je pète pour soulager mon ventre comprimé (temps). Reptation lente (temps). Un filet d’eau coule entre mes jambes, me mouille les fesses, les testicules, le sexe. Je lape pour renouveler ma salive. De secousse en secousse je glisse encore. Reptation de plus en plus lente (temps). La veine de mon cou bat ou est-ce le boyau qui respire ? Ai-je parcouru dix mètres ? quinze mètres ? vingt-cinq mètres ? Je suis bloqué. Ventousé. Toute la surface de ma peau est ventousée. Vérifier la mobilité de mes doigts. Gratter. Je gratte (temps). Je ne gratte plus. Je m’engourdis. Euphorie de l’immobilisation (temps). Réaction. Je gagne un centimètre, deux centimètres, trois centimètres. Ma tête bouge ? Oui, elle peut bouger. Le principe du bélier. Un petit coup de bélier. Le sommet de mon crâne frappe la paroi supérieure du boyau. Vibration. Le cou, quelle invention utile ! Boum ! boum ! boum ! M’assommer. Je vais m’assommer et ce sera fini (temps). Bruit. Vibration de la peau qui m’enveloppe. Frémissement de mon corps. Pression de mon dos. Pression de ma tête. Ma pauvre tête pousse, pousse pousse. Bruit. Hurlement intérieur de rage et d’espoir. Pression maximum. Ça bouge. Ça cède. Ça s’ouvre. La croûte terrestre a cédé, ma tête est passée de l’autre côté ; miracle ! (temps). Seule ma tête. A ras du sol herbeux. Emergée. Offerte au vent léger. J’ai ouvert les yeux. La boue déjà sèche qui les murait a éclaté. A quelques mètres la falaise. Tout là-haut les étoiles.
CE QUI EST AFFIRMÉ de façon significative dans le théâtre de marionnettes, c’est que le théâtre est une fabrique d’artifices,…

