Renée Copraij
Communiquez entre vous pour communiquer avec le public1
Entretien avec Luk Van den Dries
Luk Van den Dries : La première production de Jan Fabre dans laquelle tu as dansé a été LE VERRE DANS LA TÊTE EST FAIT DE VERRE (Sections de danse), le volet chorégraphique de sa première production d’opéra. La danse n’avait auparavant joué qu’un rôle mineur. Peux-tu m’en dire plus sur ces premiers pas ?
Renée Copraij : Dès le début, Jan a développé un style de danse très personnel, fondé sur les mouvements de base de la danse classique, comme les tendus et les simples ports de bras. Il les a dépouillés d’ornements et de toute forme de maniérisme, puis les a fait exécuter d’une manière extrêmement lente et hyperconsciente. À cette époque, la danse classique était considérée comme un vocabulaire dépassé, particulièrement en Belgique. Nous étions les seuls à explorer le langage de la danse traditionnelle, académique, dont les mouvements classiques s’étaient tout de suite imposés à nous. Par ailleurs, la danse classique avait déjà fait une brève apparition dans une scène de LE POUVOIR DES FOLIES THÉÂTRALES où Annamirl Van der Pluijm répétait un adagio avec des développés jusqu’à chanceler et s’écrouler en larmes. La forme est donc corrodée par la réalité. LES SECTIONS DANSÉES s’est élaboré autour de cette notion, à la différence cruciale qu’ici il ne s’agissait plus de montrer l’épuisement du corps ni la réalité. Les mouvements servaient juste à exprimer la beauté de l’illusion. Nous avons donc dû fournir un effort intense, afin d’éviter que la durée et la répétition n’affectent les mouvements.
L. V. D.: Jan connaissait-il lui-même ces mouvements ?
R. C.: De vue, seulement. Il n’était pas capable de les exécuter lui-même. Il s’intéressait plus à l’origine de la danse, aux relations entre la danse et la sexualité, la danse et l’érotisme, la danse et le rituel.
L. V. D.: Perçois-tu les influences d’autres chorégraphes ?
R. C.: La chorégraphie portait, dès le début, la signature typique de Fabre, avec cette lenteur excessive des mouvements, plus lents encore qu’au ralenti. Mais Jan a certainement été influencé par les chorégraphies en « noir et blanc » de Balanchine, qui sont très graphiques, très pures. Balanchine, lui aussi, exigeait de ses danseurs de ne rien faire d’autre que de compter : Don’t think, just count, et de danser avec une concentration maximale, dénuée de toute charge psychologique.
L. V. D.: Y a‑t-il une différence entre les acteurs et les danseurs de Fabre ?