Richard Boleslavski : du premier Studio à l’American LaboratoryTheatre

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Le 28 Oct 2005

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Stanislavski Tchekhov - Couverture du Numéro 87 d'Alternatives ThéâtralesStanislavski Tchekhov - Couverture du Numéro 87 d'Alternatives Théâtrales
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« On ne peut se vouer à l’art qu’en Russie. L’art théâ­tral n’existe que là-bas. Ici, en Amérique, j’ai appris à me bat­tre pour vivre, pour gag­n­er de l’argent, à me bat­tre pour trou­ver une place… Mais quand je pense à l’art, à l’état actuel de l’art, je pense inévitable­ment à la Russie, seule­ment à la Russie, car il n’existe et il n’est pos­si­ble que là-bas. »

R. Boleslavs­ki1

L’ARTICLE de Pavel Markov « Le pre­mier Stu­dio du Théâtre d’Art : Souler­jit­s­ki, Vakhtan­gov, Tchekhov » est devenu emblé­ma­tique. Cepen­dant, c’est avec un spec­ta­cle de Richard Boleslavs­ki 2, exclu du trio légendaire pour cause de mise à l’in­dex, que le pre­mier Stu­dio a fait ses pre­miers pas.

Boleslavs­ki était (il le recon­nais­sait lui-même) un rebelle insta­ble : c’est en émi­gré polon­ais qu’il inté­gra le Théâtre d’Art. Puis il dis­parut, pour le rejoin­dre à nou­veau, à New York, durant la tournée inter­na­tionale de la com­pag­nie. LA VOIE DU LANCIER : tel est le titre de l’un de ses livres parus aux États-Unis 3, et l’im­age du cheva­lier, célébré dans les bal­lades roman­tiques,
lui cor­re­spond bien. Ses mis­es en scène au pre­mier Stu­dio, en par­ti­c­uli­er BALLADYNA de Juli­uz Slowats­ki (1920), révélèrent son atti­rance nos­tal­gique pour la « pra-cul­ture » 4, pour les per­son­nages mythologiques, pour le théâtre non quo­ti­di­en, fait de pas­sions incan­des­centes…

Pérégrinations

La fig­ure du com­bat­tant choisie par Boleslavs­ki pour son auto­bi­ogra­phie n’est-elle qu’une métaphore ? Rap­pelons qu’à la fin de l’hiv­er 1919 – 1920, avec sa femme et son cama­rade N. Koline, Boleslavs­ki déci­da de fuir les autorités révo­lu­tion­naires. Sous pré­texte de « soutenir le moral de l’Ar­mée rouge », le trio rejoint une brigade de théâtre, parvient jusqu’à la ligne de feu où la cav­a­lerie rouge se bat con­tre les Polon­ais de l’Ar­mée blanche et se retrou­ve de l’autre côté du front.

Les fuyards, après avoir été longue­ment inter­rogés par l’É­tat-Major polon­ais, sont libérés. Voilà donc Boleslavs­ki revenu dans son pays natal. Il rede­vient met­teur en scène, com­mence par repren­dre le réper­toire du pre­mier Stu­dio ; en mai 1920, il a déjà réal­isé LE DÉLUGE au Théâtre Wiel­ki de Poz­nan. À Varso­vie, il ren­con­tre le met­teur en scène Leon Schiller, com­mence une col­lab­o­ra­tion avec Julius Oster­wa, l’un des fon­da­teurs de Redu­ta, com­mu­nauté qui se donne comme objec­tif de suiv­re le mod­èle des Stu­dios du Théâtre d’Art. Boleslavs­ki est pressen­ti pour y être met­teur en scène – péd­a­gogue, mais les dif­fi­cultés finan­cières empêchent la réal­i­sa­tion du pro­jet. Avec un groupe de jeunes comé­di­ens du Théâtre Pol­s­ki, Boleslavs­ki monte LE BOURGEOIS GENTILHOMME et LES ROMANESQUES d’Ed­mond Ros­tand. Il sem­ble qu’il a choisi pour tou­jours la scène polon­aise. Mais lorsqu’il apprend l’in­cur­sion du maréchal Toukhatch­evs­ki dans la région de la Vis­tule, en juil­let 1920, il s’en­gage dans la cav­a­lerie polon­aise et se bat con­tre l’Ar­mée rouge. Après cette par­tic­i­pa­tion directe aux opéra­tions mil­i­taires, il déclar­era que toutes les guer­res se font au nom de grands idéaux mais que ce sont les instincts les plus bas qui finis­sent par tri­om­pher.

Après plusieurs péripéties à Prague, Berlin et Paris, « Boley » se retrou­ve fin 1922 à New York, où le chô­mage le guette. Une let­tre de Stanislavs­ki va le sauver.

La troupe du Théâtre d’Art était atten­due à New York en jan­vi­er 1923 après un début de tournée en Europe. Stanislavs­ki pro­pose à Boleslavs­ki de devenir son assis­tant et de pren­dre en charge les répéti­tions des scènes de masse 5. Celui-ci prend l’ini­tia­tive, en out­re, de se lancer dans la péd­a­gogie : il donne une pre­mière con­férence sur le Sys­tème de Stanislavs­ki au Princess the­atre durant l’hiv­er 1923 qui est suiv­ie par des audi­teurs dont les noms bril­lent déjà sur les affich­es de Broad­way : Winifred Leni­han, Mar­go­lo Gilmore, Jacob Ben Ami, Kath­lene Mac­Don­ald, Peg­gy Wood, Edward Car­ring­ton, et d’autres. Large­ment annon­cée comme « la pre­mière présen­ta­tion publique de la grande méth­ode (- of the great method) », cette opéra­tion fait une bonne pub­lic­ité au Théâtre. Dans un arti­cle du print­emps 1923, Boleslavs­ki qual­i­fie Stanislavs­ki de « l’un des plus grands génies du théâtre », qui a réus­si à faire du comé­di­en un artiste créa­teur au lieu d’un bouf­fon, et qui a con­sid­éré l’art de l’ac­teur comme « une sci­ence sys­té­ma­tique » 6. Out­re son tra­vail d’as­sis­tant à la mise en scène, Boleslavs­ki joue dans quelques spec­ta­cles 7 : il est donc perçu comme un mem­bre à part entière de la troupe.

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Écrit par Marina Litavrina
Mari­na Litav­ri­na est doc­teur en études théâ­trales, pro­fesseure à l’Université Lomonossov et au GITIS de Moscou. Spé­cial­iste du...Plus d'info
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#87
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