Nicolas Bouchaud est comédien depuis 1991.
Il a joué avec de nombreux metteurs en scène, parmi les derniers : Didier-Georges Gabily, Igor (Théâtre Dromesko), Bernard Sobel, Yann-Joël Collin, Rodrigo Garcia… et avec Jean-François Sivadier depuis une dizaine d’années.
Sylvie Martin-Lahmani : Vous avez rencontré Jean-François Sivadier en 1993 sur Enfonçures, de Didier-Georges Gabily. C’est ce qui a déclenché votre envie de travailler avec lui ?
Nicolas Bouchaud : Je suis arrivé dans le groupe Tchang (de D.-G. Gabily) pour Les Cercueils de zinc. Quatre mois plus tard, nous avons joué Enfonçures. Jean-François m’a proposé de participer à un atelier qu’il organisait au Théâtre de la Cité (un travail sur les textes, avec un groupe d’acteurs, sans obligation de résultat : sans création de spectacle). Je n’ai pas pu y participer car je faisais un autre spectacle avec Yann-Joël Collin. Pendant les répétitions d’Enfonçures, nous nous sommes immédiatement bien entendus : on a énormément ri. La deuxième chose qui m’a séduit, c’est son empathie avec la chose théâtrale. Pendant les répétitions, on se regarde les uns les autres, et Jean-François porte un très beau regard sur les gens. La deuxième étape importante de notre histoire a été Don Juan et Chimère monté par D.-G. Gabily. Didier est mort en août 96 à la moitié des répétitions, et nous avons dû prendre la décision difficile de finir ce diptyque. Jean-François a accepté d’être notre « œil extérieur ».
J’ai compris que son regard me portait à faire des choses sur le plateau que je n’avais jamais faites, qu’il me donnait une grande liberté.
S. M.-L. : Vous ne craignez pas de ne plus le surprendre après toutes ces années ?
N. B. : Oui et non, cette question ne me taraude pas vraiment. Ne plus le surprendre, ce serait ne plus me surprendre moi-même… Quand ça m’arrive, nous explorons ensemble d’autres pistes. Cette exploration se poursuit pendant les répétitions et d’un spectacle à l’autre.
S. M.-L. : Jean-François ne fait pas que vous « diriger » sur un plateau puisqu’il vous arrive de jouer ensemble. Que vous procure cette complicité sur un plateau ?
N. B. : De l’ordre de la connivence, de la complicité. Comme dans les couples, il s’agit de cette chose qu’on a dans une relation à deux, qui fait que ça marche ou pas. Et que ça se voit ! D’ailleurs, j’adore commencer les scènes avec Jean-François — qu’on soit assis ou debout, plantés comme deux piquets, mais côte à côte. Je sais qu’un frémissement va passer dans le public, une suspension de l’écoute avant même que la parole ne s’engage, et je sais aussi qu’ensemble, nous allons attendre la crête du silence pour commencer à parler.
S. M.-L. : Jean-François a parlé de prolongement de sa pensée de mise en scène en vous, quand vous êtes acteur. Et vous, vous avez plutôt le sentiment d’être jumeaux ?
N. B. : Oui, quand il est en dehors du plateau.
S. M.-L. : Avez-vous l’impression d’entretenir une relation privilégiée avec Jean-François, ou bien est-ce ainsi dans la troupe en général ?




